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“Ses intentions sont floues” : après la victoire de Donald Trump, l’Otan retient son souffle


De mémoire otanienne, on n’a jamais connu sommet si tendu. En ce matin du 12 juillet 2018, les dirigeants des Etats membres sont réunis dans la salle du Conseil du siège flambant neuf de l’Alliance atlantique, à Bruxelles, lorsque Donald Trump prend la parole. “Vous ne dépensez pas assez” pour vos forces armées, loin de l’objectif de 2 % de PIB, et vous comptez trop sur les Etats-Unis, leur reproche-t-il, en les pointant du doigt, l’un après l’autre, avant de menacer de retirer le soutien américain.

Consciente qu’une crise couve, Angela Merkel obtient que la salle se vide au profit d’un format resserré pour trouver une voie d’apaisement. “La chancelière allemande fait partie des gens qui ont permis que tout se termine bien, se souvient Camille Grand, alors secrétaire général adjoint de l’Otan, qui a assisté à la séquence. Mark Rutte également.” Le Premier ministre néerlandais sauve la situation en affirmant au républicain que les dépenses européennes sont déjà en hausse et que le mérite lui en revient – satisfait, le milliardaire s’en gargarise ensuite devant la presse.

“Avec lui, il est difficile de parier que tout va bien se passer automatiquement”, en retient Camille Grand, aujourd’hui chercheur auprès du Conseil européen pour les relations internationales. Plus de six ans après avoir subi cette “soufflante”, les membres de l’Otan tentent de se rassurer sur le retour de Donald Trump. La tempête est déjà passée une fois et rien de dommageable n’est arrivé. Si elle repasse, nous saurons lui faire face. Tel est l’état d’esprit – mais il est dangereux.

Eviter le “chacun pour soi”

Car la situation a radicalement changé. En Europe, l’adversaire originel de l’Otan, le Kremlin, mène une guerre frontale à l’Ukraine qui résiste, grâce au soutien occidental, depuis près de mille jours. Et aux Etats-Unis, “Donald Trump a affiché un programme plus radical, avec une base partisane MAGA [“Make America Great Again”, “rendre à l’Amérique sa grandeur”] anti-Ukraine et pro-Russe, qu’il devra contenter, souligne Muriel Domenach, ambassadrice française auprès de l’Otan jusqu’à l’été dernier. En même temps, il n’y aura plus, autour de lui, ceux que l’on appelait ‘les adultes dans la pièce’.”

Ces conseillers, comme les généraux Mattis, McMaster et Kelly, parvenaient à modérer les élans du président. Tous ont, depuis, critiqué leur ancien patron, résolu dorénavant à s’entourer de collaborateurs qui ne le contrediront pas. “Va-t-on se retrouver avec des gens qui seront la caricature de ce que l’on a connu, jusqu’à vouloir être plus trumpistes que Trump ? s’interroge Camille Grand. En tout cas, il faut que les Européens évitent le chacun pour soi, afin d’avoir un message coordonné sur le soutien à l’Ukraine, et prennent davantage en charge leur sécurité.”

A leur crédit, plus d’une vingtaine de pays, sur 32, dépassent aujourd’hui l’équivalent de 2 % de PIB en dépenses militaires. Et tous sont engagés dans une hausse de leur budget de défense pour les années à venir. Ces arguments, ainsi que d’éventuelles nouvelles propositions visant à donner des gages à Trump, seront portés par Mark Rutte, passé secrétaire général de l’Otan cet automne. “C’est la bonne personne au bon endroit, il a toujours eu une bonne relation avec Trump”, fait valoir le chercheur polonais Tomasz Smura, de la Fondation Casimir Pulaski.

Reste à savoir ce que Donald Trump attend de ses alliés européens. “S’il a clairement dit qu’il voulait obtenir la paix en Ukraine, il y a davantage de flou sur ses intentions vis-à-vis de l’Otan, souligne Martin Quencez, directeur adjoint du bureau de Paris du German Marshall Fund, un groupe de réflexion transatlantique. Une chose est sûre, il cherchera à obtenir ce qu’il estime être dans l’intérêt des Etats-Unis.” Il pourrait notamment exiger des alliés européens qu’ils achètent toujours plus de matériel militaire américain, que ce soient des avions de combat F-35, des blindés ou de l’artillerie.

“Il veut voir les chiffres augmenter, il est très important pour lui de pouvoir dire à son électorat et au monde que son action force les alliés européens à dépenser beaucoup pour leur défense, poursuit Martin Quencez. Cela lui permet de se comparer à Obama et à Biden et de clamer qu’ils ont cherché à faire la même chose, mais sans y parvenir.” Une dimension psychologique dont ses “alliés” de l’Otan ont déjà pris la mesure.




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