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Aux Pays-Bas, la ruée des étudiants internationaux qui irrite le gouvernement


Le fatalisme, un travers bien de chez nous : un Français sur trois considère le déclin du pays comme irréversible, selon l’étude Fractures françaises de la fondation Jean-Jaurès publiée en octobre 2023. Quoi de surprenant dans une société où le président de la République en personne, à l’époque François Mitterrand, prétendait en juillet 1993 que “dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé” ? L’idée que la politique ne peut peser sur le réel a continué à se diffuser, comme un venin paralysant l’action publique. Et pourtant, à quelques kilomètres de chez nous, des peuples d’irréductibles réformateurs résistent encore et toujours à l’impuissance.

L’effort suppose d’abord un diagnostic clair, à long terme : en Italie, en Suède ou au Canada, c’est au bord du gouffre que les gouvernants ont élaboré des réformes d’ampleur, appelées à faire passer leur pays de malade à modèle. Surtout, il implique une volonté politique sans faille, outre la bureaucratie, les lobbys et ceux qui pensent que tout changement des pratiques est impossible. A l’heure où le nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier met en avant, jusque dans les intitulés de ses ministres, la “simplification”, le “partenariat avec les territoires”, la “souveraineté alimentaire” ou la “réussite scolaire”, comme autant de promesses, on ne peut que leur conseiller d’aller jeter un œil à ce qui marche ailleurs.

En France, le bouche-à-oreille tourne à plein. “De plus en plus de familles dirigent leurs regards vers les universités aux Pays-Bas, séduites dans un premier temps par les prix attractifs, explique Simon Eason, consultant pour la société Study Experience. Là-bas, les frais moyens de scolarité tournent autour de 2 500 euros annuels, y compris dans de grands établissements publics très réputés et haut placés dans les classements mondiaux.” Selon l’enquête 2023 de Campus France, le pays comptabilise, sur les 988 000 étudiants inscrits, 135 535 internationaux, soit 14 % des effectifs. Un chiffre en hausse de 30 % depuis 2018 !

Le succès du système universitaire néerlandais s’explique en grande partie par le fait que tous les cours sont dispensés en anglais. “Et puis le Brexit est passé par là ! Les jeunes Européens qui autrefois partaient faire leurs études en Angleterre s’en détournent et privilégient le nord de l’Union européenne, dont les Pays-Bas”, analyse Thierry Côme, professeur de sciences de gestion à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et coauteur, avec Gilles Rouet, de Classement des universités (CNRS éditions). Pour lui, la qualité de l’enseignement n’y a parfois rien à envier aux mastodontes tricolores comme Paris-Saclay, 12e au classement de Shanghai en 2024. “Les facultés néerlandaises se distinguent surtout par la qualité de la vie étudiante et des méthodes pédagogiques, précise Thierry Côme. Les professeurs ont souvent les moyens de suivre de plus près leurs élèves.” Notamment dans les Liberal Arts Colleges, ces formations pluridisciplinaires très prisées qui accueillent des effectifs réduits.

Une tradition qui évolue

Le système aux Pays-Bas combine deux types d’établissements : les facultés de recherche et celles de sciences appliquées qui tissent des collaborations étroites avec les entreprises. “La qualité de l’enseignement y est très surveillée et encadrée, ce qui est rassurant”, poursuit Simon Eason. De plus, les unités d’excellence sont relativement bien réparties sur le territoire. La Rotterdam School of Management fait partie des plus prisées, tout comme l’université de Maastricht ou celle de Leiden pour ceux qui souhaitent se tourner vers le commerce ou les relations internationales. Sans oublier l’université de Delft, spécialisée dans les technologies, l’ingénierie et l’informatique. Particulièrement recherchée, celle-ci reste difficile à intégrer.

Même si beaucoup d’autres institutions ne pratiquent pas de sélection à l’entrée, cette tradition est en train d’évoluer. “Depuis quelques années, certaines mettent en place ce qu’on appelle une procédure de “matching” pour vérifier si le candidat est apte ou non à les rejoindre. A la suite d’une petite évaluation, ce dernier peut recevoir une réponse défavorable. Mais ce n’est qu’un avis, libre à lui de s’inscrire quand même s’il le souhaite”, explique Simon Eason. L’enjeu, pour les Néerlandais, est de lutter contre le taux d’échec en première année (6 %). Le chiffre grimpe jusqu’à 17 % chez les élèves étrangers. Un chiffre non négligeable puisque, selon la Commission européenne, ces derniers représentent un quart de la population estudiantine au moment de l’entrée dans le supérieur.

Autre source d’inquiétude pour les autorités : la pénurie de logements qui ne cesse de s’aggraver et le risque de saturation des effectifs dans certains établissements du supérieur. Autant d’arguments avancés par la coalition emmenée par le parti d’extrême droite sorti victorieux des urnes en novembre 2023 et qui envisage de mettre un frein à l’accueil des élèves internationaux. Leur programme prévoit notamment une diminution drastique des cours en anglais. “Là-bas, la résistance s’organise. Mes collègues savent qu’une telle mesure serait catastrophique”, confie Thierry Côme. Notamment parce qu’elle engendrerait une fuite de talents et de travailleurs potentiels. Selon l’organisation Nuffic, 40 % des diplômés internationaux résident aux Pays-Bas une fois leurs diplômes d’ingénieurs en poche. Une manne économique pour ce pays qui, comme la France, fait face à une pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur stratégique.




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