Le gouvernement de Michel Barnier, tout juste constitué, a détaillé jeudi 10 octobre son projet de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2025, qui doit être débattu à l’Assemblée nationale. Le texte porté par le Premier ministre et adopté en conseil des ministres, confirme, au nom de la rigueur budgétaire, sa volonté d’économiser 60 milliards d’euros dès 2025 (40 milliards d’euros de réductions de dépenses et 20 milliards de hausses d’impôts). Des mesures drastiques pour pouvoir être en mesure de contenir le déficit public, établi à6,1 % du PIB en 2024, avec la promesse de revenir à 5 % du PIB en 2025, puis à 3 % à l’horizon 2029.
Les crédits budgétaires alloués aux différents ministères devraient ainsi atteindre 336,7 milliards d’euros en 2025 contre 340,1 milliards en 2024. Une baisse nette. Si le gouvernement se défend de toute austérité, de nombreux ministères et “missions” sont perdants (7 sur 33 seulement ont un budget en hausse ou équivalent). Et de nombreux Français vont voir certaines de leurs factures et autres impôts s’alourdir. L’Express dresse une liste non exhaustive des potentiels gagnants, mais surtout des perdants face à ce projet de loi de finances, s’il était adopté en l’état.
Les Armées et la sécurité épargnées par les coupes budgétaires
Le ministère des Armées est une nouvelle fois épargné par la politique d’efforts de réduction du déficit public, avec un budget conforme à la Loi de programmation militaire (LPM). Comme l’an passé, le budget des Armées doit progresser de 3,3 milliards d’euros et atteindre 50,5 milliards d’euros hors pensions, soit 2 % du PIB. De 32 milliards d’euros en 2017 à l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, il devrait grimper à 67,4 milliards en 2030, à la faveur de deux LPM successives prévoyant une augmentation des crédits de défense, sur fond de guerre en Ukraine et au Proche-Orient.
Le projet de budget 2025 prévoit en outre une hausse de près de 600 millions d’euros des crédits dédiés à la sécurité, s’élevant au global à 25,2 milliards en 2025 contre 24,3 milliards d’euros en 2024. Le gouvernement de Michel Barnier s’est engagé à préserver les lois de programmation et orientation comme celle de la sécurité intérieure (Lopmi).
Plus d’impôts pour les grandes entreprises et les plus riches
Malgré des crispations sur les hausses d’impôts jusque dans le camp présidentiel censé le soutenir, le Premier ministre Michel Barnier vise un effort partagé pour préserver la crédibilité française auprès des marchés financiers et de l’UE, qui a épinglé Paris pour ses déficits excessifs.
Si l’Etat sera le plus gros contributeur, à hauteur de 20 milliards d’euros, pour freiner la dépense publique, les collectivités locales sont priées de fournir 5 milliards d’euros. Par ailleurs, les hausses d’impôts atteindront 19,3 milliards d’euros selon Bercy, un revirement après sept ans de baisse de la fiscalité. Quelque 65 000 foyers fiscaux les plus fortunés (soit 0,3 % du total), gagnant plus de 250 000 euros annuels pour un célibataire, s’acquitteront pendant trois ans d’une surtaxe qui portera leur taux minimal d’imposition à 20 % et doit rapporter 2 milliards. Environ 400 entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard d’euros paieront plus que le taux de 25 % de l’impôt sur les sociétés, pendant deux ans. Une mesure censée rapporter 8 milliards d’euros en 2025. Se targuant de vouloir préserver “les plus modestes” et “ceux qui travaillent”, le gouvernement va revaloriser de 2 % les tranches de l’impôt sur le revenu pour compenser l’inflation.
Les agriculteurs préservés face aux hausses d’impôts
Les agriculteurs échappent eux aux hausses d’impôts, le gouvernement Barnier ayant repris les engagements du précédent exécutif. Pour répondre à la colère agricole de l’hiver dernier, marqué par des blocages par des tracteurs de portions d’autoroute partout en France, le gouvernement de Gabriel Attal avait pris un total de 70 engagements. Pour entrer en vigueur, plusieurs d’entre eux, impliquant une baisse des recettes publiques, devaient être intégrés dans le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Sous Michel Barnier, le PLF 2025 comprend plusieurs mesures d’allègements fiscaux, représentant un manque à gagner pour l’Etat de 394 millions d’euros, selon des éléments communiqués par le ministère de l’Agriculture. Le document entérine ainsi l’abandon par l’exécutif du relèvement de la fiscalité sur le gazole agricole (GNR), un des déclencheurs des manifestations. Le manque à gagner représente 160 millions d’euros. Le texte comprend également des dispositifs visant à réduire l’imposition de certains agriculteurs en activité : ceux qui doivent mobiliser leur épargne de précaution face à un aléa, ou encore les éleveurs de vaches à lait ou à viande. Cette dernière mesure, évaluée à 150 millions d’euros, est censée “inciter à l’accroissement du cheptel bovin français”.
Coup de rabot pour les dépenses de santé et la justice
Selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025) présenté jeudi soir, le déficit de la branche maladie s’est creusé à 14,6 milliards d’euros en 2024, alors que le gouvernement prévoyait il y a un an un déficit limité à 8,5 milliards. Le projet de budget prévoit ainsi de contenir le déficit 2025 à 16 milliards, grâce à des efforts conséquents, notamment dans le domaine de la santé. Parmi les mesures d’économies retenues, le gouvernement souhaite réduire la part de l’Assurance maladie dans le remboursement des consultations médicales, les complémentaires santé augmentant simultanément leur part, pour que leurs assurés continuent d’être remboursés comme avant. Le PLFSS prévoit aussi des baisses de tarifs des médicaments, et “un effort sur la pertinence des prescriptions médicales”, notamment en matière de transports sanitaires de patients et d’analyses médicales.
Quant à la Justice, son budget s’établira à 10,24 milliards d’euros, soit près de 500 millions d’euros de moins que ce qui était prévu. Ce montant est en très légère hausse par rapport au budget de 2024 (+ 0,11 milliard d’euros), mais reste inférieur aux 10,68 milliards d’euros qui étaient prévus pour 2025 dans la loi de programmation de la justice, adoptée en octobre 2023. Cette loi, promue par M. Dupond-Moretti, promet un budget de la Justice de près de 11 milliards d’euros en 2027, et l’embauche en cinq ans de 10 000 personnes, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers. Reste que, dans ses projections, Bercy table davantage sur la création de 619 emplois l’an prochain, soit 270 pour les services judiciaires et 349 pour l’administration pénitentiaire.
L’Education nationale privée de 4 000 postes, avec un budget stable
Le budget 2025 de l’Education nationale, premier poste de dépenses de l’Etat, prévoit 4 000 postes d’enseignants en moins par rapport à 2024, principalement en maternelle et en élémentaire, a indiqué jeudi le ministère. La rue de Grenelle justifie cette baisse des postes enseignants par “la baisse du nombre d’élèves qui devrait s’accélérer avec 97 000 élèves en moins à la rentrée 2025”.
Dans le détail des postes d’enseignants en moins, le premier degré public (maternelle et élémentaire) est le plus touché avec une baisse de 3 155 postes. Le second degré public (collèges et lycées) perd 180 postes, le premier degré privé 660 et enfin le second degré privé 40, selon le ministère de l’Education. En outre, le budget de l’Education nationale pour 2025 s’élève à 63 milliards d’euros, globalement stable par rapport à 2024.
L’apprentissage à la diète et baisse d’engagement sur MaPrimeRenov’
Le dispositif, fortement encouragé ces dernières années pour soutenir l’emploi des jeunes devrait subir un sérieux coup de frein. Le gouvernement a décidé dans son budget 2025 de revoir à la baisse la prime à l’embauche des apprentis, faisant bondir le patronat. “Il est demandé un effort sur les primes (à l’embauche) de 1,2 milliard d’euros”, a indiqué le ministère du Travail, en précisant que la piste d’une aide unique ramenée de 6 000 à 4 500 euros était “un scénario parmi d’autres”. Aussi, toujours dans le but de faire des économies, les exonérations de cotisations salariales et patronales dont bénéficient les contrats d’apprentissage ne s’appliqueront plus en 2025 que jusqu’à la moitié du Smic, et non jusqu’à 0,79 Smic comme aujourd’hui, ce qui va augmenter le coût pour les employeurs des apprentis les mieux rémunérés.
Dans son projet de loi de finances, le nouveau gouvernement souhaite également diminuer ses subventions pour financer MaPrimerénov’, principale aide publique à la rénovation énergétique des logements. Elle s’élèvera à 2,3 milliards d’euros en 2025, contre 4 milliards annoncés pour 2024. Il s’agit d’un retour au budget accordé en 2023, dans un contexte où le nombre de logements rénovés avait diminué de 7 % cette année-là, selon l’Agence nationale de l’habitat.
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