“Novice en matière de finances publiques.” Voilà comment Laurent Saint-Martin se décrivait, lorsqu’il débarqua en 2017 à l’Assemblée nationale, après son élection, sous l’étiquette LREM, dans la troisième circonscription du Val-de-Marne. Malgré son manque d’expérience, c’est vers la commission des Finances qu’il se dirige pour en prendre la vice-présidence. “Un mot, peut-être, pour expliquer ce choix, qui, à première vue, peut sembler surprenant. Les raffinements techniques des finances publiques sont certes alors autant de nouveautés pour moi, mais j’ai pleinement conscience de l’enjeu démocratique que représente le budget”, écrivait-il en 2020 dans son livre La Fabrique de l’impôt. Pour un consentement citoyen (Alma Editeur). Il sera ensuite élu rapporteur général de cette même commission, l’un des postes les plus convoités du Palais-Bourbon.
Sept ans plus tard, le voici désormais ministre du Budget et des Comptes publics, dans le tout jeune gouvernement Barnier. Un plongeon dans le grand bain. “En 2017, il s’est coulé très vite dans cette matière ardue. Il a une immense capacité d’absorption”, loue son ancienne cheffe de cabinet, Florence Grognard. Et sans doute plus qu’aucun autre de ses prédécesseurs, il s’apprête à vivre un intense baptême du feu, lié à l’examen du projet de loi de finances. Un budget concocté dans l’urgence et sous la pression.
L’an prochain, Bercy va devoir trouver 60 milliards d’euros d’économies pour ramener le déficit public à 5 % du PIB. Sans quoi, si rien n’est fait, il pourrait dépasser les 7 %, soit plus qu’en 2021, année du Covid. “C’est un défi de taille. Je suis prêt à le mener, on va y passer des jours et des nuits”, assure auprès de L’Express Laurent Saint-Martin.
Michel Barnier l’a précisé dans sa déclaration de politique générale, les deux tiers de l’effort viendront de la baisse de la dépense publique. Le reste, d’une plus grande efficacité dans la gestion de l’Etat et de hausses d’impôts “temporaires et ciblées”. Un objectif pour le moins ambitieux, alors que les dépenses des administrations publiques – Etat, collectivités et Sécurité sociale – n’ont jamais diminué en l’espace de quarante ans. “Beaucoup de gens parlent de la réduction des dépenses, mais n’ont pas le courage de le faire”, pointe Laurent Saint-Martin.
Un homme de compromis
Pour cela, le nouveau ministre a sa recette : “le principe de vérité”. “Nous devons expliquer pourquoi nous avons besoin de baisser les dépenses publiques. Et nous ne le ferons pas en imposant, mais en dialoguant. En essayant de comprendre quels sont les postes où on a laissé filer la dépense. C’est un travail de fourmi. Pour éviter de donner, indistinctement, des coups de rabot, il faut regarder ligne à ligne. Il s’agit bien d’une œuvre d’intelligence collective”, détaille-t-il.
Un exercice d’orfèvre que Laurent Saint-Martin compte mener à l’expérience. “Le fil rouge, c’est de ne pas casser les outils de la croissance et de maintenir l’attractivité. J’ai porté cette méthode chez Business France et je compte la mettre en œuvre à Bercy.” L’opérateur d’Etat, qui aide les entreprises à exporter et dont il a été directeur général pendant plus d’un an et demi, affiche un bon bilan. “Cette structure est bien gérée. Au niveau de l’efficacité de l’argent public, c’est un exemple”, assure le sénateur (LR) Alain Chatillon, membre du conseil d’administration de Business France.
La mission s’annonce d’autant plus périlleuse que ce diplômé de l’Edhec, encarté un temps au Parti socialiste et battu par Louis Boyard (LFI) aux législatives de 2022, va devoir composer avec une Assemblée nationale plus éclatée que jamais. “Je ne suis pas naïf quant à la complexité politique. Il y a un chemin à trouver”, veut croire Laurent Saint-Martin.
Son mandat précédent peut l’y aider. “Il connaît bien la mécanique des débats parlementaires. Il a montré par le passé qu’il était capable de parler à tous les groupes. Ce sera essentiel pour naviguer dans le calendrier budgétaire”, juge un ancien collègue de la commission des Finances. “Quand il était rapporteur, il avait le souci de trouver des compromis avec les oppositions. Cette démarche était assez naturelle chez lui”, abonde le député (Renaissance) Daniel Labaronne. En 2020, Laurent Saint-Martin concluait son livre par cette phrase aux accents prémonitoires : “Si nous laissons les choses persister, la maladie de nos finances publiques atteindra un stade incurable.” Une pathologie chronique à laquelle il va devoir trouver un remède. Et vite.
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