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Donald Trump, le “coup de grâce” pour les bourses européennes ?


La grisaille semble s’être installée à Paris pour un bout temps. Dans le rouge en 2024, l’indice CAC 40 évolue ces jours-ci à plus de 1 000 points – soit environ 12 % – de son sommet historique de mai dernier. Pendant ce temps, les records continuent de pleuvoir à Wall Street. Cherchez l’erreur. Cette “sous-performance”, comme disent les professionnels des marchés, n’est pas nouvelle, l’appétit pour les actions est historiquement bien plus fort de l’autre côté de l’Atlantique. Elle n’est pas non plus le propre de la capitale tricolore. A l’échelle européenne, la décollecte sur les fonds d’actions, Londres y compris, a atteint 50 milliards d’euros sur les douze derniers mois, quand leurs équivalents américains attiraient 62 milliards d’euros, chiffre Morningstar. Et les coups de boutoirs se font plus insistants.

A Paris, la polémique remontée au plus haut niveau de l’Etat autour d’une deuxième cotation de TotalEnergies à Wall Street a laissé des traces. La perspective de voir Vivendi, autre fleuron du CAC 40, dispersé entre Paris, Londres et Amsterdam, ébranle un plus les certitudes. Sans compter les rêves d’Amérique des licornes européennes. Dans ce contexte, le retour de Donald Trump sonne comme un tocsin. La séance du 6 novembre a traduit à elle seule cette fuite d’Est en Ouest : alors que l’Euro Stoxx 50 – l’indice des champions de la zone euro – reculait de 1,4 % le jour de la victoire du candidat républicain, le S & P 500 bondissait de 2,5 %.

Baisse de l’impôt sur les sociétés

Les marchés ne s’y trompent pas : le 47e président des Etats-Unis a bien l’intention de mener une politique probusiness. Sa feuille de route prévoit un allègement de l’impôt sur les sociétés des entreprises produisant sur le sol national, de 21 % aujourd’hui, à 15 %. Or, “l’une des raisons de la surperformance américaine est sa capacité à innover. Une étude a montré que la baisse de la fiscalité mise en œuvre sous le premier mandat de Trump dès 2017 avait permis aux sociétés de taille moyenne d’investir davantage. Cela va conforter l’avance technologique des entreprises américaines, déjà favorisées par la faiblesse du coût de l’énergie”, estime Christopher Dembik, conseiller économique de la société de gestion Pictet AM.

La hausse prévue des tarifs douaniers, point clé du programme économique du futur locataire de la Maison-Blanche, contribuera aussi à creuser l’écart. Donald Trump a promis de taxer à hauteur de 60 % les produits chinois, et à 10 % ceux du reste du monde. La menace est donc double. Les exportateurs européens seront touchés directement, perdant en compétitivité lorsqu’ils produisent sur leur sol et vendent leurs marchandises aux Etats-Unis, mais aussi indirectement car la Chine, où l’activité ralentit déjà, constitue pour certains d’entre eux un débouché important. Dans ces conditions, la perte de vitesse de la place parisienne ne fait pas un pli selon Christopher Dembik. “Il n’y a aucun intérêt aujourd’hui à investir sur la bourse française par rapport à la bourse américaine. Pourquoi se risquer à s’exposer à des entreprises plus dépendantes de la Chine et qui vont faire face à une hausse de la fiscalité ?”.

Epine dans le pied de la France

C’est là l’épine de trop, celle que la France s’enfonce toute seule dans le pied. Si toutes les capitales européennes sont touchées par une désaffection structurelle au profit de Wall Street, le Dax allemand, le FTSE britannique et l’Ibex espagnol affichent pour leur part des performances positives en 2024, contrairement au CAC 40. Et pour cause, les investisseurs n’ont pas attendu la présentation du budget de Michel Barnier et la foire aux amendements parlementaires destinés à augmenter les impôts existants ou à en créer de nouveaux pour larguer les amarres. “Dans nos portefeuilles actions, gérés pour le compte de nos clients, nous avions déjà réduit nos positions sur la France dès la crise politique née de la dissolution. Nous avons renforcé notre biais ‘Etats-Unis’ avec l’élection de Trump”, témoigne Grégoire Kounowski, conseiller en stratégie d’investissement chez Norman K, un spécialiste de la gestion de fortune.

Basé à New York, Mathieu Chabran, cofondateur du gestionnaire d’actifs Tikehau Capital, appuie : “Je passe du temps à rencontrer des investisseurs aux Etats-Unis, en Asie, au Moyen-Orient. Il y a de plus en plus d’interrogations sur l’investissement en Europe, dont la part dans leur allocation s’est réduite comme peau de chagrin. L’élection de Trump est le coup de grâce”. Le patron français redoute que le Vieux Continent ne soit “entré dans un long hiver polaire”. Croissance molle, incertitudes politiques, carcan réglementaire, énergie plus coûteuse… Sur le plan financier, la décote “Europe” est toujours plus confortée. C’est-à-dire qu’à profil, niveau d’activité et résultats similaires, les entreprises européennes valent moins cher en Bourse que leurs homologues d’outre-Atlantique. TotalEnergies peut en témoigner, face aux pétroliers du Texas. Airbus aussi, vis-à-vis de Boeing. Idem pour Novo Nordisk et Eli Lilly. La liste est longue. Ce handicap n’est pas neutre : “les entreprises américaines qui veulent croître, réaliser une acquisition, ont une capacité de financement supérieure”, pointe Roland Kaloyan, responsable de la stratégie actions européennes chez Société Générale CIB. Et peuvent ainsi accentuer leur avance.

“Tout le monde n’est pas fait pour le Nasdaq”

De là, pour les entreprises européennes, à sauter le pas et viser une cotation à Wall Street… Le groupe de Patrick Pouyanné a mis les pieds dans le plat, et “ce mouvement est un avertissement. Le risque serait qu’une entreprise du luxe se lance aussi dans une double cotation, ce serait un très mauvais signal”, juge Alexandre Baradez, analyste marché chez IG. La place new yorkaise fait aussi briller les yeux des start-up en vue de la tech. Comme le souligne Roland Kaloyan, “on y trouve davantage d’investisseurs prêts à prendre des risques, dans des entreprises plus jeunes, plus innovantes”. Gare aux déconvenues néanmoins, tout le monde n’est pas fait pour le Nasdaq, prévient Charles-Henry Gaultier, associé gérant chez Lazard : “Il vaut parfois mieux être un acteur de taille significative dans un marché donné, plutôt qu’un petit acteur sur un plus grand marché”. Le banquier d’affaires ajoute : “Il est très difficile pour une société dont l’essentiel du chiffre d’affaires est en Europe d’aller se coter là-bas et de soulever l’intérêt des investisseurs”.

Est-il encore possible de renverser la vapeur ? “Les entreprises européennes qui préparent leur introduction en Bourse continueront de le faire en Europe, là où elles ont la meilleure visibilité auprès des investisseurs internationaux et la meilleure liquidité, c’est-à-dire sur le marché européen intégré d’Euronext, veut croire le président de la plateforme, Stéphane Boujnah. Néanmoins, cette élection nous rappelle que l’Europe doit se mettre rapidement en ordre de bataille pour créer plus de compétitivité et plus de croissance, en travaillant plus et en innovant davantage. Cela passera nécessairement par une plus grande intégration des marchés de capitaux en Europe.”

En attendant, l’économiste de la banque Lombard Odier, Samy Chaar, compte sur un vent favorable au plan macroéconomique. “Il y a une limite à la sous-performance. L’euro va baisser, la Banque centrale européenne va davantage réduire ses taux que la Fed, on observe un gain de pouvoir d’achat en Europe… Si le fonds NextGen EU (NDLR : le plan de relance européen de 2020) était multiplié par trois, cela profiterait aux actions européennes !”. Encore faudra-t-il convaincre les chantres allemands de la rigueur des bienfaits de s’endetter pour investir. Un autre défi pour l’Europe.




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