Simuler un futur lointain pour alerter sur les effets du changement climatique. Les scientifiques du GIEC l’ont déjà fait en présentant pas moins de cinq scénarios pour 2100. Dans leur ouvrage Le monde de l’anthropocène (Ed HumenSciences) qui paraît ce mercredi 25 septembre, Telmo Pievani Mauro, professeur de philosophie des sciences biologiques à l’université de Padoue et Mauro Varotto, professeur de géographie à l’université de Padoue, poussent l’exercice plus loin encore, en développant le scénario du pire – celui dans lequel l’humanité ne fait rien pour enrayer la crise climatique – jusqu’à la fin du XXIXe siècle.
Nous voici donc en 2872. A cette époque, les océans se sont élevés de 65 mètres et 92 % de la biodiversité a disparu. Les courants océaniques sont tellement altérés et intensifiés que naviguer au large du Cap – le point de départ du livre – est devenu un véritable suicide, à moins de le faire sur un porte-conteneurs de la taille d’une île.
“Nous avons choisi de démarrer le propos du livre mille ans après la parution du Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne. L’ensemble du récit suit ironiquement l’histoire d’un explorateur, en l’adaptant à un futur lointain dont nous sommes le passé archéologique”, indique Telmo Pievani.
Des tendances poussées à l’extrême
Dans cet avenir imaginaire, les platistes existent toujours, les fake news aussi. Elles sont même considérées comme de vraies informations à partir du moment où elles recueillent suffisamment de votes sur les réseaux sociaux. Les parties de chasse ciblent désormais un gibier génétiquement modifié… Cette dystopie loufoque est bien sûr un prétexte pour lancer un appel à l’action. “Même si les tendances poussées ici à l’extrême sont déjà en cours aujourd’hui, nous pouvons encore changer le cours des événements”, poursuit l’auteur. A condition, bien sûr, de modifier nos habitudes et de mieux prendre en compte l’évolution du climat.
Pour donner plus de force au récit, l’ouvrage contient des cartes de tous les continents. Des cartes qui ne ressemblent plus vraiment à celles que nous connaissons, tant le niveau de l’eau a grimpé. Fonte totale de l’Arctique et presque complète de l’Antarctique… Par rapport à la situation actuelle, le monde a “perdu” environ 23 millions de km2, soit plus de 15 % des terres. Sur cette planète plus bleue que jamais, la Floride a complètement disparu, les îles de l’archipel indonésien ont subi une cure sévère d’amaigrissement. En Chine, l’eau a pénétré par l’Est, effaçant Shanghai. Elle a creusé son chemin jusqu’à Wuhan, qui donne désormais son nom à une mer intérieure.
La Bretagne devient une île
L’Europe n’est pas épargnée. L’Irlande est devenu un paradis pour grosses fortunes grâce aux précipitations atlantiques résiduelles et aux séquelles du petit âge glaciaire qui a suivi le ralentissement du Gulf Stream en 2350. Plus au sud, Londres a les pieds dans l’eau. La capitale britannique a même été obligée de déplacer quelques-uns de ses joyaux architecturaux vers Oxford et Cambridge. La Belgique et les Pays-Bas sont, eux, rayés de la carte, recouverts par la nouvelle mer des Flandres et celle des Moulins. Avec la disparition de Rotterdam, Bruxelles est devenu le grand port de la mer du Nord. Amsterdam et Hambourg, des villes flottantes. Les Danois, qui ont perdu 89 % de leur territoire, ont fui en masse vers le Groenland…
Et la France ? Notre pays aussi est touché puisqu’il perd une bonne partie de sa façade atlantique. La presqu’île du Cotentin, la Vendée, les Landes ou encore le nord de la Guyane se retrouvent noyés sous les flots. Protégée par le Massif armoricain, la Bretagne résiste, encore et toujours. Mais elle devient une île. Une sorte de refuge climatique dans un pays en surchauffe. De quoi raviver la flamme identitaire des Bretons du futur.
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