Ce sont des moments qui, s’ils peuvent paraître à première vue plutôt négligeables pour l’intérêt général, peuvent fracturer durablement une alliance. Ce mardi 22 octobre au soir se tenait l’élection pour le poste de vice-président de l’Assemblée nationale laissé vacant par la députée LR Annie Genevard, entrée au gouvernement de Michel Barnier comme ministre de l’Agriculture. Pour ce scrutin, une règle claire : si au troisième tour, aucun candidat n’a obtenu de majorité absolue, alors celui arrivé en tête est élu.
De quoi donc laisser le champ libre pour Virginie Duby-Muller, la candidate LR du “socle commun” entre le camp présidentiel et la droite, qui disposait d’un réservoir de voix en principe supérieur à n’importe quel autre groupe ou alliance. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu. Et c’est finalement le député écologiste Jérémie Iordanoff qui a été élu hier soir, devançant de 14 voix la candidate de la droite. Avec un constat évident : de nombreuses voix de l’alliance entre macronistes et LR ont manqué pour faire élire la députée de Haute-Savoie, permettant donc au député du Nouveau Front populaire de l’emporter.
“C’est la défaite du socle commun”
Du côté des élus de gauche, cette victoire est évidemment une grande satisfaction, alors que le NFP contrôle désormais trois des six vice-présidences de l’Assemblée nationale, avec celles des députées insoumises Clémence Guetté et Nadège Abomangoli. “C’est la défaite du socle commun. On voit qu’ils ne sont plus majoritaires dans cet hémicycle, leur division leur a coûté une vice-présidence”, a réagi Jérémie Iordanoff devant la presse. “Cette victoire est d’abord celle de l’union du Nouveau Front populaire. Ce bloc de soutien à Michel Barnier n’a pas de cohérence sur le plan programmatique et pas de solidarité dans les moments importants”, a souligné la présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain.
“La pseudo majorité de Michel Barnier est un puzzle dont les pièces sont visiblement très éparpillées…”, a quant à lui réagi le patron du PS, Olivier Faure. “Sans le RN, le prétendu bloc Barnier de la droite et des macronistes est tout le temps battu par le NFP. Équipe bidon, stratégie bidon, Macron et Barnier sont des encombrants inutiles”, a de son côté cinglé Jean-Luc Mélenchon.
Une candidature MoDem fautive ?
Sans surprise, le résultat est bien plus amer du côté des soutiens – plus ou moins clairs – du gouvernement de Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République (ex-Renaissance), une source anonyme rejette clairement la faute sur une candidature MoDem qui ne servait “à rien”, et assure que les centristes ont été “responsables depuis le début”.
En effet, le MoDem a tenu à présenter son propre candidat au premier et au deuxième tour du scrutin, Christophe Blanchet. Ce dernier a obtenu 69 voix au premier tour – contre 127 pour Virginie Duby-Muller – et 46 voix au deuxième tour – contre 125 pour la députée de Haute-Savoie, et 149 pour Jérémie Iordanoff -, avant de se retirer pour le troisième tour. Mais alors que Virginie Duby-Muller a obtenu 161 voix au troisième tour, contre 175 voix pour le député écologiste, les calculs sont limpides : l’élue LR était de toute façon loin d’avoir fait le plein dans le “socle commun”. Plus encore, certains députés centristes auraient peut-être même fait le choix de voter pour la candidature du NFP plutôt que pour celle des Républicains.
“Quand il y a des alliances contre nature, ça ne peut pas marcher”
Ce vote étant secret, le fin mot de cette histoire ne sera sûrement jamais dévoilé. Mais il ne faut pas aller chercher très loin pour imaginer les raisons ayant poussé certains élus centristes à ne pas soutenir Virginie Duby-Muller. Car dans le camp présidentiel, nombreux sont ceux qui ont gardé une forte rancœur envers LR pour une autre élection à un poste-clé de l’Assemblée : celui pour la présidence de la commission des Affaires économiques.
Le 9 octobre dernier, c’était en effet le candidat du groupe EPR, Stéphane Travers, qui s’était fait battre de justesse par la députée insoumise Aurélie Trouvé, faute notamment d’avoir bénéficié des voix de la droite en faveur de sa candidature. Œil pour œil, dent pour dent ? “Il y a forcément des MoDem qui n’ont pas voté pour le LR. Quand il y a des alliances contre nature, ça ne peut pas marcher […] Gabriel Attal est devenu le ventriloque de (Laurent) Wauquiez”, président du groupe LR, a affirmé à l’AFP le député MoDem Richard Ramos. “Ce n’est pas parce que Laurent Wauquiez n’a pas respecté ses engagements qu’on doit faire pareil […] Force est de constater que le MoDem ne nous aide pas sur ce coup-là”, rétorque-t-on dans l’entourage de Gabriel Attal.
Auprès de la presse, le président du groupe MoDem Marc Fesneau a tenu à calmer le jeu, affirmant ne pas être “satisfait du tout” de ce résultat, et a assuré avoir “demandé à (ses) députés de faire en sorte que ce ne soit pas le NFP qui ait le siège”. Mais celui-ci se veut également lucide. “Je fais des additions. Je constate que Christophe Blanchet a perdu 23 voix entre le premier et le deuxième tour et que ces 23 voix ne sont pas allées chez Mme Duby-Muller”, a-t-il dit, comme le rapporte l’AFP, soupçonnant des “gens qui soutenaient le candidat Stéphane Travert à la commission des Affaires économiques” d’être “vraiment pas contents”. L’ambiance est en tout cas posée pour la suite. Car un désaccord entre les députés du camp présidentiel et ceux de la droite pour des postes à l’Assemblée promet des discussions houleuses au moment de s’accorder entièrement pour un budget.
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