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Voitures électriques : le véritable crash-test de l’Union européenne

“Le marché de la voiture électrique en Europe est sur une trajectoire baissière et continue.” Dans un communiqué publié le 19 septembre, l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), qui regroupe les 15 plus gros d’entre eux, à l’exception notable de Stellantis, a allumé les warnings. Ce lobby réclame urgemment aux institutions européennes des mesures de soutien avant le durcissement, au 1er janvier 2025, des règles auxquelles sont soumis les industriels sur les émissions de CO2 de leur parc.

Le patron de Renault et président de l’ACEA, Luca de Meo, s’en inquiète. Fustigeant les lourdes amendes qui guettent les fabricants en Europe, au moment où la concurrence fait rage avec Tesla et les marques chinoises, il plaide pour davantage de “flexibilité” dans l’application de ce calendrier.

Une demande “absurde”, rétorque l’ONG Transport & Environnement, qui estime que “ce sont bien ces normes qui tirent les investissements aujourd’hui et qui donnent de la visibilité aux acteurs économiques”. Dialogue de sourds ? Mandaté par la Commission européenne pour réfléchir au futur de la compétitivité en Europe, Mario Draghi s’est invité au débat. Au cœur d’un volumineux rapport dévoilé le 9 septembre, l’ancien patron de la Banque centrale européenne souligne que le secteur automobile “est l’exemple parfait du manque de planification de l’Union européenne, par la mise en œuvre d’une politique climatique sans politique industrielle”. Et de rappeler que “la Commission n’a lancé l’Alliance européenne pour les batteries, afin de construire une chaîne de valeur sur la batterie en Europe, qu’en 2017, alors que l’Europe dans son ensemble est très en retard dans l’installation des infrastructures de recharge. La Chine, à l’inverse, s’est intéressée à l’ensemble de la chaîne de valeur dès 2012 et, par conséquent, elle est allée plus vite, à une plus grande échelle.”

Le réveil tardif de l’Europe

Les constructeurs chinois devraient exporter cette année quasiment 6 millions de véhicules électriques dans plus d’une centaine de pays. Du jamais vu. Des marques quasi inconnues du grand public – BYD, Geely, SAIC… – aux tarifs imbattables : 19 000 dollars en moyenne, deux fois moins que le prix d’une voiture de gamme identique d’un fabricant européen. Or la fermeture du marché américain, provoquée par la mise en place de droits de douane prohibitifs sur les voitures chinoises par l’administration Biden, a fait de l’UE une cible privilégiée. D’autant que le marché intérieur chinois, lui, marque le pas.

Pour contrer cette vague, l’Europe s’est enfin réveillée en sortant, elle aussi, l’arme fiscale. Au terme d’une enquête qui a duré des mois, la Commission de Bruxelles a proposé le 4 juillet de rehausser les taxes à l’importation pesant sur les constructeurs chinois, à 17,4 % pour BYD et jusqu’à 37,6 % pour SAIC. Une avancée notable pour une institution qui a toujours rechigné à montrer ses muscles, craignant les conséquences d’une guerre commerciale avec Pékin. Mais un geste insuffisant pour protéger réellement les constructeurs européens. D’abord, parce que les marges des groupes chinois sont tellement confortables qu’ils peuvent facilement absorber ces tarifs douaniers. Ensuite, parce que cette décision n’a été prise que pour quatre mois. Tout reste encore à faire. Le 30 septembre, les 27 Etats membres devront à nouveau voter pour pérenniser, ou non, cette riposte tarifaire sur les cinq prochaines années.

L’attrait du 100% électrique s’érode.

Le cognac dans le viseur

Récemment, certains constructeurs chinois ont bien tenté de faire bonne mesure en proposant de limiter leurs ventes, via des quotas d’importations. “Des offres inacceptables”, souffle un haut fonctionnaire proche de Valdis Dombrovskis, le commissaire européen chargé du sujet. Alors, Pékin est passé à la vitesse supérieure. “Et comme d’habitude, le gouvernement chinois cherche à jouer la carte de la division entre Européens”, observe Elvire Fabry, chercheure à l’Institut Jacques-Delors. Il faut dire qu’en juillet, le bâton des droits de douane n’a pas fait l’unanimité parmi les Vingt-Sept. D’après nos informations, quatre pays s’y sont opposés lors d’un vote consultatif : la Hongrie – tête de pont de la Chine en Europe -, Malte, Chypre et la Slovaquie ; 11 se sont abstenus, dont l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande ou la Suède. Et 12, dont la France, l’Espagne et l’Italie, ont voté pour. Quelques défections dans le camp des protectionnistes, et la réplique européenne pourrait faire pschitt.

Pour faire rentrer dans le rang certains “frondeurs”, la Chine a, elle aussi, lancé ses propres enquêtes antidumping, menaçant des secteurs très sensibles, comme la filière laitière. En France, le cognac est dans le viseur, avec des surtaxes douanières qui pourraient atteindre entre 35 et 38 % selon les maisons. En Espagne, c’est le jambon qui est sur la sellette, alors que le pays s’affiche comme le premier exportateur européen de porc en Chine. Un chantage payant. En visite officielle à Pékin, Pedro Sanchez, le Premier ministre espagnol, a récemment retourné sa veste. “Nous devons tous reconsidérer notre position. Non seulement les Etats membres, mais aussi la Commission”, a-t-il déclaré à l’issue de ce voyage de quatre jours durant lequel le gouvernement chinois a confirmé un investissement d’un milliard d’euros dans une usine d’électrolyseurs en Espagne…

Outre-Rhin, les constructeurs automobiles, qui avaient massivement investi en Chine ces dernières années, se retrouvent piégés et font pression sur le chancelier Olaf Scholz pour trouver une alternative. “Ma position est claire : nous avons besoin d’une solution politique”, a déclaré la semaine dernière Robert Habeck, le ministre allemand de l’Economie. “Le vote des Etats membres est capital car c’est l’expression de la nouvelle stratégie commerciale de l’Union européenne qui va se jouer”, conclut Elvire Fabry.

Des batteries gourmandes en cuivre

Au-delà de ces considérations commerciales et géopolitiques, l’électrification des véhicules pourrait également se heurter à un obstacle imprévu : le manque de cuivre. Un modèle équipé de batterie nécessite trois à cinq fois plus de cuivre qu’un véhicule à moteur thermique. Et le verdissement du réseau électrique en consomme lui aussi des quantités considérables. Dans une étude récente, deux chercheurs de l’Université du Michigan préviennent : entre 2018 et 2050, le monde devra trouver 115 % de cuivre en plus que ce qui a été extrait depuis les débuts de l’humanité. Pour répondre aux seuls besoins liés à l’électrification du parc automobile mondial, pas moins de six nouvelles grandes mines de cuivre devront être mises en service chaque année au cours des prochaines décennies.

“Je suis un fervent partisan de l’IRA, la loi sur la réduction de l’inflation [NDLR : un texte qui subventionne les technologies vertes sur le sol américain]. Je possède des panneaux solaires, des batteries et un véhicule électrique. Cependant, la transition énergétique doit être menée à un rythme réaliste”, confie Adam Simon, l’un des auteurs. Au lieu d’électrifier totalement le marché automobile américain, le spécialiste, qui assure n’avoir aucun conflit d’intérêts avec l’industrie automobile, suggère de mettre la pédale douce sur les véhicules électriques et de se concentrer sur les modèles hybrides.

Dans un rapport rendu en mars dernier, la Commission européenne éreinte pourtant ces derniers. Leurs émissions moyennes de CO2 en conditions réelles d’utilisation ne sont inférieures que de 23 % à celles des voitures classiques. Pire : ces mêmes émissions sont 3,5 fois plus élevées que ce qu’indiquent les essais standardisés servant à leur homologation. Parce que ces véhicules sont “beaucoup moins rechargés et conduits en mode électrique que prévu”. Preuve qu’il y a un monde entre la norme et la “vraie” vie.




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