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Nouvelle loi immigration en Europe : pourquoi ce projet s’annonce compliqué


Les discussions s’annoncent tendues entre les Etats membres de l’Union européenne ces deux prochains jours. Un nouveau sommet des chefs d’État et de gouvernement européens s’ouvre ce jeudi 17 octobre à Bruxelles, jusqu’à vendredi. Outre le soutien à l’Ukraine et l’appel à la désescalade au Proche-Orient, l’immigration sera l’un des dossiers majeurs de cette réunion de l’UE.

Cinq mois seulement après l’adoption d’un pacte sur l’immigration, dans un contexte de montée de l’extrême droite en Europe, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a en effet proposé lundi une nouvelle loi pour faciliter l’expulsion de migrants en situation irrégulière. La cheffe de l’exécutif européen signe ainsi l’un des premiers actes politiques majeurs depuis sa reconduction pour un second mandat.

Le sommet qui s’ouvre ce jeudi ne devrait toutefois pas donner lieu à de grandes annonces. Et pour cause : le parcours pour faire aboutir une telle législation est semé d’embûches.

Quels Etats souhaitent réviser la loi, et pourquoi ?

Derrière cette proposition d’Ursula von der Leyen, plusieurs pays sont à la manœuvre. Quinze États membres, dont la France et l’Allemagne, ont en effet signé récemment une note de travail initiée par l’Autriche et les Pays-Bas pour durcir les règles d’immigration dans l’UE. En France, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, accuse la réglementation européenne actuelle sur l’immigration de rendre “quasiment impossibles les retours” des étrangers dans leur pays d’origine, jugeant la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE trop laxiste. Ce tenant de la droite conservatrice veut remettre en cause les délais accordés pour un retour volontaire, avant une expulsion contrainte.

Le “moteur franco-allemand pousse à agir” sur l’immigration, souligne un diplomate européen à l’AFP, alors que la décision de Berlin le mois dernier de rétablir les contrôles de police à ses frontières pendant six mois a été saluée par Bruno Retailleau. Ursula von der Leyen vient donc d’aller dans leur sens lundi, dans sa lettre envoyée aux 27 Etats membres. La présidente de la Commission européenne y formule le souhait de “rationaliser efficacement le processus de retour”.

Elle invite même à “explorer” des solutions qualifiées “d’innovantes”, comme des “hubs de retour” : des centres d’accueil en dehors de l’Union européenne où seraient renvoyés les migrants. Ursula von der Leyen dit vouloir tirer des “leçons” de l’accord controversé scellé par l’Italie avec l’Albanie, où des centres ont commencé mercredi à recevoir des migrants arrêtés dans les eaux italiennes.

Quelle est la réglementation actuelle sur l’immigration ?

La remise en question de la législation européenne sur la reconduction des étrangers aux frontières sera donc au cœur des débats de ce sommet européen. Actuellement, les expulsions sont régies par la “directive retour” de 2008, âprement négociée à l’époque et qualifié de “directive de la honte” par les défenseurs des droits humains. Ce texte harmonise les règles au sein de l’UE pour expulser des migrants en situation irrégulière dans des pays tiers, tout en leur garantissant des voies de recours devant la justice.

Il met en place une procédure graduée jusqu’à l’éloignement forcé. En clair, une décision de reconduite à la frontière doit laisser à la personne concernée “un délai approprié” pour lui permettre un départ “volontaire”. Une période allant de 7 à 30 jours, sauf en cas de risque de fuite ou de danger pour l’ordre public. Cette directive encadre également les “mesures coercitives”, comme le placement en centre de rétention avant une expulsion. La législation autorise au sein de l’UE un maximum de 18 mois de rétention pour les clandestins, et celle-ci ne peut intervenir qu’en “dernier ressort”. Après l’expulsion, la directive permet un bannissement de cinq ans du territoire des Vingt-Sept.

Outre cette directive de 2008, de nouvelles règles européennes sur l’immigration doivent entrer en vigueur mi-2026, après l’adoption en mai dernier du Pacte asile et migration. Ce texte avait déjà durci les contrôles et établit un mécanisme de solidarité entre les 27 Etats membres dans la prise en charge des demandeurs d’asile.

Pourquoi une nouvelle loi s’annonce-t-elle compliquée ?

Ce récent pacte modifiant les règles européennes sur l’immigration illustre l’un des enjeux du nouveau projet de réforme voulue par Ursula von der Leyen : le temps du travail législatif. En effet, la révision d’une directive est un long processus d’aller-retour avec les États membres et le Parlement européen, à l’image des huit années de négociations ayant précédé le Pacte asile et migration adopté en mai 2024.

Certains points évoqués lundi par la présidente de la Commission européenne sont par ailleurs inflammables, comme l’idée des “hubs de retour” hors de l’UE, déjà refusée par l’Espagne. De même, plusieurs groupes de défense des droits de l’homme et politiciens de l’opposition ont qualifié l’accord italo-albanais de “déshumanisant” et “illégal”, rapporte Politico Europe.

Un tel projet pourrait aussi se heurter à la difficulté de trouver des pays “hôtes”. “L’Albanie a déjà exclu de reproduire son accord avec Rome avec d’autres pays”, indique le quotidien britannique The Guardian. Le média rappelle qu’un projet similaire de centres de rétention hors UE avait échoué 2018, se heurtant notamment au refus de plusieurs pays d’Afrique du Nord. De quoi mettre des bâtons dans les roues de ce projet de réforme sur l’immigration.

Quels résultats attendre des débats de cette semaine ?

Mais “six ans plus tard, le débat a évolué […] vers la droite” de l’échiquier politique, analyse un responsable européen auprès de l’AFP. Les questions migratoires sont notamment poussées à l’agenda par les partis d’extrême droite, en progression dans de nombreux pays d’Europe comme la France et l’Allemagne.

Paris reste toutefois prudent jusqu’ici, invitant à “favoriser les retours lorsque les conditions le permettent […] plutôt que d’organiser des retours dans des hubs en pays tiers”, précise l’Elysée. Ainsi, au sommet de l’UE de cette semaine à Bruxelles, l’immigration “sera certainement […] la discussion la plus sensible” entre les Etats membres, a assuré ce jeudi à l’AFP un autre haut responsable européen, qui s’attend à ce que les Vingt-Sept ne parviennent pas à se mettre d’accord sur ce volet dans la déclaration finale.

Plusieurs Etats membres “sont sceptiques quant à l’idée de mettre leurs revendications sur papier, de peur que cela ne se traduise par de longues heures de lutte sur le choix des mots”, analyse ainsi le média britannique Financial Times. La discussion reste pour le moment “très vague et préliminaire”, complète un diplomate européen, et il n’y a “pas de “plan” sur ces hubs. De quoi tempérer les attentes à la sortie du sommet européen.




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