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Retour de Donald Trump : “La principale différence par rapport à 2016 ? La réponse de la Chine”


Durant son premier mandat, la politique économique de Donald Trump a rimé avec des tensions commerciales grandissantes et une remise en question du multilatéralisme. Huit ans plus tard, le président élu agite à nouveau la menace des droits de douane, qu’il n’hésite pas à qualifier de “plus beau mot du dictionnaire”. Ces barrières douanières pourraient servir de levier pour obtenir des concessions commerciales et susciter une réponse plus ferme de la part de la Chine, analyse Marcus Noland, économiste et vice-président du Peterson Institute for International Economics. Dans un entretien à L’Express, il envisage les répercussions possibles de cette politique pour l’Amérique et pour le reste du monde.

L’Express : À quoi pourraient ressembler les relations des Etats-Unis avec l’Union européenne, l’un de ses principaux partenaires commerciaux, compte tenu des droits de douane que Donald Trump prévoit de mettre en œuvre ?

Marcus Noland : Donald Trump a fait campagne sur la question des droits de douane, presque jusqu’à l’obsession. Le problème est qu’il a déclaré beaucoup de choses différentes : il a d’abord annoncé qu’il imposerait des droits de douane de 10 % sur toutes les importations, puis il est passé à 20 %, et il a également dit qu’il imposerait des droits de douane de 60 % à la Chine. Quoi qu’il en soit, ces taxes auraient un effet négatif sur l’économie américaine et sur le reste du monde. Ces actions sont tout simplement incompatibles avec les obligations des États-Unis dans le cadre de l’OMC. La question est de savoir ce qu’il fera réellement et comment les autres pays réagiront.

Je pense qu’il va les utiliser pour obtenir ce qu’il considère comme une relation économique plus équitable avec l’Europe. Je ne sais pas exactement ce que cela implique, mais il aura un ensemble de demandes et les droits de douane serviront de moyen de pression. En ce qui concerne les secteurs potentiellement touchés, l’acier est toujours un sujet de discorde, ainsi que l’automobile – Trump se plaignait récemment des voitures allemandes aux Etats-Unis. Il voudra probablement que l’Europe renonce à toute forme de taxation des entreprises américaines de haute technologie et à toute action antitrust à l’égard des entreprises américaines.

Le Mexique est également un partenaire commercial clé, mais certaines déclarations de Donald Trump ont complexifié leur relation politique. Comment cela pourrait-il évoluer?

Les États-Unis et le Mexique n’ont pas d’autre choix que de s’entendre d’une manière ou d’une autre, tant leurs économies sont imbriquées. Pourtant, Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane sur le commerce mexicain. Son projet d’expulser les travailleurs sans papiers aurait un effet négatif sur le Mexique, qui devrait absorber brutalement toutes ces personnes. Je pense que cela déprimerait l’économie mexicaine et provoquerait des bouleversements sociaux. Elle aurait également un impact important sur le secteur agricole américain, où les travailleurs mexicains sans papiers sont fortement concentrés, et pourrait entraîner une hausse des prix des denrées alimentaires aux États-Unis.

Le Mexique et les États-Unis devront donc trouver un moyen de traiter l’un avec l’autre. Mais il pourrait s’agir d’une relation assez curieuse, car les Mexicains viennent d’élire une femme de gauche à la présidence.

Le traité de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique devra bientôt être renégocié, que pourrait-il advenir de ce partenariat régional ?

Ce traité fera l’objet d’une révision automatique en 2026. En principe, les États-Unis pourraient donc se retirer de cet accord à ce moment-là. Mais je ne pense pas que cela va se produire. Il se passera sans doute la même chose que la dernière fois, lorsque Trump était président : il imposera des exigences au Mexique et au Canada et il utilisera les droits de douane pour faire pression sur eux. Au final, nous pourrions obtenir un accord révisé, qui contiendra probablement certains éléments bénéfiques et d’autres qui ne le sont pas. Tout comme après la dernière révision de l’accord.

Le monde a déjà dû composer avec la politique économique de Donald Trump pendant quatre ans. Qu’est-ce qui pourrait être différent cette fois-ci ?

La principale différence pourrait être la réponse de la Chine. La dernière fois, la Chine a pris des mesures de rétorsion en imposant des droits de douane sur les produits américains. Je pense que cette fois-ci, les Chinois seront plus enclins à mener une politique de représailles asymétriques. Ils peuvent commencer à rendre la vie difficile aux entreprises américaines qui investissent en Chine, comme Apple, et qui ont d’importantes activités en Chine. Ils se montreront plus fermes.

La dernière fois, après l’instauration de ces tarifs douaniers, la négociation devait conduire à ce que les Chinois achètent davantage de produits aux États-Unis. Puis la pandémie a frappé. Mais je pense qu’une négociation est encore possible.

Qu’en est-il de l’Asie du Sud-Est, une région qui se développe rapidement ?

Si les États-Unis imposent des droits de douane élevés sur les produits chinois, les entreprises chinoises réagiront en délocalisant leur production vers des pays comme le Vietnam ou l’Indonésie. La région pourrait donc bénéficier des différends entre les États-Unis et la Chine. Mais si ce phénomène prend de l’ampleur, il est possible que Trump essaye de mettre en place des règles spéciales sur le commerce avec ces pays pour tenter d’arrêter cette sorte d'”évasion douanière” par le biais de la délocalisation.

Par ailleurs, si l’économie chinoise va mal, cela se répercute généralement sur les pays d’Asie du Sud-Est, car la Chine est leur principal partenaire commercial. Et si la Chine ralentit, leur marché d’exportation ne se développe pas.

Quelles pourraient être les répercussions de la politique de Trump sur le continent africain ?

La manière dont Trump traitera la question des minerais essentiels pourrait devenir un problème. Les États-Unis et le monde en général sont très dépendants de la Chine pour ces minéraux critiques raffinés. Les sources alternatives les plus importantes se trouvent en Afrique, où les normes de travail, entre autres, ont suscité des réserves. Je pense que sous Trump, on n’hésitera pas à se fournir au Congo, par exemple, et dans d’autres pays comme alternative à la Chine. L’exploitation de minerais ne génère généralement pas un vaste développement économique. Elle peut augmenter le revenu national par habitant, mais les revenus tirés de ces minerais ont tendance à aller à un groupe de personnes relativement restreint. C’est le cas partout dans le monde.




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