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Les Trump, une famille en campagne : ceux qui s’activent dans l’ombre, ceux qui cherchent la lumière


Il y a d’abord eu Lara Trump. La belle-fille de l’ancien président et épouse d’Eric, son fils cadet, a été la première de la famille à s’exprimer à la Convention républicaine, à la mi-juillet. En pantalon blanc et chemisier noir égayé d’une broche scintillante aux couleurs du drapeau américain, cette grande blonde de 41 ans aux biceps bodybuildés et aux lèvres botoxées s’est lancé pendant vingt minutes dans l’éloge de ce “père, beau-père et grand-père merveilleux” qui a fait “des sacrifices pour sa famille… et son pays”. A sa suite, quatre autres Trump, tout aussi dithyrambiques, ont pris la parole.

La tribune officielle était occupée par le reste du clan, y compris l’ex-femme et la nouvelle fiancée de Don Jr., le fils aîné, assises cependant à des coins opposés. Le dernier soir, la tribu presque au grand complet a rejoint Donald Trump sur scène pour célébrer sa nomination officielle comme candidat à la Maison-Blanche. Bref, la campagne du républicain a tout d’une affaire familiale. “Les enfants de président œuvrent souvent en coulisse lors des élections”, observe Joshua Kendall, auteur d’un livre sur le style parental des locataires de la Maison-Blanche. Mais pas les Trump.

A l’image des parrains de la mafia, Donald Trump a toujours inclus sa famille dans ses entreprises, son groupe immobilier, son émission de télé réalité et ses aventures politiques. “On a appris au fil des années que parfois les seules personnes sur lesquelles on peut vraiment compter sont les gens de votre famille”, a résumé Lara Trump. Elle en sait quelque chose. Son beau-père l’a parachutée à la tête du Comité national républicain (la direction du parti républicain ou RNC), où elle a été élue à l’unanimité comme coprésidente. Cette accro à la gym, qui a suivi une formation de pâtissier et dirigé un temps sa propre PME de décoration de gâteaux, avant de devenir productrice d’une émission de télé avec des célébrités, n’a guère d’expérience politique. Courroie de transmission de son beau-père, elle, a, avec l’aide de l’équipe de campagne, licencié des dizaines d’employés et s’est entourée de trumpistes loyaux.

Sa belle-fille contrôle les finances du parti

Certes, tout nominé à la présidentielle prend en général le contrôle du parti en mettant un proche à sa tête – Ronald Reagan a par exemple nommé sa fille Maureen à ce poste. Mais si cette dernière a gardé profil bas, Lara Trump, elle, se montre partout. Elle fait la promotion du candidat dans les médias avec beaucoup d’efficacité, gère la collecte de fonds, supervise un programme “Intégrité des élections” qui prévoit différentes initiatives au cas où le scrutin serait une fois de plus, selon elle, “truqué”.

Elle a surtout la main sur les finances du parti. A son arrivée, Lara a laissé entendre que les énormes frais d’avocats de Donald Trump devraient être payés par le Comité national républicain. Nikki Haley, la rivale de l’ancien président aux primaires, l’a accusée de vouloir en faire “sa tirelire”. Devant le tollé, les responsables de la campagne ont promis de pas puiser dans les caisses du Parti.

“Lara Trump n’est pas la première au sommet du parti à porter le même nom que le président, mais le job de Maureen Reagan était d’aider les républicains, pas de détourner les ressources pour payer les avocats pénalistes”, résume John Pitney, professeur au Claremont McKenna College.

“Mon père est à court de vies”

A mesure que le scrutin se rapproche, Eric, son mari, chargé de la gestion du groupe familial, multiplie lui aussi les interventions dans les médias. Il a adopté le même discours populiste, la même rhétorique incendiaire, les mêmes théories du complot que son paternel. On l’a beaucoup vu après la nouvelle tentative d’assassinat contre lui, le 16 septembre. “Mon père est à court de vies. Combien va-t-on avoir encore de fusils positionnés à une distante suffisante pour l’assassiner ?”, a-t-il écrit sur X.

Mais celui qui a hérité du talent politique du père, c’est son frère aîné, Don Jr. “Il joue le rôle de pitbull agressif et se montre parfois plus Trump que Trump. Il va plus loin dans ses déclarations”, poursuit Joshua Kendall. Avec sa compagne, Kimberly Guilfoyle, une ex-journaliste de Fox News de 55 ans tout aussi incisive, il sillonne le pays et fait salle comble. L’un des objectifs de ce grand amateur de chasse et de pêche – une photo le montre prendre la pose avec la queue coupée d’un l’éléphant qu’il vient d’abattre – est de toucher les électeurs ruraux. Il est l’un des fondateurs de Field Ethos, une publication “pour l’homme décomplexé” truffée de récits de chasse hauts en couleurs. Don Jr. est aussi très populaire sur les réseaux sociaux où il compte 12 millions d’abonnés sur X. Il anime Triggered, un podcast dans lequel il attaque férocement et avec ironie Kamala Harris, les migrants, le wokisme… Et a fondé une maison d’édition qui publie des livres de trumpistes, dont les siens.

Ce barbu de 46 ans semble avoir gagné en influence par rapport aux campagnes précédentes. Il a poussé pour le choix de son copain J.D. Vance, le sénateur de l’Ohio, comme colistier, malgré les réticences de certains républicains inquiets de ses positions extrémistes. Il est l’un de ceux qui ont encouragé l’alliance avec Robert Kennedy, le candidat indépendant (et complotiste). Don Jr. a négocié son retrait de la course et son ralliement à Donald Trump car il craignait qu’il ne lui prenne trop de voix. Avec son frère Eric, il a été nommé président honoraire de l’équipe de transition. Sa tâche est de superviser le recrutement des membres de la future administration et de mettre son “veto”, dit-il, à l’embauche d’individus qui “prétendent (faussement) être dans votre camp”.

Les deux frères ne sont pas les seuls à s’activer. Toute la semaine dans la section VIP de la Convention, on a aperçu Massad Boulos, dont le fils a épousé Tiffany, la fille que Donald Trump a eue avec sa seconde femme. Ce richissime homme d’affaires américano-libanais a été recruté pour jouer les ambassadeurs de charme auprès de la communauté arabo-américaine, furieuse de la politique pro-Israël de Biden. Sa mission – ardue – est de la convaincre de voter pour le républicain, qui affirme pouvoir rétablir la paix au Moyen-Orient.

Comme dans toute grande famille, il y a évidemment une branche dissidente très bruyante. Fred, le neveu de Donald, a publié récemment un livre peu flatteur sur son oncle dans lequel il le présente comme un type odieux et raciste. Sa sœur Mary, elle, en a écrit trois sur le même sujet, tout aussi critiques, et attaque bille en tête l’ex-président dans ses blogs. C’est “un homme cruel qui se délecte à inciter à la violence”. Elle l’accuse de “prétruquer” les élections car “absolument rien ne va l’arrêter pour revenir à la Maison-Blanche”.

Mais où est passée Melania ?

En revanche, deux des femmes importantes de l’entourage de Donald Trump sont restées jusqu’ici très discrètes. On a à peine vu Melania depuis son départ de Washington en 2020. Elle n’a pas assisté au procès de son mari (il faut dire qu’il a été condamné pour avoir falsifié ses comptes dans le but d’étouffer un scandale avec une star du porno). Elle n’a pas non plus prononcé de discours à la Convention comme c’est la tradition, et n’est apparue que le dernier soir.

A tel point que l’on se demande si elle a été remplacée. Car ces derniers temps, son époux s’affiche beaucoup avec Laura Loomer, une activiste d’extrême droite islamophobe, complotiste et raciste. Elle l’a accompagné dans son avion au débat et aux commémorations du 11 Septembre. Ce qui suscite moult rumeurs. Melania a refait surface récemment parce qu’elle publie ses mémoires. Dans des clips promotionnels assez cryptiques, elle dénonce “les efforts pour faire taire” son mari. Dans un autre, elle déclare d’un ton conspirateur, en parlant de la première tentative d’assassinat contre Donald Trump en juillet : “Il y a certainement bien davantage derrière cette histoire et on doit faire toute la vérité.”

Ivanka, la fille aînée, est également aux abonnés absents. Avec son époux Jared Kushner, elle a joué les conseillères de son père à la Maison-Blanche pendant quatre ans. Mais après sa défaite, le couple a quitté Washington et a pris ses distances avec la politique. Ivanka a expliqué qu’elle voulait s’occuper de ses trois enfants. Elle mène désormais une existence dorée dans une enclave de milliardaires sur une île de Miami et fréquente la jet-set mondiale. On l’a vue au mariage royal en Jordanie et à celui d’Anant Ambani en Inde, le fils de l’homme le plus riche d’Asie.

Quant à Jared Kushner, il a créé un fonds d’investissement financé en partie par 2 milliards de dollars de l’Arabie saoudite et développe des projets immobiliers en Albanie et en Serbie… Au printemps, les médias ont laissé entendre qu’Ivanka envisagerait de reprendre du service. Elle a donné une interview à un podcasteur influent où elle a expliqué que travailler à la Maison-Blanche avait été “l’expérience la plus extraordinaire et la plus enrichissante” de sa vie.

Quant à Barron, le benjamin de la fratrie, il reste invisible. Melania, sa mère, l’a toujours jalousement protégé. Mais ce géant de deux mètres a maintenant 18 ans et vient d’entrer à la New York University. Il avait été sélectionné par le Parti républicain de Floride comme délégué à la Convention. Deux jours plus tard, Melania a annoncé “avec regret” qu’il avait d’autres engagements. En juillet, il a participé pour la première fois à un meeting électoral de son père sans toutefois s’exprimer. Il n’était pas non plus à la Convention en juillet. Selon son père, c’est un “génie de l’informatique” qui lui signale les influenceurs influents auxquels il devrait donner une interview.

S’achemine-t-on vers une dynastie ?

Si toute la famille s’implique autant dans la réélection du patriarche, c’est que sa survie financière en dépend. “Les Trump n’ont pas le sens de la mission de service public comme l’avaient les Kennedy ou les Bush qui par exemple ont fait des sacrifices en devenant gouverneurs, car la fonction est mal payée”, commente George Edwards, professeur de sciences politiques à l’Université A & M du Texas. “Les Trump, eux, vendent une marque et monétisent à fonds la campagne.” A un niveau sans précédent. La boutique du site du candidat a tout du bric-à-brac. On y trouve des casquettes, des baskets, des bibles, des parfums, des livres… Et pour 1 485 dollars, on peut recevoir un bout du costume que le républicain portait lors de son débat télévisé avec Joe Biden. Personne ne sait où va l’argent…

Encore plus sidérant, la famille vient de créer une plateforme de cryptomonnaie. Il est très rare qu’un candidat lance une entreprise en pleine campagne électorale, surtout lorsqu’elle risque de susciter de sérieux conflits d’intérêts. Donald Trump a promis d’assouplir la réglementation de la cryptomonnaie, en espérant sans doute s’attirer des dons de la part des entreprises. Au lancement de World Liberty Financial, l’ancien président entouré de ses deux fils aînés (Barron n’était pas là, mais c’est d’après son père un passionné de crypto) n’a pas donné beaucoup de détails. Pas plus que les deux obscurs personnages en charge du projet.

“Promettre une politique favorable dans un secteur et avoir sa famille impliquée dedans relève du conflit d’intérêts”, a remarqué sur le site de Politico Ishan Mehta, de Common Cause, une organisation dédiée à la transparence du secteur public. Selon un document interne, la famille ne possède ni ne gère la plateforme. Elle peut cependant toucher des indemnités. Même ses partisans craignent que ce projet ne discrédite le candidat et le secteur avec. “Ça peut nuire aux chances électorales de Trump, surtout si la plateforme est piratée”, met en garde Nic Carter, un cryptoinvestisseur. “Au mieux, c’est une distraction inutile, au pire, c’est un gros embarras et une source de problèmes judiciaires.”

S’achemine-t-on vers une dynastie politique à la façon des Kennedy ? “Les deux familles pensent que tout leur est dû et que leur nom les rend spéciaux”, estime Laurence Leamer, auteur de plusieurs livres sur le légendaire clan démocrate. “Mais la différence, c’est que les Kennedy ont été formés pour occuper des positions de pouvoir : ministre, chef de l’Etat…”, ajoute-t-il, ce qui n’est pas le cas des Trump. “Je ne pense pas qu’ils se lancent en politique et qu’ils réussissent, mais tout est possible”, ajoute-t-il.

Lara Trump a envisagé de briguer un siège de sénatrice en Caroline du Nord en 2022, et n’écarte pas l’idée de recommencer. A moins qu’elle ne se lance dans une carrière musicale. Car Lara chante. Ou du moins le prétend. Alors que la campagne bat son plein, la patronne du RNC a sorti trois singles. Le dernier cet été, intitulé “Héros”, est une ode aux pompiers. Les critiques les moins tendres n’ont pas manqué de noter un usage massif d’Auto-Tune, le logiciel qui élimine les couacs. “Peut-on faire voter une loi qui empêcherait Lara Trump de chanter ?” se moque un utilisateur sur un réseau social.

Quant à Don Jr., il a l’air de trouver plus drôle de jouer les provocateurs que de se présenter aux élections. Mais il y a bien d’autres Trump en réserve. Kai, 17 ans, l’aînée des 10 petits-enfants, a pris la parole à la Convention et a chanté les louanges de l’ancien président, “un grand-père normal”. A la fin de son allocution, un militant dans la foule a crié : “Kai 2040 !”




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