Formidable, le débat sur les privatisations revient ! Jusqu’à ce qu’un groupe de députés bien inspirés – Olivia Grégoire, Gérald Darmanin, Mathieu Lefèvre… – ne propose que l’Etat cède un certain nombre de ses participations, la contribution des parlementaires au débat budgétaire se limitait à vouloir augmenter les impôts partout où c’est possible, et à taxer le peu de choses qui, dans notre pays, ne l’était pas encore.
La commission des Finances dirigée par l’Insoumis Eric Coquerel s’est particulièrement distinguée dans cette folie fiscale qui, si on ne l’arrête pas, ne s’éteindra que lorsque la dernière entreprise française aura mis la clé sous la porte. Ne soyons pas injustes : cette fièvre a frappé le centre et la droite presque autant que la gauche.
Preuve qu’il est un dénominateur commun à la classe politique : la faible connaissance du fonctionnement des entreprises. Les profits et les dividendes ne sont pas perçus comme la source des investissements et des emplois, mais comme des mauvaises herbes à éradiquer. Quand un député comme Philippe Juvin (LR) fait remarquer que, dans le pays qui détient le record mondial de dépense publique, le Parlement pourrait consacrer son énergie à rechercher des économies, il est regardé comme un fauteur de troubles venu gâcher l’orgie taxatrice.
Un portefeuille de 180 milliards
Quelle joie, donc, de lire dans La Tribune Dimanche des députés qui font preuve d’un peu d’imagination et qui relancent un débat légitime. Rappelons tout de même que l’Etat détient un portefeuille de parts d’entreprises équivalent à 180 milliards d’euros, essentiellement des titres non cotés. On pourrait très facilement vendre entre 10 et 20 milliards d’euros de ces titres, ce qui permettrait, par exemple, d’éviter des hausses d’impôts sur les entreprises.
Quels sont les contre-arguments ? Premièrement, ces ventes de participations ne généreraient un revenu que pour l’exercice 2025, alors que notre déficit public est structurel. C’est exact, mais le Premier ministre a présenté lui-même les hausses d’impôts comme étant temporaires. Personne n’y croit, à juste titre. Ces hausses d’impôts, qui atteignent 30 milliards d’euros, soit un choc fiscal équivalent à celui de François Hollande et Jean-Marc Ayrault en 2013, vont affecter notre croissance et laisser des traces durables sur notre attractivité. Alors, qu’est-ce qui est préférable ? Apporter à l’Etat un complément financier temporaire pour l’exercice 2025 mais sans impact négatif, ou mettre en place une politique nocive pour notre économie ?
On entend dire aussi que le moment de céder des titres ne serait pas opportun car le CAC 40 est loin de ses plus hauts du printemps dernier. Soit. Mais si l’on prend du recul sur dix ans, la Bourse est à un niveau très élevé et il n’est pas très difficile de choisir les titres qui présentent les valorisations les plus attractives.
Des “bijoux de famille” qui n’en sont pas
Le dernier argument est le plus intéressant : il ne serait pas pertinent de vendre des “bijoux de famille”, qui font partie du “patrimoine national” et qui, accessoirement, versent des dividendes à l’Etat – de 2 à 3 milliards d’euros par an ces dernières années. Ces expressions, “bijoux de famille” ou “patrimoine national”, sonnent bien à l’oreille mais elles n’ont strictement aucun sens. On aimerait bien savoir ce que fait l’Etat au capital de la Française des jeux, de Stellantis, de Renault, d’Orange, de Dexia ou d’Air France-KLM. Quand il siège au conseil d’administration de ce genre de sociétés, il devient le grand ordonnateur d’injonctions contradictoires : l’entreprise qui a la malchance d’avoir la puissance publique dans son capital doit maximiser ses profits pour lui verser des dividendes, dépenser plus pour acheter la paix sociale et s’étendre à l’international pour servir le prestige de la France.
Ces participations virent régulièrement au cauchemar pour les entreprises concernées, comme pour les représentants de l’Etat vers qui chacun se tourne au premier dysfonctionnement. En vérité, elles ne présentent aucun intérêt stratégique, ni pour les uns, ni pour les autres, et elles n’ont qu’un intérêt financier marginal. Si notre pays était moins étatiste et plus audacieux, les pouvoirs publics pourraient même laisser au secteur privé des services publics comme le gaz. Dans beaucoup de pays, on ne confond pas “service public” et “secteur public” : des entreprises privées peuvent assurer une délégation de service public. Souvent, elles le font très bien.
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