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Guerre en Ukraine : la lente érosion de la forteresse du Donbass


Pendant deux ans et demi, la ville avait tenu sous un déluge de feu et les assauts répétés des Russes. Le 2 octobre, Vouhledar, bastion ukrainien dans le sud de l’oblast de Donetsk, a fini par tomber. Après d’ultimes combats, la 72e brigade mécanisée ukrainienne, chargée de défendre la zone, s’est repliée à environ sept kilomètres plus au nord pour éviter un encerclement. Bien que difficile, cette décision était devenue inévitable. La veille, les images de soldats russes agitant leur drapeau sur le toit du conseil municipal avaient commencé à circuler sur les réseaux sociaux – marquant l’épilogue de l’une des batailles les plus longues et sanglantes de cette guerre.

A l’heure où l’armée russe continue inlassablement son grignotage des territoires ukrainiens dans l’Est, ce retrait illustre surtout les difficultés croissantes rencontrées dans le Donbass par les forces de Kiev. “La tendance n’est pas bonne actuellement pour les Ukrainiens, confirme le général Nicolas Richoux. Ils apparaissent en position de faiblesse depuis plusieurs mois et ne parviennent pas à reprendre l’initiative.” La chute de Vouhledar ne va pas les y aider. Au-delà de son caractère symbolique, cette ville forteresse était devenue l’un des points durs de la défense ukrainienne dans ce secteur se trouvant à la jonction entre les fronts est du Donbass et sud de Zaporijia.

Défense plus délicate

Moscou s’y était cassé les dents plus d’une fois. En février 2023, une offensive lancée par la 155e brigade de marine russe s’était soldée par un fiasco retentissant, avec la perte de plus de 1 000 hommes en deux jours, et une centaine de blindés. Grâce à sa position en hauteur, la ville donnait un avantage défensif naturel aux forces de Kiev, offrant une vue dégagée sur les kilomètres de plaine environnante aux artilleurs ukrainiens, et un atout décisif pour contrer les vagues d’infanteries lancées sans discontinuer par Moscou.

“Il s’agissait de l’une des dernières villes fortifiées aux mains des Ukrainiens dans cette zone, relève Thibault Fouillet, directeur scientifique de l’Institut d’études de stratégie et de défense (IESD) de l’université Lyon III. Sa prise remet de facto en cause une partie du dispositif défensif ukrainien dans le secteur sud.” Une mauvaise nouvelle pour Kiev, dont les difficultés ne se limitent pas à cette seule zone du front.

Plus au nord, les forces russes ont revendiqué le 8 octobre la prise de la localité de Zoryane, et ne seraient plus qu’à huit kilomètres de celle de Pokrovsk, un nœud logistique de premier plan. “La prise de cette ville serait très problématique pour les Ukrainiens, note le général Richoux. Sa voie ferrée et son réseau routier constituent des axes cruciaux pour l’approvisionnement des soldats déployés dans le secteur.”

L’autoroute T-0504, qui relie Pokrovsk à Tchassiv Iar, en passant par Kostiantynivka, permet d’acheminer hommes, équipements et munitions au plus près du champ de bataille. La coupure de cette artère vitale fragiliserait un peu plus les défenses ukrainiennes dans ce secteur du front qui, avec ses multiples étangs et petites rivières, se prête mal aux sorties de piste.

Après la prise d’Avdiivka en février dernier, les forces russes avaient amorcé leur lente avancée vers la ville, prenant petit à petit localité sur localité dans une zone vaste d’une quarantaine de kilomètres de long pour une vingtaine de large. Bien que solidement implantée, la défense ukrainienne pourrait devenir de plus en plus délicate à terme sur le front Est. “Même si le scénario d’un effondrement reste très improbable, les Russes pourraient finir par atteindre une forme de ventre mou à force de progresser, relève le général Richoux. Il est à craindre que les deuxième et troisième lignes de défense soient moins épaisses que les premières qui avaient été fortifiées depuis plusieurs années.”

Effort offensif à Koursk

Malgré les avancées réalisées par Kiev dans la région de Koursk, après le début de l’offensive lancée le 6 août dernier, la pression militaire russe dans le Donbass n’a pas baissé en intensité. Loin des espoirs ukrainiens de voir Moscou dégarnir ce front pour venir protéger ses frontières, l’état-major russe n’en a prélevé qu’une infime partie. Et y a au contraire accéléré ses gains ces derniers mois. “Le calcul ukrainien semble avoir été d’orienter davantage ses efforts dans la région de Koursk, quitte à prélever des moyens dans la défense du Donbass, pointe Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’Otan, aujourd’hui chercheur à l’European Council on Foreign Relations (ECFR). Cela a probablement contribué à faciliter les conquêtes limitées de la Russie dans cette zone.”

Les prochains mois pourraient se révéler décisifs pour l’avenir du Donbass. “La Russie a progressé d’environ un à deux kilomètres au cours de la semaine écoulée, a constaté le 4 octobre Janek Kesselmann, commandant en second du renseignement estonien. Si l’intensité des attaques actuelles se poursuit, les forces armées ukrainiennes seront probablement contraintes de se retirer de Pokrovsk d’ici la fin de l’année et de prendre des positions légèrement plus profondes à l’intérieur de leur territoire.”

Reste que Moscou continue de payer ses avancées au prix fort. Selon une note du renseignement britannique, le taux moyen de pertes quotidiennes aurait atteint un nouveau record en septembre, avec 1 271 soldats tués ou blessés par jour, contre un précédent pic de 1 262 en mai dernier. “Céder du terrain permet a minima aux Ukrainiens de préserver leurs forces, tout en épuisant les Russes, souligne Tomas Ries, professeur à l’Ecole supérieure de la défense nationale de Stockholm. Parce que chacune de leurs offensives est très coûteuse en hommes.” L’inflation du nombre de victimes fera-t-elle reculer Moscou ? Selon les sources occidentales, leur nombre aurait dépassé la barre des 600 000 tués et blessés depuis le début du conflit.




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