“Même un sinistre héritage peut devenir un gisement d’avenir.” Pierre Hurmic voit de la lumière à la base sous-marine construite pendant l’occupation allemande. Ce noir vestige de la Seconde Guerre mondiale sera bientôt couvert de 13 200 mètres carrés de panneaux photovoltaïques. Une étape décisive pour atteindre l’objectif fixé par le maire écologiste de Bordeaux : équiper 60 000 mètres carrés de toitures municipales d’ici à 2026, afin de produire une énergie verte couvrant 41 % des besoins de la Ville.
“En 2020, l’autonomie énergétique ne dépassait pas 3 %”, rappelle celui qui multiplie les poses de panneaux à l’occasion de rénovations ou de constructions neuves, sur les écoles, les gymnases ou les piscines. Quelques dizaines de mètres carrés par-ci par-là, jusqu’à cette annonce majeure concernant la base sous-marine, en septembre. Les travaux débuteront en février.
Suivront le dépôt de bus (1 000 mètres carrés), un pan de tribune du parc Lescure (1 200 mètres carrés) et des préaux solaires (1 600 mètres carrés) construits au-dessus des cours de tennis de l’enceinte sportive. “Les villes constituent une formidable ressource de foncier déjà artificialisé pour produire de l’énergie décarbonée et locale”, prône Pierre Hurmic. Selon les services municipaux, la capitale girondine offre 588 600 mètres carrés de surface solarisable – y compris les parkings et les bâtiments privés. C’est pourquoi le maire a lancé au printemps l’Alliance de Bordeaux pour l’énergie solaire associant les collectivités locales, l’Etat et une première salve d’acteurs institutionnels et privés (bailleurs sociaux, fédération du bâtiment, enseignes de supermarchés, universités, CHU, SNCF, La Poste, etc.). “Je veux être une courroie de transmission pour promouvoir cette énergie renouvelable sur l’ensemble du territoire.” Chez les particuliers, le nombre de demandes d’autorisation d’urbanisme dans ce domaine a bondi de 37 en 2020 à 276 en 2023, et le taux d’avis favorables de 62 % à 97,8 %. “Le principe, c’est ‘oui’. Une réponse ‘non’ doit être l‘exception.”
Celui qui est avocat dans le civil s’est même fait le défenseur de la cause solaire au sein du club des villes Unesco afin de marier le photovoltaïque et le patrimoine dans les secteurs sauvegardés. Il en avait fait le thème de son intervention en 2022 à Québec. “Les matériaux évoluent”, rappelle-t-il, après avoir inauguré 160 mètres carrés de “panneaux ardoise” en juin sur la mairie annexe de Caudéran – classée monument historique. “Devant l’urgence climatique, les esprits évoluent”, glisse-t-il. L’architecte des Bâtiments de France avait initialement rejeté la couverture de la base sous-marine – avant de changer d’avis.
“Le temps n’est plus à la construction des pyramides”, affirme celui qui refuse d’être un maire bâtisseur. Mais les pharaons aussi adoraient le soleil et son totem à lui, c’est le projet de couverture du périphérique. Il est le premier politique à avoir porté l’idée de l’urbaniste Jean-Claude Laisné consistant à transformer les rocades en gigantesques centrales énergétiques – et récupérateurs d’eaux de pluie.
Les 45 kilomètres en question – 2 millions de panneaux, plus de 3 milliards d’euros d’investissements – sont du ressort de l’Etat. Le préfet s’est dit favorable à une expérimentation “sur un boulevard” dans un premier temps, Aliénor d’Aquitaine ou le cours Jules Ladoumègue, pour tester les modules en ombrière de 60 mètres de long et 17 de haut – séquencés pour éviter l’effet tunnel et permettre l’accès des secours en hélicoptère. L’anneau solaire couvrirait les besoins en électricité des 420 000 foyers métropolitains. Le maire, qui préfère circuler à vélo, songe déjà à équiper aussi les pistes cyclables.
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