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La France menacée par une “crise financière” ? Pourquoi nous ne sommes pas l’Italie de 2011


Depuis son arrivée à Matignon, Michel Barnier affiche une mine des mauvais jours. A chacune de ses prises de parole sur l’épineux sujet des finances publiques, le registre se fait dramatique. Dès le 18 septembre, le Premier ministre déclarait : “La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave”. Rebelote dix jours plus tard, à l’occasion d’un discours au congrès national des sapeurs-pompiers.

Le chef du gouvernement le sait, il doit donner de sérieux gages à Bruxelles et aux marchés financiers. Lors de sa déclaration de politique générale, il a dévoilé les grandes lignes de son plan pour redresser les comptes du pays. La tâche est ardue : trouver 60 milliards d’euros pour ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025. Pour justifier cette cure d’austérité budgétaire, le Premier ministre agite désormais un chiffon rouge : le risque d’une crise financière. “Elle est devant nous, il faut la prévenir”, a averti Michel Barnier le vendredi 4 octobre, en marge d’un déplacement dans le Puy-de-Dôme.

Le cas français n’est pas sans rappeler celui de l’Italie en 2011. A l’époque, l’ancien commissaire européen Mario Monti avait formé en urgence un gouvernement et imposé un plan de rigueur pour remettre le pays sur le droit chemin. “J’ai mis beaucoup de soin à introduire des mesures impopulaires aux yeux de la gauche, comme la réforme des retraites, et d’autres très mal perçues par la droite, comme celles sur le patrimoine des plus riches”, racontait-il, en juillet dernier, lors des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence. Certes, l’exécutif composé par Michel Barnier n’a rien de technocrate. Il doit se confronter néanmoins au même mur de la dette. Celle de la France culmine à 112 % du PIB – la troisième plus élevée dans l’UE -, quand celle de l’Italie dépassait les 120 %.

Les marchés financiers n’ont pas encore sanctionné la France

Des similitudes existent donc, mais le contexte est radicalement différent. D’abord parce qu’en 2011, la tempête s’était dans un premier temps manifestée en Grèce, avant de souffler dans le reste de la zone euro, frappant tour à tour l’Irlande et le Portugal, puis Chypre, l’Italie et l’Espagne. “Les marchés avaient perdu de l’argent avec la Grèce, il y a eu un phénomène de contagion”, rappelle Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE.

En 2024, comme l’an dernier, l’Europe n’a connu aucun choc exogène comme ceux vécus précédemment avec la guerre en Ukraine ou la pandémie. Après avoir massivement soutenu les entreprises et les ménages durant ces périodes, l’Etat français a néanmoins continué de laisser filer son déficit et sa dette. Mais au contraire de l’Italie de 2011, les marchés ne l’ont pas encore sanctionné. Même après la dissolution et la grande incertitude politique qui l’a suivie.

Le spread de la France – l’écart de taux – avec l’Allemagne oscille actuellement autour de 0,80 %, quand celui d’Italie flirtait alors avec les 6 %. “Michel Barnier dramatise la situation. Une crise de la dette publique n’est pas forcément une crise financière. L’Etat emprunte et peut toujours emprunter”, souligne David Cayla, maître de conférences en économie à l’université d’Angers.

Tout dépend finalement de la situation du pays concerné. Au Japon, la dette publique dépasse par exemple les 260 % du PIB. Une dérive massive qui n’a fait pas fuir les investisseurs. “Ce qui compte, c’est que cette dette soit soutenable. Tant que le pays envoie le signal qu’il est capable d’honorer ses engagements, il n’y a pas de risque de crise. Il existe cependant un écueil : le remboursement des intérêts coûte cher. Dans un pays comme l’Italie, cela les a privés de croissance, notamment à cause du manque d’investissements publics. Néanmoins, beaucoup d’acteurs détiennent de la dette publique, ce qui prouve que c’est encore une valeur refuge”, explique Céline Antonin, économiste à l’OFCE.

La BCE, un acteur majeur

Autre différence majeure : la Banque centrale européenne est désormais clairement identifiée dans le paysage financier. Le 26 juillet 2012, la veille de l’ouverture des Jeux olympiques de Londres, Mario Draghi, fraîchement nommé président de l’institution monétaire, prononçait un discours qui fera date. Une seule phrase suffira à calmer les craintes des marchés : “La BCE est prête à faire tout ce qu’il faudra pour préserver l’euro”. “Le “whatever it takes” a changé la donne, c’était une politique très militante, avec cette volonté de ne pas laisser tomber un pays de la zone”, ajoute Céline Antonin. Ce soutien se traduira dans les actes par du quantitative easing, l’achat massif de titres de dettes souveraines.

L’économiste Nicolas Dufrêne, directeur de l’Institut Rousseau, se veut rassurant : “Toute la période qui s’est ouverte depuis 2015 avec le quantitative easing et qui s’est amplifiée pendant la période du Covid, a démontré quelque chose d’absolument fondamental : une banque centrale qui veut contrôler les taux peut le faire absolument sans limite. C’est le grand impensé dans ce débat autour de la dette”, estime l’auteur de La dette au XXIe siècle. Comment s’en libérer (Odile Jacob). Les experts interrogés par L’Express en sont convaincus : si la France, deuxième économie de la zone euro, flanche, la BCE n’hésitera pas à intervenir. Mais François Ecalle ne veut pas en arriver là. “Si on ne veut pas dépendre d’une décision prise à Francfort, il faut montrer que l’on est capable de contrôler la dette et éviter qu’elle s’emballe”, estime l’ancien haut fonctionnaire passé par Bercy.

Pour Olivier Blanchard, ex-chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), “le problème de la France n’est pas principalement son niveau de dette, mais la taille de son déficit primaire [NDLR : hors charges d’intérêt], qui implique, à terme, une explosion de la dette”. Selon lui, “prendre des mesures exceptionnelles et temporaires, comme une imposition supplémentaire des grandes entreprises, est dans ce contexte potentiellement contreproductif. Cela ne change pas les perspectives de déficit primaire à terme, une fois que les mesures exceptionnelles auront expiré, et cela envoie le signal qu’on ne prend pas assez de mesures pérennes, tout en ne rassurant probablement pas les investisseurs.” En 2011, l’Italie avait été placée sous surveillance par le FMI. La question se pose aujourd’hui sérieusement pour la France.




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