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Ehpad privés, crèches… Comment mettre fin aux pratiques destructrices, par Pascal Demurger


A quelles conditions confier les plus vulnérables d’entre nous au marché ? C’est la question qui vient tout de suite à l’esprit lorsqu’on lit les enquêtes du journaliste Victor Castanet révélant des scandales à répétition dans des crèches et Ehpad privés. Jusqu’à quel point la maximisation du profit et la quête du low-cost de certains acteurs sont-elles compatibles avec l’attention due à des personnes par essence fragiles ? Visiblement, la limite a été atteinte.

Pour permettre un sursaut, ni nationalisation ni main invisible du marché, mais simple bon sens : conditionnons les aides publiques versées à ces secteurs à des critères de qualité. C’est un enjeu civilisationnel : le niveau de négligence collective atteint est sans précédent. Un enjeu budgétaire aussi – l’argent public est trop précieux pour qu’on le dépense sans contreparties -, et même concurrentiel : sans rétablissement de la confiance il n’y aura à terme ni clients, ni employés, ni rentabilité des crèches et Ehpad privés.

Débutée au tournant du siècle face à une demande sociétale croissante, l’ouverture de ces secteurs à des entreprises a conduit à ce qu’environ un tiers des crèches et des Ehpad du pays soient aujourd’hui privés, soit plus de 250 000 places au total. Il ne s’agit nullement de dire que cela a entraîné une maltraitance généralisée. Ce serait mal connaître la diversité des structures, le sens des responsabilités de nombreux dirigeants et l’engagement de salariés qui se soucient bien plus du sort des personnes dont ils ont la charge que de la forme juridique de leur employeur.

Mais dire que ce système n’est pas parvenu à empêcher les pratiques destructrices de quelques acteurs sans scrupule est un euphémisme. Rationnement alimentaire, réduction des soins, compression des recrutements et des salaires, pression managériale, voire, dans les pires situations, maltraitances et détournement de fonds publics : la loi de la marge a pu conduire au pire, au détriment de la santé des enfants, des aînés et des employés.

Ni nationalisation, ni autorégulation

Que faire alors ? Certainement pas engager une immense nationalisation. “Statut ne vaut pas vertu” : il ne suffit pas d’avoir la “bonne” structure pour avoir les bonnes pratiques. La demande est par ailleurs trop forte pour être prise en charge par un seul type d’acteurs. Dans le même ordre d’idées, le sauvetage (par un consortium formé par la Caisse des dépôts, la MAIF, la CNP, la MACSF) in extremis d’Orpea et sa transformation en Emeis, s’il permet de changer les pratiques en profondeur par l’augmentation des salaires et du taux d’encadrement ou encore la réduction des accidents du travail, ne pourra pas être reproduit à l’infini. A l’inverse, miser sur l’autorégulation du marché serait hasardeux à double titre : on ne fait pas de pari sur la vie des plus vulnérables, et la brèche dans la confiance est désormais trop grande pour se refermer d’elle-même.

Choisissons une troisième voie : la conditionnalité des financements publics aux crèches et Ehpad privés. En effet, chaque année ces structures reçoivent, légitimement, de l’argent public pour assurer leurs missions, qu’il s’agisse par exemple du remboursement des dépenses de soins dans les Ehpad ou de la prise en charge des enfants dans les crèches. Pour éviter désormais toute dérive, modulons au plus vite ces financements en fonction du respect de critères de qualité objectifs et déterminés ensemble par l’Etat, les acteurs économiques, les syndicats et les associations d’usagers.

Quels pourraient être ces critères ? Si certains semblent évidents et transversaux – taux d’encadrement suffisant, nombre d’accidents du travail réduit, taux annuel de formation idoine -, d’autres méritent d’être affinés selon les particularités des établissements pour que soit garantie la plus grande efficacité du dispositif.

Toute la question est de réussir une refondation autour de trois piliers : le temps long de la stratégie, la qualité du service et la considération à l’égard des professionnels. Il est temps de donner toute leur place, toute leur importance, toute leur valeur à l’enfance et la vieillesse au sein de nos sociétés. De cela dépend notre dignité à tous. Accélérons donc la transformation de ces secteurs en fixant des standards rehaussés et en répondant à une obligation aussi pratique qu’éthique. Un chantier universel et utile pour tout gouvernement.

*Pascal Demurger est directeur général du groupe Maif et coprésident du Mouvement Impact France.




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