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Rima Hassan, nouvelle égérie des médias islamistes au Proche-Orient, par Omar Youssef Souleimane


La séquence a largement tourné sur les réseaux sociaux. Mardi 8 octobre, Rima Hassan est interrogée par BFMTV sur les sifflets ayant visé Emmanuel Macron lors d’une cérémonie du Crif en hommage aux victimes du 7 octobre, alors que le président de la République avait appelé deux jours plus tôt à arrêter de livrer à Israël des armes utilisées à Gaza. En duplex, la militante pro-palestinienne botte en touche, préférant dénoncer en direct le fait que BFMTV a été “félicité” sur cette même chaîne par Olivier Rafowicz, “qui est un porte-parole de l’armée israélienne, une armée génocidaire”. “C’est très, très important pour moi de dénoncer cela à l’occasion de cette interview, parce que cela en dit beaucoup sur votre ligne éditoriale sur le sujet”, lance l’eurodéputée LFI à l’encontre des deux journalistes en plateau. Oubliant un peu vite au passage qu’elle-même est portée aux nues depuis un an dans le monde arabe par, pêle-mêle : les “porte-parole” de la République islamique d’Iran, du Hamas, du Hezbollah et des médias proches des Frères musulmans au Qatar (NDLR : dans un communiqué publié le lendemain, la chaîne “regrette qu’une phrase prononcée par Olivier Rafowicz ait été sortie de son contexte et instrumentalisée pour prendre à partie BFMTV”).

“La victoire de Rima”

Ainsi, au lendemain de l’élection de Rima Hassan comme eurodéputée en juin dernier, Al Alam, une chaîne de télévision créée en 2003 par la République islamique d’Iran pour s’adresser aux populations arabes, publie un reportage saluant “la première Française palestinienne à entrer au Parlement européen” et soulignant son courage, elle qui “a été massivement harcelée par ceux qui soutiennent l’occupation israélienne à cause de sa position contre les massacres israéliens à Gaza”. Dans la même vidéo, la présentatrice cite la déclaration de Khaled Salaymeh, un médecin palestinien aux positions pro-Hamas et pro-Hezbollah : “C’est une belle nouvelle… Notre fille est au Parlement européen”. Le reportage se conclut sur ce commentaire : “la victoire de Rima est une preuve claire que l’Etat sioniste a échoué en Europe.”

Au même moment, Akbar Ganji, un activiste iranien opposé à la République islamique et qui a accusé Israël d’être un Etat raciste, exprime quant à lui sur les réseaux sociaux sa joie de voir Rima Hassan siéger à Strasbourg : “Elle s’est engagée à faire de Gaza sa priorité, appelant à un besoin urgent d’action politique. Au cours des huit derniers mois, elle a participé à toutes les manifestations étudiantes et non étudiantes pour libérer la Palestine du colonialisme, de l’apartheid et de l’occupation israélienne”.

Des soutiens et des louanges qui ne datent pas de son élection en juin dernier. Ainsi, en février 2024, Al Mayadeen, une chaîne de télévision libanaise considérée comme la voix de la République islamique d’Iran et du Hezbollah, interviewait l’Insoumise qui, selon l’animateur de la chaîne, “souffre d’une répression officielle en France”. Deux mois plus tard, le 27 avril, Al-Ghad, une chaîne de télévision arabe soutenant le Hezbollah et le Hamas, est sur place lors de la participation de Rima Hassan à une manifestation pro-palestinienne d’étudiants de Sciences Po Paris. Auprès de la chaîne, la future eurodéputée déclare alors : “Les étudiants ont des demandes légitimes : arrêter les collaborations avec les universités israéliennes”. Des manifestations applaudies des deux mains le lendemain par Ali Khamenei, le guide de la Révolution islamique en Iran : “Voyez ce qui se passe dans le monde, dans les pays occidentaux, en Angleterre et en France, et aux Etats-Unis eux-mêmes ; les gens sortent en grand nombre pour chanter des slogans contre Israël et l’Amérique. La réputation des Etats-Unis et d’Israël a été ruinée”. Le 29 avril, sur BFMTV, Rima Hassan affirmera ne pas avoir vu ce tweet et ne pas connaître personnellement Khamenei : “Je n’ai pas de commentaire à faire”, ajoutera-t-elle.

Le soutien de médias proches des Frères musulmans

Entre septembre 2023 et juillet 2024, l’élue LFI a par ailleurs eu droit à plusieurs reportages flatteurs sur Al-Jazeera arabe, chaîne de télévision financée par le Qatar et proche des Frères musulmans. Ainsi, un mois avant le massacre du 7 octobre, après qu’elle a déclaré dans l’émission C ce soir : “Au nom de quoi ne pourrais-je pas retourner dans le village de mes grands-parents ?”, Al-Jazeera publie un reportage intitulé : “Une militante palestinienne dénonce le racisme d’Israël”. En février 2024, interviewée sur la même chaîne suite à son déplacement en Syrie, à Neirab (où elle est née), contrôlé par les services de renseignement de Bachar al-Assad, l’intéressée affirme : “J’ai quitté la France après des menaces de mort et de viol en raison de ma solidarité avec Gaza”.

En juin 2024, à la veille des élections européennes, Al-Jazeera accueille à nouveau la candidate Rima Hassan, qui estime que “la cause palestinienne est une cause européenne”. Quelques semaines plus tard, après l’apparition polémique de l’eurodéputée vêtue d’un keffieh aux côtés de Mélenchon au soir du premier tour des législatives, Al-Jazeera diffuse un reportage titré “Une attaque massive contre la députée Rima Hassan en France ; la raison c’est le keffieh palestinien”. Des extraits vidéo de ces reportages ont été relayés des milliers de fois sur les réseaux sociaux, de nombreux soutiens du Hamas félicitant Hassan pour son courage.

La liste des soutiens médiatiques de l’élue LFI dans le monde arabe ne s’arrête pas là. En février 2024, le journal Al Arabi Al Jadid (le Nouvel arabe), détenu par la société qatarie Fadaat Média, qui soutient sans réserve le Hamas et le Hezbollah à travers ses chaînes et journaux, décrit Rima Hassan comme “une voix éminente des droits de l’homme qui inquiète les partisans de l’occupation en France”.

Dernier fait d’armes de l’élue LFI à avoir trouvé un écho dans la presse arabe proche des Frères musulmans : son échange le 8 octobre dernier avec François Xavier-Bellamy, lors d’une réunion au Parlement européen. Lequel interpelle Rima Hassan : “Le Hamas et le Hezbollah ont attaqué Israël, la question est très simple : et ce que vous reconnaissez le droit d’Israël à se défendre et à garantir, dans le respect du droit international, la sécurité de ses citoyens ?”. Visiblement tendue, l’Insoumise réplique : “Votre inculture du sujet est une des sources qui nous empêche d’avancer sur cette question (israélo-palestinienne)… Ce conflit n’a pas commencé avec les attaques du Hamas et du Hezbollah, ce conflit a commencé en 1948”. Sans répondre à la question qui lui était posée, Rima Hassan quitte la salle en répétant le mot “inculte” à l’adresse de son opposant. Se faisant l’écho de cette passe d’armes, le média Meem, célébrant ces jours-ci les “un an du Déluge d’Al-Aqsa”, comme le Hamas nomme l’attaque du 7 octobre, traduisait l’échange entre les deux élus.

Soulignons tout de même que dans les médias arabes opposés au Hamas et à l’Iran, le son de cloche est différent. Al Hadath, une chaîne saoudienne massivement suivie dans la région, diffusait en juin dernier un reportage sur la candidature de Rima Hassan, en des termes moins élogieux : “la gauche française est divisée entre l’extrémisme soutenant les Palestiniens et les socialistes qui suivent cette cause sans réel intérêt”.

* Ecrivain et poète né à Damas, Omar Youssef Souleimane a participé aux manifestations contre le régime de Bachar el-Assad, mais, traqué par les services secrets, a dû fuir la Syrie en 2012. Réfugié en France, il a publié chez Flammarion Le Petit Terroriste, Le Dernier Syrien, Une chambre en exil, et récemment Etre Français.




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