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Poutine et sa doctrine nucléaire : ce que cache le récent réajustement de la Russie


Avec la Russie, les discours sur un recours possible de l’arme nucléaire sont de deux ordres. Il y a ceux qui se résument à de la pure communication et ceux qui relèvent du signalement stratégique. Dans le second cas, il s’agit toujours d’un message à grande portée, pensé et conçu au plus haut niveau d’un Etat nucléaire, à destination des autres puissances dotées de la bombe atomique. Alors que la guerre en Ukraine dure depuis plus deux ans et demi, la prise de parole de Vladimir Poutine, en ouverture de son conseil de sécurité, le 25 septembre, appartient à cette catégorie.

Lisant des fiches cartonnées préparées pour l’occasion, le maître du Kremlin a exposé à la télévision ce qui est présenté comme des “clarifications” quant à la politique nucléaire russe. Elles sont de trois ordres. Premièrement, il a expliqué que “l’agression de la Russie par un pays non-nucléaire, mais avec la participation ou le soutien d’un pays nucléaire” sera considérée “comme une attaque conjointe contre la Fédération de Russie”. Soit, en filigrane, une agression par l’Ukraine, avec le concours des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France – l’objectif étant que les Occidentaux s'”autodissuadent”.

Il précise, deuxièmement, que le recours à l’arme nucléaire pourrait avoir lieu à la détection d’un “lancement massif” de missiles, d’avions – “stratégique et tactique” ou de drones. “Il s’agit là d’un élargissement par rapport à la doctrine de 2020, qui parlait de missiles balistiques”, pointe Héloïse Fayet, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Troisièmement, Vladimir Poutine a élargi la possibilité de répliquer avec des armes nucléaires en cas “d’agression de la Biélorussie”, où des armes tactiques ont été déployées.

La mise au point poutinienne était attendue, le président russe ayant évoqué une évolution de la doctrine lors d’un voyage au Vietnam, au début de l’été. Elle intervient en pleine assemblée générale de l’ONU, alors que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, se trouvait à la Maison-Blanche pour obtenir de l’aide supplémentaire des Etats-Unis. Elle a été prononcée au moment où ceux-ci, ainsi que le Royaume-Uni et la France, rechignent à laisser la possibilité à l’Ukraine de frapper en territoire russe avec leurs missiles de longue portée.

@lexpress

???????? Alors que l’Ukraine disposait du troisième arsenal atomique de la planète au moment de l’effondrement de l’URSS, le pays décide de renoncer à son arme nucléaire. Et les États-Unis sont en partie responsable de cette erreur. On vous explique ???? news newsattiktok ukraine russie

♬ son original – L’Express – L’Express

“Les rodomontades nucléaires ont atteint leur paroxysme”

“Poutine cherche à dissuader, mais il ne va pas déclencher le feu nucléaire pour des missiles qui frappent une base aérienne”, estime cependant Héloïse Fayet. La sortie sur l’attaque aérienne “massive” relève le niveau d’incertitude quant à la possibilité de représailles à une attaque aérienne de la part de l’Ukraine. Mais rien ne permet de démontrer qu’il s’agit d’un abaissement du seuil d’utilisation de l’arme nucléaire, qui reste à l’appréciation de Vladimir Poutine, seul à même de savoir ce qu’il entend, dans ce cas-là, par “massive”.

Les changements apportés à la doctrine russe “sont moins importants qu’il n’y paraît, mais ils offrent une plus grande marge d’interprétation aux dirigeants russes pour définir les circonstances de l’utilisation du nucléaire”, a expliqué, dans un tweet, Mariana Budjeryn, chercheuse au Belfer Center de la Harvard Kennedy School. Et de prendre un exemple : “La menace d’utiliser des armes nucléaires contre un Etat non doté d’armes nucléaires signataire du traité de non-prolifération agissant de concert avec un Etat nucléaire n’est pas […] nouvelle”. De fait, les Etats-Unis et la Russie en faisaient état dans des lettres adressées au Conseil de sécurité de l’ONU en avril 1995.

Cette hausse des menaces et de l’incertitude a fait réagir le secrétaire général des Nations unies. “Jamais, depuis les pires heures de la guerre froide, le spectre des armes nucléaires n’a jeté une telle ombre, a déclaré Antonio Guterres au lendemain de la déclaration de Vladimir Poutine. Les rodomontades nucléaires ont atteint leur paroxysme.” Tant que la guerre continuera en Ukraine, elles devraient se poursuivre.





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