Les poules de Mme Tennevin ont perdu leurs couleurs. C’est arrivé comme ça, un jour, ou peut-être une semaine avant les “évènements” qui se sont produits à Fère-Champenoise. Mme Tennevin n’a plus la date en tête, mais elle a tout de même poussé un “Mais si, bien sûr !” en s’en souvenant. Comme si elle tenait là, au milieu de son poulailler, de quoi résoudre l’”affaire” qui agite la ville : “Mes petites poules, vaccinées, vermifugées, qui dépérissent, et dont la crête devient blanche, c’est forcément lié, vous ne croyez pas ?”
Voilà des mois que cette travailleuse sociale d’une cinquantaine d’années fait et défait les quelques jours où un mystérieux “mal” s’est emparé de sa commune, bourgade agricole du sud-est de la Marne, lieu de nombreuses batailles historiques. “On est beaucoup ici à s’interroger”, affirme l’habitante. L’affaire en question a tout d’un cauchemar : un midi, fin mai, un enfant, un autre, puis toute une dizaine se sont effondrés. Pris d’un coup, et sans raison apparente, de maux de tête, de crampes abdominales, d’irritations, ou encore de curieuses démangeaisons.
Le lendemain, puis le lundi d’après, d’autres enfants se sont écroulés, encore et encore, six jours durant. Au total, une quarantaine de personnes ont été affectées, et une trentaine hospitalisées. Quelques membres du personnel scolaire, des adultes donc, ont aussi été touchés. A chaque fois, ces incidents sont survenus à la même heure : juste après manger, avant de reprendre les cours. Sans que nul ne sache l’origine de ces étranges phénomènes.
Des dizaines de camions de pompiers
Les victimes n’ont gardé aucune séquelle de ces épisodes. Mais, faute d’explication, la ville, une cuvette de 2 000 habitants cernée par les champs, est restée marquée, plongée dans un sang d’encre. “On parle de gosses quand même, ça fait peur”, appuie Mme Tennevin. Une de ses gallinacées, Janice, est morte il y a peu. “C’est dur de ne pas faire de liens”, dit-elle, l’air las, avant de pointer l’école élémentaire, à deux pas, d’où proviennent la majorité des cas.
Depuis la rentrée, aucune autre poule n’a vu son état de santé se dégrader. Mme Tennevin, à qui on avait d’abord parlé durant l’été, a donc dû se faire à l’idée que cette piste ne mènerait probablement nulle part. Quant aux enfants de la ville, ils ont enfin pu reprendre l’école. La fin de l’année a été chaotique : au deuxième jour des malaises, le 31 mai, les élèves ont fait classe dans le collège voisin, avant d’être trimballés dans divers locaux municipaux, quand les parents ne refusaient pas qu’ils y aillent.
Ce jour-là, au plus fort du marasme, des dizaines de camions de pompiers ont débarqué dans la ville, sirènes hurlantes. La mobilisation a été telle que même le centre de crise sanitaire du ministère de la Santé, vigie sanitaire du gouvernement, a été activé, pour centraliser la réponse. Le soir même, les autorités ont mené des investigations poussées et mis en place une surveillance de long terme. L’air, le sol, les surfaces et les liquides, tout ou presque a été inspecté, à des kilomètres à la ronde. Pas le moindre indice n’a été trouvé.
Toutes les institutions mobilisées – elles sont une demi-douzaine – n’ont pas rendu leurs expertises. La plus attendue, celle de Santé publique France, n’arrivera que début 2025. Aucune voix officielle n’a osé émettre un début de diagnostic. Les médecins scolaires et libéraux, les hôpitaux (Châlons-en-Champagne et Epernay), les pompiers, les enseignants mais aussi les structures qui surveillent l’air (Atmos) ou encore les sols (BRGM) ont tous refusé de raconter leurs recherches ; le préfet, Henri Prevost, l’interdit. Lui non plus n’a pas voulu nous parler.
Crimes, 5G et éoliennes
Le vide ainsi laissé alimente désormais les rumeurs les plus folles : attaque terroriste, 5G, éoliennes… “C’est la campagne, Fère-Champenoise, les on-dit vont vite”, prévient Mickaël Huet, clope au bec, tatouage jusqu’au cou, un enfant scolarisé dans l’école. Et de nous donner la sienne, de théorie, une histoire d’effraction commise au château d’eau du coin : “C’est peut-être de la paranoïa, mais à l’époque, on nous avait demandé de ne pas boire l’eau du robinet. Moi je me dis que ça vient de là”, dit-il en rappelant son chien, prêt à mordiller les passants.
Mickaël Huet habite dans un des petits appartements en brique du centre-ville, à mi-chemin entre l’école primaire et l’école maternelle. Avant les évènements, les enfants passaient de l’une à l’autre tous les midis pour aller à la cantine, sur les hauteurs. C’est sur ce chemin que l’essentiel des cas se sont déclarés. Sur le trajet, on devine toutes les sources éventuelles d’empoisonnement, écartées une à une par l’enquête : les champs et le silo à grains, dont les bips stridents sont audibles depuis l’école, le méthaniseur et la station essence, trop loin pour présenter un réel danger, ou encore ce chantier juste à côté de l’école maternelle et ses canalisations à l’air libre.
Les travaux ont longtemps été accusés par les riverains. Cet été, trois ouvriers marouflaient le premier étage du futur bâtiment, torse nu au milieu de l’air dilaté par la chaleur. “Ce n’est pas l’eau, ça c’est sûr”, glisse le plus costaud d’entre eux, Youssouf, venu de Reims en voiture, seul à maîtriser le français. Par temps chaud, il se fournit à l’eau de l’école grâce au vieux tuyau de derrière l’établissement. “S’il y avait un problème, je l’aurais su.” Et de nuancer, pris d’un doute : “Ou alors peut-être que je suis immunisé ?”
La crainte d’une rétention d’information
Comme Youssouf, beaucoup de gens ont suivi l’affaire dans les médias ou en en parlant autour d’un café entre copains, faute de réunion publique sur le sujet. L’Agence régionale de santé (ARS), la préfecture et l’Education nationale ont bien tenu une conférence le 24 juin, quelques jours après les derniers cas, mais seulement pour les parents. Des riverains ont été refoulés. Ce qui, à l’ère du tout instantané, a nourri la défiance et exacerbé les tensions, déjà nombreuses.
Franchement, ce truc de vapeurs venant des égouts, je n’y crois pas
Jean-Claude, dératiseur
Sur la page Facebook de la mairie, de nombreuses personnes se sont plaintes de cette organisation, confortées dans l’idée que les pouvoirs publics “savent”, mais qu’ils ne disent rien. “Ouvrir les réunions à tout le monde […] éviterait à certains de faire l’anguille”, peut-on lire dans un de ces messages. “C’est du grand n’importe quoi”, écrit un autre internaute du coin un peu plus loin. “Nous n’avons pas plus d’informations que vous”, a dû répondre la municipalité, prise au débotté.
Les chaînes d’informations en continu venues de Paris n’ont que rarement couvert la totalité des investigations. Difficile dans ces conditions de se faire une idée juste des efforts entrepris. Youssouf n’avait pas ouvert le journal le jour où la piste de l’eau contaminée a été écartée. Mais le voilà à son tour percuté d’un souvenir : “Il n’y a pas si longtemps, une nourrice à Lyon n’avait-elle pas empoisonné des bambins à la javel ? Pour moi, tout ça cache forcément un acte criminel. Les gens sont prêts à tout”, assure-t-il, parpaing en main.
Aucune toxine, aucun poison, aucune drogue
L’histoire en question s’est produite en 2022 et n’a aucun lien avec Fère-Champenoise. De toute façon, les enfants ont fait l’objet d’analyses. Les médecins ont recherché poisons, toxines, drogues, allergènes, en vain. Bien que la piste criminelle, “un fou”, un “terroriste”, n’ait jamais officiellement été évoquée, elle est la première qui vient aux habitants. “C’était soit ça, soit la vieille cartonnerie désaffectée, qui pourtant ne se situe pas sur le chemin de l’école”, confirme Pacôme Bassien, journaliste à L’Union, le quotidien de la Marne, l’un des premiers à avoir parlé de l’affaire.
C’est Igor*, un Ukrainien trapu, barbe fournie, qui possède désormais le bâtiment éventré. Il l’a acheté pour recycler la tôle rouillée qui le compose. “Le gouvernement est passé vérifier mon activité, mais il n’y a rien à craindre car il n’y a jamais eu d’activité toxique ici, c’était une industrie propre”, explique-t-il. Plus on en parle, plus il craint que ses enfants – des étrangers, des Ukrainiens, des têtes de coupables, se dit-il – finissent par être accusés. Le plus jeune était là, durant les malaises, il a reçu de l’oxygène lui aussi.
Sa fille, accrochée à son pantalon, n’a rien eu. “La petite était pourtant à la cantine”, s’interroge Igor. Le restaurant scolaire a vite été disculpé : tout le monde n’avait pas mangé au même endroit. Les pompiers sont alors reportés sur une fontaine, non loin, mais certains enfants se sont sentis malades avant d’arriver à côté. A chaque épisode, le maire de la ville y allait de sa petite hypothèse dans la presse locale. Sa préférée ? Celle d’un “dégazement” des égouts, à cause des fortes pluies qui sont survenues quelques jours avant.
La piste du sous-sol
Beaucoup d’anciens, comme lui, sont encore persuadés que le sous-sol a pu souffler de l’air vicié. Rien d’impossible. Le sous-sol de Fère-Chamenoise est constitué de couches de craies empilées les unes sur les autres. Une aubaine pour les cultures modernes, qui prospèrent désormais sur ce genre de terrains – la Marne est ainsi devenue l’un des greniers à blé français. Mais c’est aussi un gruyère, dans lequel se sont échoués avec le temps toutes sortes de déchets, des rejets agricoles aux débris des guerres mondiales.
Reste qu’aucun autre cas n’a été déploré en dehors des élèves et du personnel scolaire. Pourquoi, alors, seules les personnes liées à l’école se seraient-elles évanouies ? “Franchement, ce truc de vapeurs venant des égouts, je n’y crois pas. Je n’ai jamais vu des réseaux souterrains aussi propres qu’ici, et pourtant on en voit, des trucs sales”, raconte Jean-Claude, dératiseur, un capteur d’air vissé à la ceinture, et les cheveux en bataille. Il finit un kebab sauce mayonnaise sur la place du village, avant de retourner dans les entrailles de la ville.
Cet été, Jean-Claude et son équipe ont effectué une intervention chez un raffineur de produits agricoles. “Il y avait des fientes partout, des pigeons avaient fait leur nid dans l’usine”, soupire-t-il en tentant d’engloutir son litre et demi de coca personnel. L’arrivée de Didier Gergoine, son supérieur hiérarchique, coupe le cul-sec. L’homme, élu de la commune, fait mine de fermer sa bouche à double tour : “On a ordre de garder le silence. De toute façon, l’affaire n’est plus entre nos mains. Le maire non plus ne vous dira rien, il est trop occupé à faire les vendanges. C’est ça, chez nous, le cumul des mandats”, plaisante-t-il.
Le monoxyde de carbone, affaire dans l’affaire
Ce n’est qu’au second épisode, le 31 mai, que les secouristes ont commencé à s’intéresser au monoxyde de carbone, affaire dans l’affaire. Les pompiers volontaires disposent d’un appareil, appelé RAD57, qui permet d’estimer la quantité de ce gaz toxique dans le sang en envoyant des ondes lumineuses dans les vaisseaux. Il suffit d’accrocher une pince au bout du doigt, et l’engin se prononce. A l’air libre, une telle intoxication est quasiment impossible. Les secouristes ont quand même tenté, à court d’hypothèse. Et contre toute attente, les RAD57 se sont mis à sonner.
Très vite, les pompiers ont conclu à une intoxication de la sorte. Jetant Fère-Champenoise dans l’incompréhension. “En réalité, les valeurs indiquées étaient trop faibles pour avoir des certitudes, elles se situaient dans la marge d’erreur”, indique le Dr Emmanuel Puskarczyk, médecin du centre antipoison de Nancy, un des spécialistes qui a coordonné les efforts sanitaires. Il a fallu patienter des mois avant de pouvoir lui parler. A cause de cette erreur, les experts ont dû expliquer aux parents que même si l’appareil avait bien détecté du monoxyde, les relevés n’étaient pas fiables. Beaucoup en doutent encore.
Des propos d’autant plus difficiles à recevoir qu’au cours du troisième épisode, le 3 juin, un nouvel incident s’est produit. Fort de ces premiers résultats dont ils ignoraient encore qu’ils n’étaient pas concluants, les pompiers ont à nouveau lancé des mesures. Celles-ci se sont avérées positives pour une des salles de classe de la maternelle, mais là encore avec des valeurs peu exploitables. Ce jour-là, les enfants hospitalisés ont donc eux aussi été testés, par prélèvements sanguins cette fois-ci. Normalement, il faut des tubes spéciaux pour faire ces analyses. Le personnel hospitalier en poste ce jour-là ignorait cette subtilité.
Deux erreurs, coup sur coup
A nouveau, des faux positifs. Et à nouveau, la préfecture puis la presse qui s’emballent, annonçant la nouvelle avant de se dédire, semant un peu plus la confusion. “Un coup, c’était le monoxyde, et le lendemain, ça l’était plus, ce n’est pas normal”, s’énerve un client du tabac, devant son tiercé. “On a joué de malchance. Vous avez d’un côté une très forte inquiétude et c’est normal, parce que ça touche des enfants, et de l’autre une hypothèse qui penche vite d’un côté au lieu d’être neutre, renforcée par un deuxième évènement sans lien, mais lui aussi dans le même sens “, résume le Dr Emmanuel Puskarczyk, gêné par ces allers-retours.
Contactée, l’ARS reconnaît que ces erreurs ont participé à la défiance. Mais l’institution souligne également l’empressement de certains journalistes à sortir leurs éléments alors que l’enquête n’était pas terminée, quitte à brouiller la lecture générale de l’affaire. Signe que ces atermoiements ont tout de même été pris au sérieux : l’Agence nationale de sûreté du médicament s’est de son côté engagée à diffuser un communiqué à destination des professionnels de santé, pour rappeler le bon usage des outils de mesure.
Ces éléments n’ont pas fait qu’alimenter la psychose : ils ont aussi compliqué les investigations. De nombreux enfants ont ainsi été examinés par précaution, comme le fils d’Herbert, personnel de l’Education nationale, croisé alors qu’il remontait la ville à vélo. Une fois testées, ces personnes ont elles aussi pu se trouver dans la marge d’erreur des détecteurs de monoxyde de carbone et se faire hospitaliser sur la base de ce constat, et de la panique. De quoi fausser le décompte des victimes, encore flou, six mois après les évènements.
Aucun registre précis
De fait, il n’existe pour le moment aucun registre permettant de retracer l’heure, la localisation et le contexte précis des malaises. Noter autant de détails, ce n’est pas la première chose à laquelle on pense lorsqu’on est confronté à pareil phénomène. Que faisaient les enfants exactement ? Combien de temps s’est-il passé entre le premier et le dernier cas de chaque épisode ? Etaient-ils toujours avec le même accompagnant scolaire ? Qui était le “patient zéro”, la toute première personne à s’être sentie mal ?
C’est comme affirmer que ce que nos enfants ont ressenti était imaginaire
Un parent d’élève
Si les bilans communiqués au fil de l’eau par la préfecture ont pu donner l’impression d’une cohérence d’ensemble, comme si tout le monde avait ressenti la même chose au même moment, cela reste à prouver : “Au fil du temps, on s’est par exemple aperçu d’une chose : s’il y a bien une forme d’unité temporelle dans cette histoire, les lieux ne sont pas les mêmes, ce qui très curieux, surtout si on cherche une cause comme un poison, ou une toxine”, constate le Dr Emilie Baro, médecin de santé publique en charge de l’affaire à l’ARS.
Sans ces informations, impossible de comprendre comment les cas sont apparus et se sont “diffusés”. C’est pourtant une information capitale : de nombreuses énigmes sanitaires ont été résolues grâce à ces reconstitutions épidémiologiques. C’est précisément ce qui avait permis de conclure, dans un autre dossier, très similaire, que certains habitants citent à Fère-Champenoise. Lui aussi a mis des mois à être élucidé.
Une autre affaire, étrangement similaire
En 2019, dans le Jura, 16 enfants se sont retrouvés atteints de symptômes comparables lors d’un cross, à ceci près qu’une partie d’entre eux ont aussi manifesté d’étranges convulsions. Les enquêteurs de l’époque ont bénéficié d’un coup de pouce : Dominique Parain, un neurologue, spécialiste de l’épilepsie, maladie qui s’exprime aussi par des tremblements, avait vu l’affaire à la télévision, et a immédiatement alerté le procureur de ses conclusions.
“C’est toujours là même chose. On voit apparaître des phénomènes inexpliqués, peu spécifiques, qui ont l’air contagieux, sans jamais avoir d’explications”, s’exclame l’intéressé, lorsqu’on lui soumet l’affaire de Fère-Champenoise. Et de brandir les mêmes arguments, qui, cinq ans plus tôt, avaient permis d’accélérer l’enquête : “Ce que je vais dire risque de déplaire, mais tout indique que c’est un syndrome psychogène collectif, ce qu’on appelait fut un temps hystérie collective”, assure le médecin, aujourd’hui à la retraite.
Lorsqu’une personne souffre à la vue de tous, il arrive que d’autres se sentent mal, par mimétisme. Les livres d’histoire regorgent de ces cas. En 2007, au Mexique, 600 adolescentes se sont brusquement senties nauséeuses et fiévreuses. En 2009, à Madagascar, 27 jeunes filles ont été “paralysées”, incapables de bouger pendant quelques heures. En 2014, 227 collégiens se sont mis à suffoquer en Aquitaine. En 2016, au Pérou, une centaine de collégiens se sont évanouis ou ont carrément halluciné après la diffusion d’une inquiétante rumeur.
Un bien étrange mimétisme
Le Dr Parain connaît bien ces phénomènes, qui arrivent souvent en milieu scolaire, à la faveur du jeune âge des victimes et de la concentration de personnes au même endroit. Il a longtemps tenté de soigner les rares cas où les maux perdurent, sans succès. “Je suis moi-même intervenu sur un épisode dans les années 1970. Des filles dans un car s’étaient mises à avoir des spasmes en revenant d’une sortie scolaire en Angleterre. Tout le monde pensait à la maladie de la vache folle qui faisait rage à l’époque, mais on n’en a pas trouvé de traces”, se souvient le spécialiste.
Bien qu’ils ne soient en réalité pas liés à l’”hystérie”, terme archaïque et péjoratif, les syndromes psychogènes semblent tout de même toucher plus fréquemment les filles. Il apparaît également qu’ils peuvent s’auto-alimenter : devant une prise en charge impressionnante, comme ce fut le cas à Fère-Champenoise, d’autres personnes peuvent elles aussi se sentir mal, et ainsi de suite. “Un facteur de stress, comme le déclenchement d’un premier cas pour d’autres raisons, en est souvent à l’origine”, abonde Robert Bartholomew, professeur à l’université d’Auckland (Nouvelle-Zélande), et spécialiste de ces affections.
Dans le Jura, c’est finalement le syndrome psychogène collectif qui a été retenu. Difficile de dire si c’est aussi ce qu’il s’est passé dans la Marne. D’autant que les autorités n’ont mis en évidence aucun facteur de stress particulier, du moins dans ce qui a été communiqué. Un rapide tour à Fère-Champenoise suffit à se rendre compte qu’ils sont nombreux. Tout au long du chemin vers la cantine, des chiens ne cessent d’aboyer et certains se promènent en liberté. Et puis il y a ces fruits, des brugnons, des fraises aussi, qui dépassent des jardins, et que les gamins de la ville ont l’habitude de chiper. Un ver ou du pourri aurait pu s’y trouver et jouer l’élément déclencheur.
L’éventualité a été évoquée devant les parents, en réunion. Un tollé : “C’est comme affirmer que ce que nos enfants ont ressenti était imaginaire”, souffle un papa mécontent. Ce n’est pourtant pas le cas, bien au contraire : “Il arrive très régulièrement que des états mentaux, voire cérébraux, aient d’importantes répercussions physiques. On s’est tous sentis vraiment malade à la vue de quelqu’un qui l’était”, illustre Wissam El Hage, psychiatre à l’hôpital universitaire de Tours. Les symptômes existent bel et bien. Et un rien suffit alors à les transmettre.
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