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Lucie Castets en Isère, l’histoire d’un renoncement : comment elle a été lâchée par le NFP


Lucie Castets en a de la chance. La semaine dernière, son téléphone n’a pas arrêté de sonner. Ils l’ont tous appelée : Pierre Jouvet, l’un des chaouchs du Parti socialiste, Manuel Bompard, celui de La France insoumise (LFI), l’eurodéputée insoumise Manon Aubry et Marine Tondelier, la cheffe des écologistes. Enfin, c’est ce qu’ils aiment tous faire savoir. L’une jure être “sa meilleure alliée”, l’autre “son confident”, et celui-ci assure l’avoir “quatre fois par jour au tel”, rien que ça. Socialistes, insoumis, écologistes et communistes chérissent Lucie Castets – disent-ils – puisqu’elle est l’allégorie du Nouveau Front populaire (NFP), l’incarnation la plus pure de l’entente estivale des partis de gauche, et qui masque les nombreux désaccords de fond, de ligne et de stratégie.

Cela n’a pourtant pas suffi à l’intéressée, qui a jeté l’éponge en Isère. Elle ne sera pas la candidate du NFP dans cette circonscription. Ceux qui ne jurent que par son nom lui ont rendu la tâche impossible. Les insoumis, qui lui ont d’abord proposé de porter les couleurs du NFP là-bas, ont ensuite imposé leur condition : puisque la circonscription leur été allouée dans l’accord du NFP, Castets n’avait d’autre choix que de siéger dans leur groupe parlementaire à l’Assemblée si elle était élue, ce qu’elle ne souhaitait pas.

Choisir, c’est renoncer, et elle n’envisageait pas de préférer LFI plutôt que le PS, les écologistes ou les insoumis. Elle proposait plutôt de siéger dans les trois groupes, alternativement. Inimaginable pour Manuel Bompard, qui lui rappelle ce prérequis lors d’un entretien téléphonique mercredi. Et puisqu’elle refuse de s’y plier, les insoumis finissent par faire savoir à Lucie Castets qu’ils n’hésiteraient pas à lui opposer une candidature de leur cru.

Amabilités

C’est l’indélicatesse de Jean-Luc Mélenchon, à la tribune d’un rassemblement dans le Lot vendredi 18 octobre, qui finira de la convaincre de ne pas y aller. “Nous sommes d’accord pour la présenter à l’élection sur notre circonscription (…). Si ce n’est pas à Grenoble qu’elle veut aller mais dans les Ardennes… Bon, on n’a rien à dire. On la soutiendra dans les Ardennes (…). La proposition est faite”, a lancé le chef insoumis devant les siens. Un cadeau empoisonné tant tous les stratèges de la gauche, insoumis compris, savent que l’élection partielle qui doit se tenir dans les Ardennes prochainement est ingagnable pour la gauche. En juin, le candidat du Rassemblement national (qui a démissionné depuis) est arrivé largement en tête au premier tour, avec dix points d’avance sur le candidat macroniste et 21 sur celui de l’union de la gauche. Au second tour, le front républicain n’a pas permis de l’inquiéter.

Les socialistes ont vite senti le vent tourner, à l’écoute hésitations de Lucie Castets et des manœuvres de la direction de LFI. Goujat à sa manière, le PS a laissé faire ses socialistes locaux qui se sont empressés d’investir leur candidate – Amandine Germain – avant même la décision de Castets d’abandonner. La maison rose a mis les formes, la fédération iséroise précisant dans son communiqué que “dans l’hypothèse où Lucie Castets devait finalement être la représentante de toutes les composantes du NFP, le PS et sa candidate se mettraient évidemment à sa disposition pour l’accompagner et mener cette campagne”. Une amabilité que lui a rappelée Amandine Germain au téléphone jeudi. “C’est cordial, c’est beau joueur, mais ça a quand même donné le sentiment à Lucie qu’ils pouvaient faire sans elle, soupire un cacique socialiste. Un jour elle est indispensable, et le lendemain elle peut rester sur le banc de touche. C’est incohérent.” Autant de comportements disgracieux à l’égard de l’égérie, des “bourrins”, a même dénoncé l’écologiste Marine Tondelier, qui a pris soin de ne pas choisir, ni en faveur des socialistes, ni en faveur des insoumis. Ce qui n’a pas aidé Lucie Castets à trancher, malmenée tantôt par les socialistes et tantôt par les insoumis.

Cacher Mélenchon

L’Isère et Lucie Castets, avatars des vicissitudes du Nouveau Front populaire et de ceux qui le dirigent. N’ont-ils autopsié les raisons du vote de cette circonscription ? “Elle ne se gagne qu’au centre gauche”, admet une ponte écologiste. Le député démissionnaire de LFI, Hugo Prévost, l’avait bien compris : il se gardait bien d’afficher le nom de Jean-Luc Mélenchon sur ses affiches de campagne, préférant même placer le logo d’EELV un peu plus haut celui des insoumis. Dans les communes moins urbaines de la circonscription, de l’autre côté de la rocade grenobloise, où la ligne radicale des insoumis ne plaît guère, les électeurs ont préféré (en 2022) l’ancien ministre Olivier Véran et Raphaël Glucksmann (Place Publique) aux européennes de 2024. D’autant qu’aux législatives de l’été dernier, les reports du vote RN ont été plus favorables à Renaissance qu’au NFP.

Les insoumis, qui ont analysé de la même manière la sociologie du vote lors dans cette circonscription de l’Isère, tâtonnent. Ils cherchent encore et toujours un candidat à présenter sous leurs couleurs, et arborant la bannière du NFP. “Plusieurs hypothèses de travail sont à l’étude”, élude le député Paul Vannier, en charge des élections au sein du mouvement mélenchoniste. Parmi les pistes de réflexion, il y a la candidature Salomé Robin, jeune militante active qui a porté les couleurs de la Nupes lors des législatives de 2022 où Olivier Véran l’a défaite. Mais l’idée d’un parachutage fait son chemin chez les stratèges insoumis qui évaluent un profil issu de la société civile, tendance écolo ou cégétiste. Alors que les insoumis cherchent leur champion, la candidate socialiste investie, Amandine Germain, a envoyé des cartons d’invitations aux écologistes, communistes et insoumis locaux qui y ont répondu favorablement. “Je suis candidate à l’investiture du NFP”, fait-elle savoir, manière pour elle de faire comprendre qu’elle n’irait pas mener la bataille seule, contre un candidat soutenu par les autres forces de gauche. A la direction du PS, personne ne souhaite d’ailleurs un affrontement des gauches.

Chez tous, socialistes, communistes, écologistes ou insoumis, il n’est qu’un credo : le NFP, rien que le NFP, tout le NFP. Le NFP coûte que coûte, à commencer dans la première circonscription de l’Isère. L’entêtement sur la personnalité de Lucie Castets s’explique ainsi. L’union comme un prérequis, une condition supposée de victoire, et surtout une façon pour les appareils de gauche de ne pas “trop” perdre, de ne pas trop “s’affaiblir”. Or, l’union ne fait pas nécessairement la force. Il n’est de vérité plus historique à gauche : en 1936 ou en 1981, chacune des forces envoyait alors un candidat, et chacun se désistait devant le mieux placé pour le second tour. C’est bien connu : l’union rend aveugle.




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