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Le mystère Satoshi Nakamoto : une incertitude qui rassure le monde du Bitcoin


Le plus grand secret d’Internet tient toujours. La bande-annonce du documentaire HBO Money Electric : The Bitcoin Mystery promettait de nouvelles révélations concernant Satoshi Nakamoto, le pseudonyme utilisé par le créateur du bitcoin, la reine des cryptomonnaies. Diffusé mardi 8 octobre, dans la soirée, aux Etats-Unis, le programme a bien accouché d’un nom : Peter Todd. Le problème, c’est que ce dernier a immédiatement démenti, et qu’aucune preuve irréfutable n’étaye cette découverte. Cette thèse se base entre autres sur des publications postées sur le forum Bitcoin Talk, où la communauté “crypto” a pris forme. Peter Todd est non seulement très impliqué auprès de Satoshi Nakamoto, mais un jour de décembre 2010, il répond directement à l’un des messages de l’insaisissable codeur… comme s’il complétait un oubli, en y apportant une précision. Assez, d’après l’auteur du reportage, Cullen Hoback, pour confronter le développeur canadien sur une possible gaffe de sa part. Aurait-il tout simplement oublié de changer de pseudo ? Des similitudes de styles d’écriture entre les deux personnes ont aussi interrogé. Quelques jours après cet échange, Nakamoto cessait sa participation publique sur Bitcoin Talk. Avant de s’effacer définitivement, au cours de l’année 2011.

Peter Todd, 39 ans, s’est amusé de la situation mardi soir, sur X (ex-Twitter) où il est suivi par pas moins de 180 000 personnes. “Je suppose que je dois me présenter à la présidence maintenant…”. Faut-il toutefois croire en ses dénégations ? De plus grands mystères ont été résolus avec moins que ça. La thèse de la “bourde” est d’autant plus attrayante qu’une ribambelle d’enquêteurs ont déjà retourné la planète pour trouver la solution, allant jusqu’à sonner aux portes de tous les véritables Satoshi Nakamoto de la planète, sans jamais aboutir. Parfois, l’idée la plus simple se révèle la bonne. Mais le doute demeure trop important pour tirer des conclusions définitives.

La “force du bitcoin”

Todd n’avait qu’une vingtaine d’années à l’époque de la publication du “livre blanc” de Satoshi Nakamoto, présentant le bitcoin et son protocole, fin 2008. Ce que beaucoup jugent insensé au regard de la complexité technique du protocole. Sa présence sur le forum avec Satoshi Nakamoto et son expertise n’ont rien d’exceptionnels non plus. La liste des membres, et plus largement des “Cypherpunks”, un groupe de quelques centaines de spécialistes en cryptographie très actif entre la fin des années 80 et le début des années 2000, a souvent été présentée comme la clé de l’énigme. Parmi eux, Nick Szabo, Adam Back, Hal Finney, Wei Dai ou encore Len Sassaman, ont été présentés comme des fidèles bâtisseurs du bitcoin. Et de potentiels Satoshi. Peut-être même collectivement. “Nous sommes tous Satoshi”, a glissé Peter Todd, avec malice, face à la caméra de HBO.

Un mantra que se répète souvent la sphère crypto. L’anonymat de son créateur “est une des forces de Bitcoin, et ça doit le rester”, a commenté sur X, Alexandre Stachtchenko, directeur de la stratégie chez Paymium, une personnalité française très impliquée dans la promotion de la cryptomonnaie. Ce secret est cohérent avec l’aspect décentralisé du bitcoin, reposant sur une blockchain publique consultable par tous, n’appartenant à aucune entité ni publique, ni privée. Il l’est aussi avec la confidentialité en ligne si chère aux Cypherpunks – les transactions se font sous une adresse servant de pseudo.

Ce mystère renforce aussi la comparaison avec l’or : le bitcoin est parfois considéré comme sa déclinaison numérique, une réserve de valeur. Comme le précieux métal, le bitcoin appartient à celui qui l’achète ou le mine. Un verbe aussi utilisé pour ceux dont le travail consiste à valider les transactions, et qui sont rémunérés par le système… en bitcoin. Une révélation de l’identité de Nakamoto, croient d’autres, pourrait le confronter à des problèmes juridiques ou politiques, compte tenu de l’utilisation sulfureuse qui en est parfois faite. Ou le livrer à l’appétit de voleurs, de hackeurs. La fortune personnelle du père du bitcoin, vu les unités qu’il possède sur ses portefeuilles numériques, dépasserait les 65 milliards de dollars. Le plaçant de facto parmi les plus grandes richesses du monde.

Le moindre mouvement sur son portefeuille pourrait d’ailleurs déclencher un séisme dans l’écosystème. Coinbase, l’une des plus grandes plateformes d’échange de cryptomonnaies au monde, a identifié la réapparition de Nakamoto – volontaire ou non – comme un “risque” pour ses activités.

Religion

Mais le mystère et la renonciation à cette immense richesse, ont surtout laissé s’exprimer une mystique qui soude aujourd’hui la communauté. “La création de Bitcoin est ce qui compte vraiment, la technologie a dépassé tout individu”, écrit avec dévotion un membre du forum Bitcoin Talk, ce mercredi. Des ouvrages – No Crypto : Comment Bitcoin a envoûté la planète, ou Number Go Up, respectivement signés des journalistes Nastasia Hadjadji et Zeke Faux, ont exploré les liens ténus entre religion et la reine des cryptos. Ses “fidèles” se retrouvent autour d’interprétations des rares messages laissés par Nakamoto, s’affichent sur les réseaux sociaux avec des lasers dans les yeux, ou des auréoles autour de la tête. “Au cours de la dernière décennie, la cryptomonnaie est devenue un vaste mouvement avec son propre langage et ses symboles, animés par une constellation de prophètes avec des évangiles variés, qui traitent à la fois l’opposition externe et interne comme un blasphème et promettent aux adeptes qu’ils forment l’avant-garde intellectuelle à un nouvel avenir brillant. Cela vous semble familier ?”, questionnait un article Financial Times de septembre 2021. Le mystère entourant Satoshi Nakamoto lui donne une image de visionnaire désintéressé. Un simple passeur, un guide, duquel émane un aura christique. Une personne fondamentalement bonne. Ce qu’en vérité tout le monde ignore.

L’intense plongée dans son passé, son histoire personnelle, sa psyché, pourraient en réalité déstabiliser l’édifice reposant en partie – comme une monnaie – sur la confiance. L’épais voile autour du créateur tend aussi à minimiser les critiques envers la plus célèbre des cryptomonnaies, concurrencée par des centaines d’autres, parfois plus innovantes, éthiques, écologiques, dans leur fonctionnement. Sans tête pensante depuis près de 15 ans, Bitcoin dispose du plus gros volume d’échange et de la plus grande valorisation, actuellement à 57 000 euros l’unité. Faisant d’elle – de très loin – la plus influente des cryptomonnaies. Une caractéristique qu’elle doit à la rareté organisée par Satoshi Nakamoto, qui a institué une limite de 21 millions de bitcoins en circulation. Mais aussi, vraisemblablement, à son mythe inébranlable. Pour toujours ? Plus le temps passe, plus les chances d’une “apparition” de Satoshi s’amenuisent. Des “suspects”, ou du moins des personnes ayant été en contact avec le Nakamoto tels que Len Sassaman et Hal Finney, sont décédés. Rendant chaque quête à venir plus périlleuse que la précédente.




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