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Notre-Dame de Paris payante : les petits arrangements de Rachida Dati avec la laïcité


Quelle mouche a donc piqué Rachida Dati à moins d’un mois de la réouverture en grande pompe de Notre-Dame de Paris, le 7 décembre prochain ? Dans un entretien au Figaro ce 24 octobre, la ministre de la Culture suggère de “mettre en place un tarif symbolique pour toutes les visites touristiques de Notre-Dame et consacrer totalement cet argent à un grand plan de sauvegarde du patrimoine religieux”. Ajoutant : “Avec 5 euros seulement par visiteur, on récolterait 75 millions d’euros par an. Ainsi, Notre-Dame de Paris sauverait toutes les églises de Paris et de France. Ce serait un magnifique symbole.”

Sur le papier, l’idée peut paraître séduisante. Ne paie-t-on pas en Italie pour admirer la plupart des cathédrales et des églises ? Ne paie-t-on pas pour visiter les lieux culturels remarquables et les musées partout en France ? Mais Notre-Dame de Paris n’est pas un monument comme les autres, elle est d’abord et avant tout une cathédrale. Vouloir y instaurer un billet payant est une provocation à l’égard du clergé et se heurte à au moins trois obstacles.

Le premier est politique et touche les relations entre l’Eglise et l’Etat. La loi de 1905 de séparation de l’une et de l’autre prévoit que les cathédrales sont propriétés de l’Etat, mais surtout, dans son article 17 que “la visite des édifices et l’exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance”. S’il n’est évidemment pas impossible de réviser la loi de 1905, l’Etat prend le risque de créer un différend majeur avec l’Eglise qui s’est toujours opposée à cette idée. En 2017, déjà, par la voix de Stéphane Bern, les pouvoirs publics avaient émis une idée similaire. Aussitôt, la Conférence des évêques de France avait fait savoir son désaccord. Régulièrement, au cours des cinq années écoulées depuis l’incendie, le diocèse de Paris a rappelé que Notre-Dame de Paris est d’abord un lieu de culte et ne devait pas devenir un musée. Et lorsqu’il a annoncé qu’il mettait en place une billetterie à l’occasion de la réouverture, il a immédiatement précisé qu’il s’agissait de mieux réguler le flux de visiteurs mais en aucun cas d’un paiement.

Le mauvais rôle pour l’archevêque de Paris

La deuxième difficulté est d’ordre technique et rend difficile l’application de l’idée de Rachida Dati. Car si l’Etat est propriétaire de Notre-Dame de Paris, l’Eglise en est l’affectataire. Surtout, elle en est l’affectataire “unique”. En clair, elle seule a le droit d’agir en ses murs. Dès lors, l’instauration même d’une billetterie paraît complexe : qui s’en occuperait ? A quel endroit ? A qui reviendraient les fonds ainsi prélevés ? Sans même parler de l’idée de ne faire payer que les “visiteurs” et non les croyants. On imagine mal comment distinguer les premiers des seconds.

Enfin, la somme générée par cette billetterie – 75 millions d’euros – serait bienvenue au regard des besoins du patrimoine religieux hexagonal. En septembre 2023, la collecte spécifique lancée par l’Etat via la Fondation du patrimoine avait comme objectif 15 millions d’euros pour sauver 100 édifices. Or, en avril 2024, moins de trois millions d’euros avaient été recueillis. Et le ministère évoquait 5000 édifices nécessitant une intervention urgente. Soit un besoin supérieur à 700 millions d’euros. En suggérant un prélèvement sur les entrées à Notre-Dame de Paris, Rachida Dati espère compenser les faiblesses de son budget, mais aussi le manque d’entretien des communes (grandes ou petites) sur ces édifices – entretien qui leur incombe mais qui ne fait pas partie des “charges obligatoires”.

Pour Rachida Dati, mais aussi pour l’Elysée, la proposition d’une entrée payante pour accéder à la cathédrale de Paris présente d’autres avantages. En particulier, celui de rappeler à l’Eglise que seul le volontarisme d’Emmanuel Macron a permis la réouverture de Notre-Dame dans des délais aussi courts, à peine plus de cinq ans depuis l’incendie d’avril 2019. Et que nombre de concitoyens ont contribué aux 840 millions d’euros collectés pour la reconstruction. Un rappel qui, pour le pouvoir, arrive à point nommé alors que les tensions se multiplient autour de l’organisation de la cérémonie de réouverture. Emmanuel Macron souhaite s’exprimer à l’intérieur de la cathédrale quand le diocèse estime que ce n’est guère opportun. De même que l’Eglise refuse qu’on lui “rende les clés” de la cathédrale de manière formelle, puisqu’elle estime n’avoir jamais formellement quitté les lieux. En indiquant avoir proposé “à l’archevêque de Paris une idée simple”, Rachida Dati oblige ce dernier à dire “non”. Un mauvais rôle dont il se serait bien passé.




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