La vidéo risque d’accentuer encore la défiance vis-à-vis de la COP29. Elnur Soltanov, le directeur général de cette nouvelle édition du sommet mondial sur le climat, qui doit se tenir à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre prochains, a été filmé en train de proposer de potentiels investissements pétroliers et gaziers dans le pays. L’affaire, révélée par la BBC, intervient au pire moment pour les organisateurs, à seulement quelques jours du lancement de la grand-messe mondiale de lutte contre le changement climatique, déjà très contestée par ailleurs.
Promotion du pétrole et du gaz
D’après la chaîne britannique, l’enregistrement du responsable a été obtenu par l’intermédiaire de l’ONG Global Witness, une structure qui lutte pour la défense des droits humains dans le monde. Un des membres de l’association se serait fait passer pour l’émissaire d’un fonds d’investissement hongkongais, qui aurait pu constituer un sponsor potentiel de la COP29, afin de prendre rendez-vous avec Elnur Soltanov. Le représentant de cette fausse entreprise a demandé à discuter des opportunités d’investissement dans la compagnie énergétique nationale Socar, en échange d’un partenariat du sommet climatique.
Lors de cette rencontre en visioconférence, Elnur Soltanov propose d’abord à son interlocuteur de s’intéresser à des projets de Socar liés à la transition écologique et aux énergies renouvelables. Mais, comme le raconte toujours la BBC, la conversation dérive rapidement vers les énergies fossiles, dont le responsable n’hésite pas à faire la promotion. “Socar commercialise du pétrole et du gaz dans le monde entier, y compris en Asie”, développe le dirigeant, par ailleurs vice-ministre de l’Energie en Azerbaïdjan. Avant de poursuivre en qualifiant le gaz naturel de “carburant de transition”, puis d’ajouter, au sujet d’un possible accord : “Nous aurons une certaine quantité de pétrole et de gaz naturel produite, peut-être pour toujours.”
Sans souhaiter commenter directement les résultats de cette enquête journalistique, l’ONU a réagi auprès de la chaîne britannique en rappelant “l’importance de l’impartialité de tous les présidents” des différentes COP. L’an dernier, le même média avait déjà montré dans un autre article d’investigation que les Emirats arabes unis, pays hôte du précédent sommet sur le climat, avaient voulu utiliser cette opportunité pour mener des accords sur des projets pétroliers et gaziers.
Un respect des droits humains préoccupant
Cette nouvelle affaire s’inscrit dans un contexte plus général d’hostilité d’une partie de la communauté internationale à l’encontre de l’organisation de ce sommet à Bakou. L’Azerbaïdjan est régulièrement pointé du doigt pour ses nombreuses atteintes aux droits humains, notamment en matière de liberté d’expression. Les opposants au régime autoritaire d’Ilham Aliyev, président du pays sans discontinuer depuis 2003, sont menacés par les autorités du pays à chaque critique du pouvoir. En avril dernier, Anar Mammadli, un homme à la tête d’une association promouvant la justice environnementale, a été interpellé par les autorités azerbaïdjanaises pour “contrebande”. Il risque huit ans de prison.
Autre exemple : Gubad Ibadoghlu, un universitaire célèbre et militant anticorruption, arrêté en juillet 2023 pour “extrémisme religieux” et “achat ou vente de fausse monnaie”. “Deux accusations forgées de toutes pièces”, s’insurge l’ONG Amnesty International. L’ONG s’inquiétait, il y a quelques jours, de l’état de santé de l’opposant, maintenu en résidence surveillée. “Selon sa famille, ses problèmes cardiaques se sont aggravés au point que sa vie est en danger et il ne peut pas obtenir la prise en charge nécessaire dans le pays”, rapporte l’organisation de défense des droits humains. Cette situation problématique dans le pays a conduit le Parlement européen a dénoncé fin octobre les atteintes aux droits humains en Azerbaïdjan, y rendant “incompatible” l’organisation d’une COP.
La situation au Haut-Karabakh, région reprise l’an dernier par la force par l’Azerbaïdjan à l’Arménie au terme d’une offensive militaire, a conduit 120 000 Arméniens qui y vivaient à l’exil en Arménie. Un véritable “nettoyage ethnique”, avait alors dénoncé Erevan. Il y a quelques semaines, à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères, Jeyhun Bayramov, n’avait pas fait de pas vers son voisin arménien. “Une paix partielle n’est pas une option après tant de souffrances infligées par l’irrédentisme et les revendications territoriales contre un voisin”, avait-il alors déclaré.
Macron ne fera pas le déplacement
Face à ces critiques, plusieurs dirigeants mondiaux ne se rendront pas à Bakou pour la tenue de la COP29. Selon France Info, le président français, Emmanuel Macron, ne fera ainsi pas le déplacement. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher devrait, elle, bien s’y rendre. “Bien entendu, j’aurais préféré que cette COP ne se tienne pas à Bakou”, a-t-elle admis, mercredi 6 novembre, lors d’une audition au Sénat. Mais, “nous ne ferons pas la politique de la chaise vide parce que c’est faire la politique de nos opposants”, avait-elle ensuite ajouté.
Plusieurs responsables politiques, issus de tous bords, ont signé une tribune publiée jeudi 7 novembre dans Le Figaro afin d’enjoindre le gouvernement à “boycotter la COP29 en Azerbaïdjan”. Ces élus, parmi lesquels Anne Hidalgo, Valérie Pécresse, Sébastien Delogu ou encore Stéphane Ravier, affirment que “la tenue de cette conférence ne doit pas servir à cautionner le régime autocratique, pollueur et corrupteur de l’Azerbaïdjan, ni encourager ses visées expansionnistes et déstabilisatrices”.
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