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Revaloriser le travail : un impératif politique, par Nicolas Bouzou


Les LR menés par Laurent Wauquiez veulent placer le travail au cœur de l’action gouvernementale de Michel Barnier. Ils ont raison philosophiquement, politiquement et économiquement. Philosophiquement car, dans les sociétés façonnées, d’abord par le christianisme, ensuite par les Lumières puis par la République, le travail est la colonne vertébrale de l’ordre social. Plus ces sociétés sont bousculées par la guerre, la technologie, le terrorisme, les crises diverses, plus il est nécessaire de renforcer cette colonne vertébrale.

Politiquement, car les sondages d’opinion montrent qu’une immense majorité de nos concitoyens aiment leur travail et même leur entreprise. Ils n’aiment pas leur manager et se trouvent insuffisamment payés, mais ces revendications légitimes ne signifient pas que c’est le travail en lui-même qui ferait l’objet d’une défiance générale.

Economiquement, enfin, car, comme l’a montré Marx dans des pages lumineuses, toute valeur émane au bout du compte du travail humain. Par conséquent, l’enrichissement d’une société procède du nombre de personnes qui travaillent, de leurs temps de travail, de leur motivation et de leur efficacité.

L’écueil du revenu universel

Robin Rivaton a chroniqué en ces pages les résultats d’une grande étude financée par Sam Altman sur le revenu universel, lubie des écolos décroissants pour lesquels le travail est une hérésie, et des technophiles californiens pour lesquels l’intelligence artificielle va faire disparaître le travail humain. Cette étude, réalisée selon des critères scientifiques rigoureux, montre que les bénéficiaires du revenu universel diminuent leur participation au marché du travail et, pour ceux qui continuent de travailler, leur temps de travail, au bénéfice de leurs loisirs. Les récipiendaires du revenu universel voient leur niveau de stress diminuer à très court terme mais remonter ensuite. In fine, leur consommation d’alcool et d’analgésiques progresse. Bref, comme un raisonnement philosophique le laissait présager, le revenu universel, en ceci qu’il “désincite” au travail, est une catastrophe individuelle et collective. Quand la politique incite au travail, elle rend un immense service aux individus et à la société.

Un bon programme économique doit donc encourager nos concitoyens à travailler davantage, ce qui peut prendre deux formes. D’abord, il faut permettre aux gens de prendre davantage de responsabilités et de percevoir des salaires plus élevés. Cet enjeu est au cœur de la mission Bozio-Wasmer lancée par Eisabeth Borne quand elle était Première ministre. Le problème est bien identifié : pour lutter contre le chômage, depuis les années 1990, les gouvernements successifs ont mis en place des allègements de charges, qui peuvent monter jusqu’à 3,5 smic mais qui sont concentrés entre 1 et 1,6 smic.

Cette forte dégressivité n’incite pas les entreprises à augmenter les salaires, mais elle n’incite pas non plus les salariés à vouloir prendre des responsabilités, car l’effet des charges supplémentaires conjugué à la progressivité de l’impôt sur le revenu diminue considérablement le gain financier rapporté à la hausse du salaire brut. Denis Ferrand, à l’institut Rexecode, a calculé que pour un salarié vivant seul dont la rémunération passerait de 1,4 à 1,5 smic, seulement 27 % de l’augmentation brute obtenue serait conservée après l’impôt sur le revenu, du fait de la réduction de la prime d’activité. C’est évidemment très faible et pas du tout motivant.

“Le piège du chômage”

Ensuite, il reste nécessaire de lutter contre les “trappes à inactivité”, c’est-à-dire ces situations dans lesquelles le travail n’offre pas de gains financiers significatifs comparés à l’inactivité. Les économistes appellent ce phénomène “le piège du chômage”. Eurostat le calcule pour les pays européens comme la part de la rémunération brute “absorbée”, chez ceux qui reprennent un emploi rémunéré aux deux tiers du salaire moyen, par la perte des allocations chômage et l’augmentation de la fiscalité. Cette rémunération “absorbée” est de l’ordre de 70 % en France. Même si ce chiffre a eu tendance à baisser depuis vingt ans grâce à l’instauration de la prime d’activité, il reste trop élevé.

Que faire pour remédier à ces dysfonctionnements ? Lisser les allègements de charges, simplifier notre système d’aides sociales, construire des logements et faire en sorte que le travail rapporte, de manière systématique, nettement plus que l’inactivité : voilà un bon début pour revaloriser le travail dans notre pays.




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