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Erreur de méthode ou enfumage ? Pourquoi l’impôt sur les riches risque de faire pschitt


C’est une idée neuve qui tranche avec les vieilles recettes jusqu’alors utilisées pour taxer les grandes fortunes et faire rentrer de l’argent dans les caisses. D’une pierre deux coups, c’est aussi une solution futée pour satisfaire la promesse de justice fiscale faite par le Premier ministre lors de son installation à Matignon. Alors qu’une contribution exceptionnelle et transitoire des Français les plus riches au redressement des comptes a été annoncée lors de la déclaration de politique générale de Michel Barnier ce mardi, le secret avait été jalousement gardé sur la méthode choisie. Tout juste a-t-on appris hier que la mesure toucherait 0,3 % des foyers fiscaux, soit près de 65 000 ménages.

Par le passé, lorsqu’il s’agissait de faire payer les riches, les gouvernements successifs jouaient soit avec l’ISF, soit avec une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu ou une surtaxe sur la dernière tranche existante à l’instar de la CEHR – la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus – créée en 2011 par Nicolas Sarkozy, et qui n’a jamais disparu.

L’imagination fiscale n’ayant pas de limite, le gouvernement Barnier aurait cette fois choisi de prendre l’affaire par l’autre bout : imposer un taux minimum d’impôt sur le revenu sur les grandes fortunes. Sur le papier, ce seuil minimal gravé dans la loi éviterait que, par le jeu des multiples abattements et niches fiscales dont regorge le système français, un ménage échappe en partie à l’impôt.

Depuis plus de dix ans, les experts de l’OCDE se sont attachés à traiter cette question du côté des entreprises. Un accord global embarquant 140 pays signé en octobre 2021 avait porté à 15 % le taux minimum d’imposition des multinationales. Ce compromis est tombé dans les limbes. Alors qu’il devait être ratifié par bon nombre de parlements nationaux, le Congrès américain y a mis son veto au début de l’été, sonnant la fin de la partie. Mais jamais, au niveau international, la question de l’imposition minimale des ménages n’avait réellement été mise sur la table.

En juin 2023, les experts de l’Institut des politiques publiques (IPP) ont publié une note sur l’imposition réelle des ménages français très aisés. L’originalité de la méthode retenue ? Ne pas se baser sur le revenu fiscal de référence pour calculer le taux de taxation mais recalculer un “revenu économique” qui prendrait en compte les salaires et les revenus de l’épargne, mais également les bénéfices des sociétés contrôlées par les foyers fiscaux.

Les résultats de l’étude – qui s’appuyait sur les données fiscales anonymisées des ménages et des entreprises en 2016 – sont édifiants. Le taux global d’imposition est bien progressif, mais jusqu’à un certain niveau. Autour de 600 000 euros annuels de “revenu économique”, il est à son zénith : 46 % du gâteau revient au fisc. Ensuite, le taux commence à régresser. Et pour les ultra-riches, soit 0,0002 % de la population française (75 foyers fiscaux), il tombe à 26 %.

Si l’on en croit nos confrères des Echos, Bercy travaillerait sur un taux d’imposition sur le revenu minimum compris entre 15 et 25 %. Problème : le ministère de l’Economie n’aurait pas retenu comme le suggéraient les experts de l’IPP une vision large du revenu mais en serait resté à la définition classique du revenu fiscal. “Normal, puisqu’une taxe portant sur des revenus non distribués serait probablement jugée inconstitutionnelle”, précise l’économiste et fondateur du site Fipeco François Ecalle. L’annonce de Barnier risque-t-elle alors de faire pschitt ?

Haute voltige politique

“Le gouvernement a clairement raté sa cible, souligne Clément Malgouyres, l’un des auteurs de l’étude de l’IPP. Si on veut que cette taxe soit rentable, il ne faut pas partir du revenu fiscal de référence car toutes les stratégies d’optimisation fiscale consistent justement à le réduire à la portion congrue. Dans les faits, cet impôt minimum toucherait essentiellement les revenus du capital”.

Le prélèvement forfaitaire unique de 30 % instauré le 1er janvier 2018 se décompose en effet entre 17 % de prélèvements sociaux et 13 % d’impôt sur le revenu. C’est donc cette partie du revenu seulement, taxée à 13 %, qui serait concernée. “En clair, la proposition de Michel Barnier reviendrait à augmenter le taux de la flat tax, en ramenant l’imposition du capital à son niveau d’avant la réforme de 2018”, conclut Clément Malgouyres.

Erreur de méthode ou écran de fumée pour donner l’illusion d’un grand soir fiscal ? Si la mesure est réellement inscrite dans le projet de loi de Finances qui sera présenté le 10 octobre prochain, Michel Barnier aura gagné sur les deux tableaux : faire croire à la gauche qu’il a entendu leur souhait de taxer les grandes fortunes, et permettre aux plus fortunés d’échapper à un vrai coup de bambou. De la haute voltige politique.




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