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Meloni – Musk : l’alliance de deux conservateurs aux ambitions démesurées


Ce lundi soir à New York, “love was in the air”. Empruntée à Politico, la formule respire la fin des années 1970. Mais ce 23 septembre au gala de l’Atlantic Council, ce n’est pas John Paul Young qui jouait l’air de son emblématique tube sorti en 1977, mais bien les deux stars de la soirée : la présidente du Conseil italien et le patron de Tesla et de Space X. Assis côte à côte autour d’une table ronde drapée d’une nappe mordorée, Giorgia Meloni et Elon Musk discutent, phosphorent, s’esclaffent, semblent ne prêter aucune attention au vacarme qui les entoure.

Ainsi, la soirée est déjà bien entamée lorsque le quinquagénaire se lève, fonce à la tribune et débute, ému, un discours. Dès les premières secondes, le phrasé est riche en formules laudatives. “Giorgia Meloni est quelqu’un que j’admire, et qui a fait un travail incroyable en sa qualité de Première ministre de l’Italie”, fait valoir Elon Musk. Et le milliardaire en nœud papillon d’égrainer une série de qualités prêtées à sa voisine de table : “authentique”, “honnête, “consciencieuse” avant de railler, sourire au coin des lèvres, “ce qui ne peut pas être dit de tous les politiques”.Ainsi l’homme d’affaires remet-il à “un prix” à cette femme “qui est encore plus belle de l’intérieur que de l’extérieur”.

Le “prix” auquel fait référence l’homme le plus riche du monde, n’est autre que l’Atlantic Council Global Citizen Award. Une distinction remise chaque année par l’Atlantic Council – un think tank influent, axé sur les affaires internationales et la sécurité – à une personnalité “exceptionnelle”. Chef d’Etat, patron d’entreprise, intellectuel, philanthrope ou tout autre individu ayant fait montre d’un engagement envers la promotion de la coopération internationale et des valeurs démocratiques. L’édition 2024 compte quatre lauréats : le président ghanéen, la vice-présidente du groupe coréen CJ, et les Premiers ministres grec et italien, récompensés tous deux pour leur “rôle essentiel au sein de l’Otan et de l’Union européenne”, selon la formule de l’Atlantic Council.

Un binôme controversé

Reste que la locataire du Palazzo Chigi est bien la seule à s’être vu remettre sa récompense par Elon Musk, qu’elle portraiture en “précieux génie”. Un parti pris assumé, qui n’a pas manqué de susciter des remous aussi bien en Italie qu’aux Etats-Unis. A Rome, d’aucuns ont interprété ce mariage d’une soirée comme un soutien au candidat républicain Donald Trump, très proche d’Elon Musk. Des accusations balayées d’un revers de la main par l’entourage de la Première ministre qui rappelle que sa demande a été effectuée bien avant qu’Elon Musk n’adoube le chantre du MAGA (Make America Great Again).

Outre-Atlantique, l’association de la leader de Fratelli d’Italia au sulfureux patron de X n’a eu pour effet que d’accentuer la controverse autour de la présence de Giorgia Meloni parmi les personnalités récompensées. “De nombreux experts et initiés du l’Atlantic Council sont pro-Ukraine et Musk a souvent semblé prendre des mesures ou faire des déclarations qui ont affaibli Kiev dans sa lutte contre la Russie, sans compter le fait que Musk ait promu la désinformation”, décrypte Politico. Plusieurs cadres du think tank basé à Washington auraient notamment pris la plume dans une lettre commune adressée à leur PDG pour lui faire part de leur déception.

Des affinités idéologiques…

Bien naïf toutefois celui qui porte un regard étonné sur la complicité du duo que seules quelques années séparent. Voilà déjà plusieurs mois que la cheffe de file de l’extrême droite italienne et le patron de Tesla se connaissent et s’apprécient. Leur première rencontre remonte au mois de juin 2023 dans la résidence romaine de la Première ministre. Un “moment de grande cordialité”, s’était réjouie Giorgia Meloni à l’issue de l’entretien au cours duquel “des questions cruciales” avaient été abordées. Parmi lesquelles, “l’innovation, les opportunités et les risques de l’intelligence artificielle, les règles du marché européen” et même… “le taux de natalité”.

Une question qui préoccupe tout autant le milliardaire que la présidente du Conseil. Il faut dire que de façon générale, Giorgia Meloni et Elon Musk partagent une vision similaire de la société. Dans une interview accordée à nos confrères transalpins de La Repubblica, une salariée de Space X présentée comme leur intermédiaire a déclaré qu’Elon Musk appréciait Giorgia Meloni parce que, à l’instar de Donald Trump, “elle défend les valeurs occidentales”. En filigrane, le christianisme, l’hétérosexualité et plus largement “la famille traditionnelle”.

En 2018, alors députée, Giorgia Meloni avait par exemple plaidé pour rendre inconstitutionnelles les familles homoparentales. En outre, combien de fois la Première ministre s’est-elle étranglée contre ce qu’elle dénonce comme “une dictature transgenre”. Une formule qui fait écho aux positions d’Elon Musk sur la question. Rappelons que le milliardaire a annoncé cet été déplacer au Texas les sièges de Space X et de X (anciennement Twitter) afin de protester contre une loi adoptée par la Californie visant à protéger les droits des élèves transgenres. “Il y a un an, j’ai expliqué clairement au gouverneur Newsom que les lois de cette nature allaient forcer les familles et les entreprises à quitter la Californie pour protéger leurs enfants”, s’était alors justifié Elon Musk.

… mais aussi des intérêts économiques

Il serait toutefois réducteur de circonscrire leur relation à leurs seules affinités politiques et idéologiques. Tous deux tentent en effet d’être le visage de la pugnacité plutôt que celui de l’immobilisme. L’un comme l’autre a conscience des bénéfices qu’il peut tirer de cette proximité. D’un côté, Elon Musk a compris que “l’Italie était un vaste marché avec une forte demande, mais qui ne dispose d’aucune industrie locale capable de la satisfaire”, décryptent nos confrères du Corriere della Sera, qui pointent les ambitions expansionnistes du milliardaire et de son réseau social X en Italie. En outre, depuis l’adoption de la loi sur l’espace par les députés du Palazzo Montecitorio, Elon Musk lorgne avec davantage de gourmandise le pays de Giorgia Meloni.

De l’autre, la dirigeante italienne a toujours affiché la ferme volonté d’accélérer la modernisation des infrastructures numériques de la péninsule. Avant même d’être nommée à la tête du Conseil italien, la cheffe de file de Fratelli d’Italia avait organisé une grande conférence sur le numérique et les télécommunications. Une première pour un parti politique transalpin. En décembre dernier, elle a justement invité Elon Musk à prendre la parole au grand raout des jeunes de son parti, “Atreju”. L’occasion pour le PDG de Tesla de vanter les bénéfices de l’intelligence artificielle tout en mettant en garde contre ses dangers. Et ainsi, d’afficher une fois plus, une position alignée sur celle de la leader conservatrice. Là encore, il ne manquait plus que John Paul Young pour siffler Love is in the air.




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