* . * . * .

“Made in China 2025” : face à Donald Trump, Pékin peut compter sur son plan décennal


L’élection de Donald Trump suscite sans doute une certaine appréhension en Chine. A la Maison-Blanche, il ne sera ni le premier, ni le seul, à prôner une ligne dure face à la deuxième puissance mondiale. Pour faire face à ce deuxième mandat Trump, Pékin peut cependant compter sur son plan Made in China 2025 dont le pays soufflera bientôt les dix bougies. Présenté par le Premier ministre Li Keqiang en mars 2015, il avait été décliné en multiples objectifs, notamment à travers le Livre vert publié par l’Académie chinoise des ingénieurs, puis intégré dans le 14e plan quinquennal.

Le contexte dans lequel ce plan a été pensé est celui d’une inflexion de la pensée stratégique de la part des Etats-Unis. Le pourcentage de sondés américains ayant une opinion favorable de la Chine tombe à 35 % en 2014, contre 51 % en 2011. L’année suivante, Graham Allison publie un article fondateur sur le piège de Thucydide dans The Atlantic. C’est aussi le moment où plusieurs pays développés annoncent leurs plans de réindustrialisation, notamment le plan allemand Industrie 4.0 de 2013.

Reposant sur le constat d’une dépendance critique de larges pans de l’économie chinoise à l’égard de l’étranger et d’un manque d’innovation endogène, le plan Made in China 2025 était conçu pour soutenir la transformation et la mise à niveau de l’industrie manufacturière dans dix secteurs prioritaires. Il devait conduire la Chine à l’autosuffisance, avec un objectif de part nationale de composants et matériaux clés de 40 % en 2020, et 70 % en 2025. La Chine souhaitait également favoriser la création de champions nationaux capables de s’imposer sur les marchés internationaux. Les secteurs stratégiques étaient clairement identifiés, parmi lesquels les technologies de l’information, la robotique, l’aéronautique, les véhicules à énergies nouvelles, les équipements ferroviaires et les machines agricoles.

Les comètes chinoises DJI et BYD

Si l’attention médiatique se concentre souvent sur les difficultés économiques actuelles de la Chine, notamment le ralentissement de la croissance, le plan avance bien. A l’exception de l’aéronautique civile, la Chine a largement atteint la plupart des objectifs fixés dans tous les secteurs, malgré les nombreux défis extérieurs, notamment les sanctions et tarifs douaniers imposés par les Etats-Unis. Avec comme têtes de gondole, deux entreprises privées, DJI, créée en 2006 par un étudiant, qui pèse 70 % du marché mondial des drones, et BYD, un fabricant de batteries dont le pari dans la voiture remonte à 2002 avec l’acquisition d’une entreprise publique en faillite, Tsinchuan Automobile, et qui représente aujourd’hui 22 % du marché mondial des voitures électriques. Pour le résumer en un chiffre : en 2000, la Chine assurait 6 % de la production manufacturière mondiale ; en 2030, ce chiffre dépassera 45 % selon le rapport de la division chargée du développement industriel des Nations unies.

L’automatisation a été totale. Quelque 1,8 million de robots industriels sont à l’ouvrage dans le pays, renforçant la compétitivité de ses lignes de production. Ils représentent 42 % du stock mondial contre 13 % en 2014. En parallèle, les investissements dans la recherche et développement ont atteint 2,65 % du PIB en 2023 contre 2,02 % en 2014, dépassant l’Union européenne qui stagne à 2,27 % et se rapprochant des Etats-Unis à 3,46 %.

C’est bien la recherche et développement endogène qui a poussé au développement de la filière du véhicule électrique, les constructeurs européens et américains gardant leur avance sur les moteurs thermiques. Cette montée en gamme vient d’ailleurs gommer la notion de surcapacités. Exporter un produit présentant de meilleures caractéristiques que ceux disponibles sur le marché ne tient pas uniquement à la compétitivité coût et à l’effet volume. En outre, le soutien à l’activité industrielle n’est pas seulement le fait de l’Etat central. Les collectivités locales jouent un rôle clé. Les gouvernements provinciaux ont alloué plus de 65 milliards d’euros en subventions pour soutenir les industries émergentes depuis 2015.

Le succès du plan Made in China 2025 est la preuve qu’une politique industrielle déterminée peut produire des effets puissants, au-delà des stratégies traditionnelles de substitution aux importations. Elle a largement inspiré la réponse américaine de l’IRA (Inflation Reduction Act), du Chips Act et des barrières douanières associées. L’Europe, elle, continue de se questionner idéologiquement sur la pertinence d’un tel plan.

Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol)




Source