C’est un drame dont les conséquences sont pour l’instant bien incertaines. Des inondations dévastatrices dans le sud-est de l’Espagne depuis ce mardi soir ont jusqu’ici causé 95 morts, dont 92 dans la seule région de Valence. Un bilan qui pourrait continuer à grimper dans les prochaines heures, alors que de nombreuses personnes restent toujours portées disparues.
“Nous ne vous laisserons pas seuls”, a assuré ce mercredi le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, appelant les habitants des régions concernées à rester vigilants, car “nous ne pouvons pas considérer que cet épisode dévastateur est terminé”. Si sa responsabilité ne peut évidemment pas être engagée dans cette catastrophe naturelle, la réaction de son gouvernement, quant à elle, sera particulièrement surveillée dans les prochains jours. Surtout alors que le chef du gouvernement ibérique vient de traverser un tel “octobre noir”, comme le résume le journal espagnol La Vanguardia.
Les polémiques et les scandales s’accumulent ces dernières semaines. Mais celle qui a peut-être eu le plus de retentissement ces dernières semaines est assurément la démission fracassante d’Iñigo Errejón, porte-parole au Parlement de la coalition de partis de gauche radicale Sumar, le principal allié de Pedro Sánchez. La cause ? Des accusations d’agression sexuelle de plusieurs femmes sur les réseaux sociaux envers celui qui fut le cofondateur du parti Podemos en 2014. L’actrice et animatrice de télévision Elisa Mouliaá, qui a d’abord témoigné anonymement sur les réseaux sociaux, a ensuite porté plainte auprès de la police. L’institution a ensuite transmis le dossier à la justice, qui a jugé recevable sa plainte ce mardi 29 octobre.
“Un exécutif pris au dépourvu”
Face à la pression de son propre camp, Iñigo Errejón a finalement fait le choix de démissionner au bout de quarante-huit heures et de se retirer de la vie politique. Mais pour le groupe Sumar comme pour Pedro Sánchez, cette affaire laissera des traces, tant le féminisme et la lutte contre les violences sexuelles étaient au cœur de leur engagement politique.
Leur incapacité à remarquer les signaux avant-coureurs de ce scandale – ou le choix de ne pas y prêter attention, selon les versions – interroge notamment. “La vigueur avec laquelle les dirigeantes de Sumar ont interpellé Errejón la semaine dernière marque une incohérence entre le discours public et l’action privée dans une affaire aussi centrale pour ce camp politique”, souligne le journal progressiste El País dans un édito. Des dommages qui ne pourront peut-être pas être compensés par l’ardeur avec laquelle les dirigeants de Sumar, mais aussi de ceux du PSOE, font preuve pour réaffirmer leur solidarité avec les victimes de violences sexistes et sexuelles et assurer que toute la lumière serait faite sur cette affaire.
Et si la personne accusée par les faits reste et demeure Iñigo Errejón, cette affaire vient notamment particulièrement fragiliser la ministre du Travail Yolanda Díaz, l’une des vice-présidentes du gouvernement espagnol et figure féministe de la coalition Sumar. “La révélation de l’affaire Errejón a pris au dépourvu un exécutif qui se vante de son féminisme. Sachant qu’il ne peut se passer de sa partenaire minoritaire, Pedro Sánchez laisse à Yolanda Díaz une marge de manœuvre et de l’oxygène, dans le pire moment qu’elle traverse”, relate le journal El Mundo.
Des affaires de corruption
Si cette affaire vient endommager la déjà bien fragile coalition de Pedro Sánchez, qui ne tient sa majorité qu’à un fil, le Premier ministre espagnol a été cerné par plusieurs autres polémiques ces dernières semaines. Il y a d’abord le retour de l’affaire de corruption visant son épouse, qui avait presque conduit le chef du gouvernement espagnol à démissionner en avril dernier. Le juge menant l’enquête a décidé ce mardi d’étendre ses investigations à d’autres délits potentiels et donc de la convoquer de nouveau le 18 novembre prochain, alors que Begoña Gómez était déjà accusée de corruption et trafic d’influence. “Toutes les plaintes qui ont été déposées contre ma femme émanent des mêmes organisations d’extrême droite”, a assuré Pedro Sanchez depuis Mumbai où il est en déplacement, se disant “convaincu que le temps (remettrait) les choses à leur place”.
A cela vient s’ajouter… une autre affaire de corruption. La presse espagnole a ainsi publié durant le mois d’octobre un rapport des autorités espagnoles venant confirmer un complexe scandale de corruption durant la pandémie, au cœur duquel figurerait l’ancien bras droit et ministre de Pedro Sánchez, José Luis Ábalos. Ce dernier aurait ainsi attribué des contrats d’achats de masques durant la période du Covid avec un homme d’affaires douteux, répondant au nom de Victor de Aldama, en échange de juteux cadeaux.
Cette affaire avait déjà été révélée par la presse espagnole en février dernier, et avait conduit au renvoi du Parti socialiste de celui qui siège en revanche toujours au Parlement espagnol, en indépendant. Mais la confirmation de ces accusations par la police espagnole vient remettre une pièce dans ce scandale. Et pour ne rien arranger pour Pedro Sánchez, El Mundo a publié une photo du Premier ministre espagnol en compagnie de ce fameux Víctor de Aldama, prise en 2019. A elle seule, celle-ci ne permet en rien d’établir un quelconque lien entre les deux hommes. Mais elle contribue à entretenir le doute et la défiance envers le Premier ministre.
“Cela va continuer à se compliquer”
Car toutes ces affaires, mises bout à bout, viennent clairement menacer l’avenir politique de Pedro Sánchez. “Quelle était la pire chose qui pouvait arriver au PSOE ? Etre souillé par la corruption, après avoir évincé le gouvernement de Mariano Rajoy [NDLR : l’ancien Premier ministre espagnol] par une motion de censure en raison des nombreuses affaires qui ont touché l’exécutif du Parti populaire. Et que pouvait-il arriver de pire à Sumar, qui avait placé le féminisme au centre de sa politique ? Qu’un dirigeant de son parti soit impliqué dans des allégations de harcèlement et d’abus sexuels”, synthétise assez clairement La Vanguardia.
En toile de fond, c’est le principal parti d’opposition de droite, le Parti populaire, qui veut tirer profit de ces affaires à répétition pour renverser le gouvernement Sánchez. Mais sans vouloir trop en faire et en faisant preuve de patience, comme l’a assuré leur chef de file Alberto Feijóo – qui appelle cependant chaque semaine à la démission du Premier ministre espagnol -. “Cela va continuer à se compliquer”, a-t-il assuré en privé auprès des ténors de son parti, selon El Mundo, affirmant que “chaque information qui sort est plus grave que la précédente”. Malgré tout, Pedro Sánchez l’assure : “la gauche se représentera en 2027 et nous continuerons à gouverner”. Que le Premier ministre espagnol jette un œil en France pour se rendre compte comme trois ans peuvent être longs.
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