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Déchets, eau, végétalisation… Carcassonne, un modèle en matière d’écologie ?

“Il faut mettre le paquet !” Régis Banquet, le président (socialiste) de Carcassonne Agglo, est bien décidé à passer à la vitesse supérieure en matière d’écologie. En témoigne le pacte vert, doté de 100 millions d’euros sur quatre ans, qu’a fait voter l’élu en décembre 2022. Au programme ? Renouvellement de la flotte de bus au profit de modèles plus propres ; installation de panneaux solaires ; mesures de préservation de l’eau ou encore végétalisation des rues. Et ce afin de réduire les consommations énergétiques de moitié et de multiplier par six la production d’énergie renouvelable d’ici à 2050.

Il faut dire qu’il y a urgence : l’agglomération languedocienne et ses 114 000 habitants subissent de plein fouet les effets du dérèglement climatique. Inondations dévastatrices en 2018 et 2020 ; incendies de forêt ; épisodes inédits de sécheresse depuis deux ans sans oublier les vagues de canicule. On a enregistré ici 43,2 °C en août 2023, un record absolu…

“Ces questions ne m’avaient jamais interpellé par le passé, reconnaît ouvertement Gérard Larrat, (divers droite), le maire octogénaire de Carcassonne. Mais on m’a convaincu qu’il fallait passer un cap et surtout ne pas reproduire ce qui se faisait à une certaine époque.” Pour lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, il a par exemple interdit la création de nouvelles zones commerciales et sanctuarisé des corridors verts.

Dans la revue Urbanisme, Jean-Marc Jancovici, le fondateur du cabinet de conseil Carbone 4, cite d’ailleurs la préfecture audoise comme un “bon modèle urbain”, à savoir “une petite ville très compacte, avec une barrière franche et derrière, plus de ville du tout”. Quand on est perché sur les remparts de la célèbre cité médiévale, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, le constat est flagrant. Au sud, l’Aude sert de barrière ; au-delà, la nature s’étend à perte de vue. Au nord : l’aire urbaine. Ce n’est pas un hasard non plus si elle termine à la première place du classement Ecologie établi par l’Express à partir de statistiques officielles.

Place au végétal !

Afin de contrer le phénomène d’îlots de chaleur, la municipalité vient également de lancer un vaste plan de désimperméabilisation de ses cours d’école. Exit le bitume, place au végétal ! Une expérimentation est actuellement menée au sein de deux sites pilotes, avec l’aide d’un chercheur du CNRS. “Nous créons aussi de plus en plus d’aires de stationnement perméables afin d’éviter le ruissellement et d’alimenter les sols en eau”, ajoute Arnaud Albarel, l’adjoint chargé de l’environnement à la mairie.

Cette stratégie se heurte toutefois à des contraintes historiques. Avec ses petites ruelles tirées au cordeau datant du XIIIe siècle, difficile de trouver des emplacements pour planter des arbres au sein de la très minérale Bastide Saint-Louis, le cœur de ville. Pourtant, ici et là, des plantes jaillissent du sol et grimpent sur les façades. Il s’agit de l’opération “Carcasème”. Lancée en 2023 sur les bâtiments communaux, elle a été étendue aux particuliers cette année. Le principe ? La Ville plante des végétaux grimpants devant les immeubles des habitants qui en font la demande, à charge pour ces derniers de les entretenir. Une centaine de dossiers ont été reçus pour cette première édition.

Elle permet d’alimenter environ 380 foyers en électricité.

Une minicentrale hydroélectrique

Les efforts portent également sur le plan énergétique. Pour faire face à une facture d’électricité qui a soudainement explosé de 40 % à la suite de la crise de 2022, la cité occitane a pris la décision d’éteindre l’éclairage public de 23 heures à 6 heures en hiver et de 1 heure à 6 heures en été. Par ailleurs, une enveloppe de 2,8 millions d’euros a été allouée pour équiper les candélabres d’ampoules LED, plus économes. “50 % du parc a été modernisé et il le sera intégralement d’ici à cinq ans”, assure Romain Virot, le directeur général des services techniques de la commune. A la clé, 32 % d’économie d’énergie et 417 000 € de gains financiers par an.

La municipalité s’apprête aussi à mettre en service son premier réseau de chaleur dans le quartier de Grazailles, au nord du canal du Midi. La piscine, le gymnase et les écoles situés à proximité ne seront plus chauffés au gaz mais avec du bois local venu de la montagne Noire ou de l’Ariège. “Ce système est tellement vertueux que nous réfléchissons à un projet plus ambitieux en centre-ville”, confie Romain Virot. Mise en service espérée : avril 2028.

Enfin, l’accent est évidemment mis sur la production d’énergie renouvelable. Après la création d’une minicentrale hydroélectrique en 2019 au Païcherou, sur les bords de l’Aude, la ville a lancé quatre projets de centrales photovoltaïques, représentant plus de 50 hectares en cumulé. De quoi atteindre l’autosuffisance énergétique à l’horizon 2028. “On sent enfin un début de prise de conscience de l’équipe municipale mais il faudrait aller plus vite”, regrette néanmoins Xavier Bigot, membre du groupe d’opposition “Carcassonne citoyenne écologique et sociale”, qui déplore notamment le retard en matière de mobilité douce.

Une première nationale

Carcassonne se distingue toutefois sur un domaine en particulier : la gestion de ses déchets. Mis en service en 2017 et opéré par Suez, le pôle environnement se veut à la pointe en matière d’économie circulaire. Le centre de tri, en grande partie automatisé, affiche un taux de valorisation des matières collectées supérieur à 92 %. Record de France ! Son originalité : afin de mutualiser les équipements et de réaliser des économies d’échelle, il accueille les déchets de l’agglomération de sa voisine et souvent rivale Narbonne, laquelle, en contrepartie, s’occupe de la collecte des encombrants de Carcassonne.

Autre première nationale : le Recydrive. Dans cette déchèterie nouvelle génération, ce sont les agents valoristes qui effectuent le tri des déchets apportés par les usagers, afin de récupérer ce qui peut être recyclé, voire reconditionné. A l’image de cette lampe halogène apportée par un habitant, qui s’apprête à être revendue… dans un magasin de seconde main attenant ! “Il est tellement victime de son succès que l’on s’apprête à l’agrandir”, se réjouit Philippe Marcel, chef de pôle du Covaldem 11, le syndicat mixte qui gère les lieux. Une bonne manière de montrer que, parfois, écologie peut rimer avec économies.

L’eau, ressource cruciale

Gérer le trop et le trop peu. Voilà l’enjeu de l’eau à Carcassonne, victime à la fois d’inondations en hiver, du fait de fortes précipitations, et de sécheresses en été, particulièrement inquiétantes pour son agriculture. “Le changement climatique est si net que l’on est obligé d’agir vite”, alerte l’adjoint à l’environnement Arnaud Albarel.

Fini, donc, les plantes en pot et les jardinières. Place aux essences méditerranéennes, peu gourmandes en eau, et aux oyas, ces pots en terre cuite plus efficaces pour l’irrigation. Des systèmes d’arrosage automatisé, avec des sondes mesurant le taux d’humidité, ont également été mis en place dans les grands jardins de la ville.

La communauté d’agglomération investit de son côté pour limiter les déperditions, avec l’installation de compteurs intelligents pour les particuliers ou de capteurs pour détecter les fuites d’eau. “On constate environ 20 % de gaspillage dans les réseaux en moyenne en France. A Carcassonne, ce taux n’est que de 8 %”, se félicite Régis Banquet, le président de Carcassonne Agglo. Pour l’agroclimatologue Serge Zaka, il faut aussi envisager de nouvelles cultures plus adaptées au climat qui évolue. Comme la pistache, la grenade, le pois chiche ou encore la cacahuète. Loin, très loin du melon, de la truffe ou de la cerise, les spécialités locales traditionnelles.




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