Le sujet empoisonne les discussions entre Etats à l’occasion de la COP29 : qui doit payer davantage pour le climat ? Après des négociations interminables, et deux ans de retard dans son application, un financement de 100 milliards de dollars par an émanant des pays industrialisés a fini par voir le jour. Mais les besoins réels – notamment pour aider les pays les plus pauvres qui sont également les plus exposés au changement climatique – sont bien supérieurs. Il faudrait récolter au moins 1 000 milliards de dollars par an pour être dans les clous. Qui paiera la facture ?
Les pays industrialisés, qui sont obligés de consacrer une partie de leurs ressources aux questions climatiques en vertu de l’article 9.2 de l’accord de Paris, demandent un élargissement de la liste des contributeurs, ainsi qu’une implication plus forte du secteur privé. Leur argument ? Le monde a changé depuis la convention-cadre des Nations unies (CCNUCC) établie en 1992, qui sert de vade-mecum à l’action contre le réchauffement de la planète. Aujourd’hui, certains des pays en développement, notamment la Chine, le Brésil ou l’Arabie saoudite, possèdent un PIB bien plus élevé. Ils sont par ailleurs de grands émetteurs de gaz à effet de serre. Or ces nations échappent, pour l’instant, à toute contribution obligatoire.
De la mauvaise foi dans les deux camps
Les pays émergents, de leur côté, ne veulent pas négocier. Ils rappellent qu’ils ne sont pas à l’origine de l’essentiel des émissions historiques. Et que l’accord de Paris est clair : ils peuvent fournir de l’aide à titre volontaire, mais ce sont les pays industrialisés qui doivent servir de moteur au financement.
Les deux raisonnements se tiennent. Sauf que les deux camps font preuve de mauvaise foi. Ces dernières années, plusieurs études scientifiques ont essayé d’établir quelle pourrait être la liste idéale des pays contributeurs. Les résultats, bien que différents, pointent tous dans la même direction : un rééquilibrage est nécessaire, autant sur les sommes à payer que sur l’inventaire des nations concernées. Plusieurs travaux suggèrent par exemple que les producteurs d’hydrocarbures tels que les Émirats arabes unis, le Qatar et le Koweït, et les petits pays à revenu élevé, tels qu’Israël, la Corée du Sud et Singapour, devraient contribuer au financement de la lutte contre le changement climatique.
Selon le calculateur établi par le World Resources Institute, un think tank basé à Washington, les Etats-Unis devraient représenter 42 % du financement des actions en faveur du climat car ils sont responsables de 20 % des émissions historiques et que la richesse nationale y est élevée. Or ils sont loin de jouer ce rôle. Ils pourraient même ne jamais y parvenir. En coulisses, nombre d’experts déplorent la réticence de la première économie mondiale à ouvrir les cordons de la bourse lorsqu’il s’agit de climat. “Les républicains ne sont pas les seuls à blâmer. Même Barack Obama n’a pas tenu ses promesses”, souligne un observateur.
Le double jeu de la Chine
De son côté, la Chine joue aussi un double jeu. Certes, elle finance des technologies vertes ou bas carbone dans de nombreux pays. Mais son but est davantage de prospérer et d’asseoir sa domination économique que de sauver la planète. Toujours selon le World Resources Institute, la Chine a déjà dépensé 45 milliards d’euros en “financement climat” entre 2013 et 2022 au sein des pays en développement. Et ce n’est qu’un début, tant elle occupe une position dominante sur les segments les plus utiles à la transition. Cette coopération Sud-Sud échappe pour l’instant à la comptabilité de l’ONU. Cela arrange sans doute Pékin, qui évite ainsi l’obligation de faire preuve de plus de transparence en ce qui concerne ses investissements.
Comment sortir de cette situation ? L’ampleur des crispations plaide pour un compromis de dernière minute, à l’image de ce qui s’était passé l’an dernier. Et sans doute la création d’une nouvelle catégorie de financement peu contraignante pour tenir compte des flux Sud-Sud. Peut-être les pays les plus vulnérables pourront-ils arracher de meilleures conditions aux Etats qui les financent ? Selon les dernières données disponibles, 69 % des aides demeurent sous forme de prêts assortis de taux d’intérêt, contre 28 % pour des dons et des subventions – un autre sujet de discorde entre le Nord et le Sud. Le résultat final ne sera sans doute pas à la hauteur des enjeux. Les sommes mobilisées ont pour l’instant peu de chance de se rapprocher du seuil de 1 000 milliards de dollars par an. Les scientifiques sont pourtant clairs. Plus l’aide tarde à venir, plus la facture finale sera salée. L’argument, économique et non pas écologique, finira bien par faire mouche.
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