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Energie : face à Donald Trump, l’Europe doit éviter le scénario catastrophe


“Ne vous demandez pas ce que les Etats-Unis peuvent faire pour vous, demandez-vous ce que l’Europe peut faire pour elle-même.” C’est sans doute Giorgia Meloni qui, dans une référence ouverte à Kennedy, a le mieux saisi l’air du temps après l’élection de Donald Trump. L’Europe aborde les quatre années du mandat Trump dans une situation économique préoccupante : production industrielle en chute libre, plombée par le double choc de coûts de l’énergie – électricité et gaz – beaucoup plus élevés que pour ses concurrents, et d’une Chine qui inonde les marchés internationaux de ses surcapacités industrielles. C’est peu dire qu’elle n’est pas préparée au nouveau choc qui s’annonce avec les droits de douane massifs que les Etats-Unis vont imposer aux entreprises européennes pour rééquilibrer les termes d’un échange bilatéral qui leur est structurellement défavorable.

D’ores et déjà, les Européens savent que, s’ils veulent préserver la garantie de sécurité américaine pour ne pas se retrouver seuls face à Moscou, ils vont devoir payer au bas mot 1 % de PIB supplémentaire pour leur défense. C’est le prix minimal à payer pour ne pas couper la ligne de communication avec Washington. Le reste se négociera au niveau des droits de douane.

Que peut mettre l’Europe dans le panier de négociation ? A l’évidence, l’énergie jouera un rôle central. D’abord parce que l’Europe a besoin du gaz naturel liquéfié (GNL) américain – et elle en aura d’autant plus besoin si Trump fait pression pour qu’elle renonce totalement au gaz russe qu’elle importe toujours sous forme de GNL. Il n’est pas impossible que Trump exige que les clients européens financent des forages supplémentaires via des contrats de long terme, ce qu’ils ont jusqu’alors été réticents à accepter. Les Etats-Unis s’assureraient ainsi que, même si un accord est trouvé sur la guerre en Ukraine, les Européens ne reviennent pas au gaz russe – hello Berlin !

Ensuite, Trump pourrait faire pression sur les Européens pour qu’ils cessent de financer l’industrie chinoise du bas carbone en achetant à tour de bras panneaux solaires, véhicules électriques et bientôt ces éoliennes offshore sur lesquelles Pékin est en train de monter en gamme rapidement et massivement. Cela signifie la fin du Green Deal qui n’est de facto rien d’autre qu’un buy Chinese deal. Renoncer aux technologies bas carbone chinoises coûtera cher à court et à moyen terme parce qu’il faudra les développer en Europe, à des coûts beaucoup plus élevés, mais contribuera à asseoir à moyen ou long terme une industrie bas carbone domestique viable.

Eviter un scénario catastrophe

Encore faut-il que les peuples européens ne se soient pas révoltés d’ici là, essorés par ces investissements massifs dans la défense et l’énergie. Pour éviter ce scénario noir, chacun comprend immédiatement qu’il est temps de revoir drastiquement un certain nombre de règles absurdes que nous nous sommes imposées et d’écouter certaines des propositions de Mario Draghi et Enrico Letta, notamment sur le marché des capitaux.

Dans le domaine énergétique, trois leviers d’action rapide existent : reporter le couperet de 2035 sur l’interdiction de vente de véhicules thermiques neufs à 2040 comme initialement proposé par la Commission ; réduire massivement les taxes sur l’électricité – un produit dont on veut augmenter la consommation, on ne le taxe que peu ou pas ! ; relancer beaucoup plus rapidement le nucléaire, en collaboration avec les Etats-Unis contre les Sud-Coréens, les Russes et les Chinois qui dominent pour l’heure le marché mondial de l’atome.

La brutalité de l’Amérique de Trump nous renvoie à une vérité qu’étrangement, par naïveté ou déni d’un réel que nous façonnons de moins en moins, nous avons négligée : la défense de nos intérêts. “L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples.” L’Europe parle toujours de ses valeurs, mais l’article 3 du traité sur l’Union européenne renvoie tout autant à la défense de ses intérêts quand il évoque le “bien-être de ses peuples”. Le principe en est simple : l’Europe d’abord.

Cécile Maisonneuve est fondatrice de Decysive et conseillère auprès du centre Energie et Climat de l’Ifri




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