La Chine espionne-t-elle plus l’Occident ? C’est ce que suggère un article du Wall Street Journal (WSJ) du lundi 14 octobre, rapportant des faits décrits par plusieurs gouvernements occidentaux comme sans précédent. Selon le journal américain, ces dernières années, Pékin a mobilisé en nombre des agences de sécurité, des entreprises privées ainsi que des civils chinois pour l’offensive “dans le but d’affaiblir les Etats rivaux et de renforcer l’économie du pays”.
Comme le souligne le quotidien économique, il ne se passe rarement une semaine sans qu’une alerte d’agence de renseignement occidentale sur la menace que représente la Chine ne soit donnée. Pas plus tard que le mois dernier, le FBI a déclaré qu’une entreprise chinoise liée à l’Etat avait piraté 260 000 appareils connectés à Internet, y compris des caméras et des routeurs, aux Etats-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne, en France, en Roumanie et ailleurs. Début septembre, Linda Sun, une ancienne collaboratrice de premier plan de la gouverneure de New York Kathy Hochul, a en outre été arrêtée, accusée d’être un agent de la République populaire de Chine, comme le rapporte l’agence AP.
Opérations d’espionnage et d’influence
Mais ces opérations secrètes de la Chine sur le sol américain ne seraient pas toujours de l’espionnage avéré selon Matthew Brazil, expert de longue date du renseignement chinois et chercheur principal à la Jamestown Foundation. Interrogé par The New York Sun, il a expliqué que Linda Sun était accusée d’activités “qui ressemblent davantage à celles d’un agent d’influence qu’à celles d’un agent de renseignement”. Et pour cause : les accusations contre Linda Sun comprennent entre autres le fait d’avoir tenu les responsables taïwanais à l’écart des événements de l’Etat de New York et d’avoir détourné l’attention du gouvernement de l’Etat” vers les activités et événements de la République populaire de Chine.
Plusieurs espions présumés ont également été récemment arrêtés sur le Vieux continent. En Allemagne, une ressortissante chinoise a été arrêtée à Leipzig le 1er octobre, accusée d’avoir transmis des informations sur le transport de matériel militaire à un autre agent chinois présumé, raconte le site de la Deutsche Welle. La France aurait également été la cible d’un espionnage intensif, comme le rapportait en février une analyse de l’Institut des relations internationales (Iris). Paul Charon, directeur du domaine Renseignement, anticipation et menaces hybrides de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire l’avait par ailleurs évoqué auprès de L’Express, rapportant que la France est plus touchée par l’espionnage scientifique de la part de la Chine.
Un programme de piratage plus grand que les autres
Selon le FBI, les hackers soutenus par la Chine sont au moins cinquante fois plus nombreux que l’ensemble de ses personnels en cybersécurité. Une agence européenne estime auprès du WSJ que les opérations de collecte de renseignements et de sécurité de la Chine pourraient compter jusqu’à 600 000 personnes. Comme l’a indiqué, il y a quelque temps, Christopher Wray, directeur du FBI : “Le programme de piratages informatiques de la Chine est plus important que celui de tous les autres grands pays réunis.”
Un rapport publié en 2021 du Center for Strategic and International Studies avait identifié 160 incidents d’espionnage chinois contre les Etats-Unis depuis 2000, avec une forte augmentation de l’activité après 2010. S’appuyant sur des données open source, le rapport sous-estime probablement le nombre réel de cas, indique The New York Sun. Selon le quotidien new-yorkais, le FBI a des milliers d’enquêtes ouvertes sur les services de renseignement chinois dans chacun de ses 56 bureaux extérieurs nationaux. En 2021, le bureau a révélé qu’il ouvrait au moins deux enquêtes quotidiennes liées à la Chine.
Néanmoins, face à l’espionnage chinois établit, la réponse de l’Occident semble délicate. Contrairement aux autocraties comme l’Iran ou la Russie, les échanges commerciaux avec la Chine alimentent depuis des décennies la croissance économique de l’Occident, laquelle est d’ailleurs nécessaire à sa sécurité à long terme. La plupart des pays ne peuvent tout simplement pas se permettre d’imposer des sanctions à la Chine et d’expulser ses diplomates. “La Chine est différente”, a reconnu Ken McCallum, chef du MI5, l’agence britannique de renseignement intérieur auprès du Wall Street Journal.
Après une succession d’arrestations d’espions chinois présumés en 2024, en Occident, le directeur de la puissante agence d’interception des communications britannique (Government Communications Headquarters), a estimé que la lutte contre l’espionnage chinois constituait un “défi historique”, rapporte la BBC. Un défi de plus en plus pressant que les autorités occidentales ont eu du mal à prendre en considération jusqu’à présent.
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