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Dérapage des finances publiques : tous coupables !, par Nicolas Bouzou


Le déficit de nos comptes publics cette année, supérieur à 6 % du PIB, est gigantesque, à tel point que les marchés s’en inquiètent et nous font payer des taux d’intérêt supérieurs au Portugal ou à l’Espagne. Ce déficit est tellement élevé qu’on peut se demander comment, sans crise économique et sociale majeure, on a pu en arriver là. Il est de bon ton d’ironiser sur Bruno Le Maire, qui vient de quitter Bercy.

Cet acharnement de la meute sur l’ancien ministre de l’Economie offre un point de fixation à un débat public désormais hystérique sur tous les sujets, mais il passe à côté de l’essentiel.

La vérité est la suivante : ce déficit public, qui fait de nous un pays sous surveillance des marchés et donc de moins en moins souverain, nous en sommes tous responsables, et tous coupables. Nous payons près de cinquante ans de lâcheté financière et macroéconomique collective.

Bercy, une Rolls en panne

Coupable, l’exécutif, bien au-delà du ministre de l’Economie. Le président de la République n’a jamais semblé très concerné par la soutenabilité des comptes publics, c’est le moins que l’on puisse dire. Depuis sept ans, des gilets jaunes à la crise énergétique, il a plutôt contribué à entretenir la nation dans l’idée que, face à un problème quel qu’il soit, une nouvelle dépense publique constituait la meilleure des réponses. Coupables aussi l’Elysée et Matignon qui ont refusé au printemps 2024 une loi de finances rectificative devant les premiers symptômes du dérapage des comptes, pour ne pas polluer la campagne des élections européennes avec de mauvaises nouvelles financières. On voit le résultat.

Coupable, l’administration. Bercy a en charge la prévision et le suivi des recettes. En général, les erreurs d’anticipations n’excèdent pas 2,5 milliards d’euros. Cette année, il manque 20 milliards d’euros de recettes. Bercy était jusqu’alors considéré comme la Rolls des ministères. Pourquoi cette panne ? Il convient d’en trouver la cause. Dans une entreprise privée, de tels écarts auraient déjà été sanctionnés.

Abstraction à droite, délire à gauche

Coupable, la droite, incapable, pendant les sept premières années de la présidence Macron, de proposer des économies, qui plus est lors de la crise énergétique. Pour elle, la réduction des dépenses est un concept abstrait, rarement documenté. C’est peut-être la raison pour laquelle le retour d’un Premier ministre de droite se traduit par un choc fiscal de l’ordre de 30 milliards d’euros, sans équivalent depuis le quinquennat de François Hollande. Pour la droite, il faut baisser les dépenses, mais on ne sait jamais lesquelles.

Coupable aussi, l’actuel gouvernement, qui explique qu’il réduit la dépense publique avant d’augmenter les prélèvements obligatoires, alors qu’il fait l’inverse.

Coupables, les entreprises et leurs représentants, complètement accros à la dépense publique. Je me souviens, pendant la crise énergétique, d’une réunion dans les Vosges où des dirigeants prenaient vigoureusement le préfet à partie, lui reprochant “de ne jamais en faire assez”. Un comble pour un pays dans lequel les aides aux entreprises représentent la somme faramineuse de 140 milliards d’euros. Pour nombre d’entre elles, vivre sans l’aide de l’Etat revient à redéfinir leur business model.

Entrons en “rehab”

Coupables, les Français, de faire des choix électoraux sans prendre en compte cette contrainte des finances publiques. On tape allègrement sur le gouvernement sortant mais nos concitoyens ont placé en tête du premier tour des élections législatives le Rassemblement national, qui les prend pour des gogos en promettant des baisses de TVA financées par la lutte contre la fraude fiscale – lutte dont nous sommes l’un des champions mondiaux. Les mêmes Français ont placé en tête du second tour le programme de destruction économique et sociale du Nouveau Front populaire. Dans le pays qui détient le double record de la dépense publique et des prélèvements obligatoires, le NFP n’a rien trouvé de mieux que de proposer une explosion de ces deux postes, fidèle au délire qui lui tient lieu de programme.

Remettre la France sur une trajectoire financière soutenable n’est pas la résultante de mesures techniques. C’est une véritable révolution culturelle, laquelle peut se résumer en une injonction destinée à tous : cessons de faire appel à la dépense publique à tort et à travers. Entrons en “rehab”.




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