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“Ce n’est pas un échec” : de Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal, l’art délicat de la défaite en politique


Que celui qui n’a jamais perdu lève le doigt, et surtout les croise – la défaite est pour bientôt. Prenez Emmanuel Macron, cas unique, parcours sans blessure, jusqu’à une dissolution aux allures de suicide. En politique, on commence ou on finit toujours par perdre, et c’est donc en soi-même un art, que décryptent les journalistes Elizabeth Martichoux et Catherine Mangin dans un livre publié chez Stock : L’art de perdre en politique.

Ce sont les affaires de l’Etat, serait-ce aussi un sport, qui ne peut être que la somme de victoires et d’échecs ? Le champion de la défaite s’appelle Nicolas Sarkozy, devenu meilleur perdant de France, pas tout à fait le rôle qu’il pensait vivre un jour mais qui a su faire avec. “Je suis défait, les gens regardent Sarkozy, ma personne. Alors qu’en 2007 ils regardaient le président élu, le Roi-soleil. Dans l’échec les gens vous regardent vraiment, alors que dans le succès, ils regardent la lumière, l’astre. (…) Il est beaucoup plus difficile de perdre comme un seigneur que de gagner comme un roi.”

Il y a ceux qui ont la défaite muette, Jacques Chirac en est le modèle, qui fait la connaissance de Christian Jacob dans la foulée de sa déroute de la présidentielle de 1988 et se comporte comme si de rien n’était. “Il me raconte qu’il vient d’arrêter de fumer – il me fait croire que sa femme et ses filles ne s’en sont même pas rendu compte”, se souvient l’ancien ministre.

Certains ont la défaite violente, ils ne la croyaient pas possible eu égard à l’étendue de leurs qualités, alors ils font l’effort de l’autodérision. Et il en faut à Jean-François Copé, pour qui “prendre l’Everest sur la gueule, ça fait moins mal que ma défaite aux législatives”. Après une autre humiliation, celle de la primaire de la droite, il reçoit la visite de Valérie Pécresse (son tour de la débâcle viendra) qui, pressée comme une candidate à l’Elysée, abrège un discours dans lequel elle le complimentait. Copé : “Tu ne peux pas dire du bien de moi, moi non plus, je ne peux pas dire du bien de moi. Ca me demande un effort terrible.”

“Si j’avais été un homme…”

L’histoire leur garde un chien de sa chienne : ce sont les mauvais perdants : Valéry Giscard d’Estaing en est l’incarnation, “tombé de haut de l’idée qu’il se faisait de lui-même” selon la formule de Jean-Pierre Raffarin ; Lionel Jospin en est une autre, qui se retire le 21 avril 2002, dans un geste qui se voulait signe d’une certaine grandeur d’âme et que d’aucuns interprètent seulement comme un abandon en rase campagne.

Non, autant faire comme si perdre n’existait pas. François Bayrou a l’honnêteté de le reconnaître : “Demande-t-on à un peintre de cesser de peindre ? On n’est pas là pour se faire plaisir, on est là parce qu’on ne peut pas vivre autrement.” Ségolène Royal cultive de son côté l’art de se raconter une histoire. A la présidentielle de 2007, il lui a manqué deux millions de voix, ce qui n’est pas rien, mais qu’importe : “Ce n’est pas un échec, j’ai tout surmonté, je suis au second tour, je suis rayonnante, je suis en forme, connue du monde entier.” Elle ajoute : “Si j’avais été un homme, c’est moi qui aurais été élue face à Nicolas Sarkozy.” Convenons de la difficulté qu’il y a à vérifier une telle affirmation…

François Hollande a moins de culot, alors il invente la défaite par évitement, lançant à un proche un “on va vers une non-candidature” qui fera pour longtemps le bonheur des psychanalystes : “la place du mort”, sans façon, merci.

Le regard des autres, c’est une chose (et ce n’est pas rien pour les responsables politiques), mais la vérité intime, c’en est une autre. La socialiste Laurence Rossignol balaie le discours sur l’échec “rite d’initiation”, ne ressentant aucun “bénéfice”, seulement de la “souffrance”. Bruno Le Maire, qui décrit ses enfants voyant “leur père comme une loque, errant dans la cuisine en se demandant ce qu’il va faire”, préfère trouver refuge chez Samuel Beckett : “Essayer, échouer, essayer encore, échouer mieux.” Une flamme si noire.

L’art de perdre en politique, d’Elizabeth MArtichoux et Catherine Mangin (Stock), 300 pages, 20,90 euros




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