Prescripteur d’endive pour guérir le cancer, promoteur de la naturopathie, de l’homéopathie et de la théorie de la mémoire de l’eau, persuadé que “les signes astrologiques peuvent nous donner de précieuses informations sur notre santé”, fan de la pratique du Reiki dans sa salle d’opération chirurgicale… En interview, sur son site web ou dans son émission, le docteur Mehmet Oz multiplie les déclarations pseudoscientifiques. Il vient, pourtant, d’être nommé par Donald Trump pour piloter le programme public d’assurance maladie et notamment le “Centers for Medicare and Medicaid Services”, la puissante agence chargée des programmes qui prennent en charge la santé de plus de 150 millions d’Américains. “Les Etats-Unis sont plongés dans une crise de la santé publique et il n’y a pas de médecin plus qualifié que le Dr. Oz pour rendre sa santé à l’Amérique”, a déclaré Donald Trump.
La santé américaine va-t-elle droit dans le mur ? Donald Trump accumule en tout cas les décisions inquiétantes, après avoir nommé le vaccino-sceptique Robert F. Kennedy Junior au poste de secrétaire à la Santé et aux services sociaux. Ces deux nominations doivent normalement être approuvées par le Sénat avant d’être officielles. Mais le futur président des Etats-Unis a déjà indiqué vouloir contourner cette règle démocratique. Ces annonces ont donc provoqué des ondes de choc dans la communauté scientifique et sanitaire américaine. Car le Dr. Oz n’est pas moins controversé que “Bobby” Kennedy. Ce brillant chirurgien, fils d’immigrés turcs aujourd’hui âgé de 64 ans, n’est pas seulement une star de la télévision, en plus d’avoir son étoile sur le célèbre “Walk of Fame” à Hollywood. Il est, aussi, l’un des principaux promoteurs des pseudosciences outre-Atlantique.
Docteur “formule magique”
Le succès du Dr. Mehmet Oz, chirurgien cardiaque diplômé de deux universités, a véritablement commencé en 2001, lorsque la super star de la télévision Oprah Winfrey l’a invité comme expert dans son émission The Oprah Winfrey Show, l’un des plus suivis aux Etats-Unis à l’époque. Il y fera 55 apparitions jusqu’en 2009, toujours pour prêcher son message consistant à affirmer aux téléspectateurs qu’ils peuvent “prendre le contrôle de leur santé” avec des astuces simples et des remèdes naturels. Oprah Winfrey lui a même décerné le surnom de “America’s doctor”, le “Docteur des Etats-Unis”, dont il a déposé la marque. Il a ensuite créé son magazine, The Good Life, et surtout sa propre émission le “Dr. Oz Show” qui a réuni jusqu’à quatre millions de spectateurs quotidiens entre 2009 à 2022. “Le Dr. Oz est sans doute le professionnel de la santé le plus influent d’Amérique”, pouvait-on déjà lire en 2015, dans un portrait publié par le média Vox.
Dans son émission, le Dr. Oz présentait des problèmes médicaux et y apportait des solutions, parfois en répondant à des questions de son public. Il a reçu de nombreuses célébrités, dont Michelle Obama, la femme de l’ex-président Barack Obama. Mais il s’est aussi attiré de très nombreuses critiques de ses pairs pour la promotion de faux traitements ou d’affirmations ne reposant pas sur des preuves scientifiques. Dès 2014, une douzaine de chercheurs canadiens et américains ont ainsi passé en revue 479 recommandations prodiguées dans 40 épisodes de son émission. Leurs résultats, publiés dans la revue scientifique BMJ, indiquent que 46 % des conseils du Dr. Oz ou de ses invités n’étaient pas soutenus par des données probantes, 15 % d’entre eux se trouvaient directement contredits par des études scientifiques et que seules 33 % des recommandations étaient étayées. Si les chercheurs appelaient les téléspectateurs à la plus grande prudence en regardant son émission, cela n’a pas empêché le Dr. Oz de continuer à promouvoir pseudosciences et solutions “magiques”.
Parmi elles, on peut noter le vinaigre de pomme, dont il affirme que l’ajout d’une cuillère à café à chaque repas était plus efficace que tout autre régime. L’information ayant été démentie, il a ensuite proclamé que le vinaigre de pomme était une “boisson détox” puis un soin pour la peau. Là encore sans apporter de preuves. De nombreux experts américains lui ont également reproché de faire la promotion de produits minceur douteux, comme l’extrait de grains de café vert, alors que la société qui commercialise ce produit a été poursuivie en justice par la Federal Trade Commission, une agence gouvernementale indépendante. Il a également été épinglé par le Sénat pour avoir fait la promotion de ces produits minceurs, et notamment d’avoir affirmé détenir “la solution miracle dans une bouteille pour brûler vos graisses : les cétones de framboise”. L’une de ses émissions les plus controversées, “from gay to straight therapy”, fait même la promotion d’une thérapie censée permettre aux personnes homosexuelles de “redevenir” hétérosexuelles.
Promotion d’un traitement “anti-homosexuel” et de l’hydroxychloroquine
Une autre étude publiée en 2014 s’était penchée sur l’impact négatif du Dr. Oz sur le grand public. “Les signaux sont clairs : après la diffusion de l’émission “The Dr. Oz Show” faisant la promotion des pots neti [une technique de lavage du nez avec de l’eau salée potentiellement dangereuse, NDLR], les ventes de ces pots ont augmenté de 12 000 % et les recherches sur Internet sur le sujet ont augmenté de 42 000 %, indiquent les auteurs de l’étude, trois professeurs du département “pharmacie et nutrition” de l’Université de Saskatchewan (Canada). De plus, une simple analyse des recherches sur Google montre une explosion des termes “cétones de framboise” et “extrait de grains de café vert” après les épisodes qui abordaient ces produits”. Inquiets de la popularité du Dr. Oz, les chercheurs dénoncent non seulement les conflits d’intérêts du chirurgien, mais aussi ses conseils potentiellement délétères, notamment lorsqu’il a affirmé, dans une de ses émissions, que “tout ce que les médecins savent sur le cholestérol est faux”. Le Dr. Oz y critiquait alors l’usage de statines pour traiter l’hypercholestérolémie, un traitement pourtant efficace.
Plus récemment, lors de la pandémie de Covid-19, le Dr. Oz s’est illustré en faisant la promotion de l’hydroxychloroquine, le traitement anti-Covid-19 promu par le professeur Didier Raoult. A l’époque, le traitement n’avait pas fait preuve de son intérêt et son inefficacité, et même sa potentielle dangerosité, a depuis été démontrée par de nombreuses études.
Le docteur Mehmet Oz a finalement arrêté son émission en 2022, lorsqu’il s’est présenté en tant que candidat républicain pour la campagne sénatoriale de l’Etat de Pennsylvanie. Il a perdu, mais il s’est fait remarquer pour ses propositions chocs. Il avait notamment critiqué Medicare, le système d’assurance maladie géré par le gouvernement fédéral des Etats-Unis au bénéfice des personnes de plus de 65 ans et des invalides. Il avait proposé une nouvelle loi qui aurait forcé des millions de personnes âgées à abandonner le système Medicare traditionnel et à souscrire à des régimes d’assurance maladie privés, dont il a fait la promotion dans son émission et dans lesquels il détient des centaines de milliers de dollars de parts. Selon la description d’Oz lui-même, son plan visait à éliminer la couverture Medicare et à privatiser entièrement le programme. S’il obtient le poste promis par Donald Trump, il aura les mains libres pour le mettre en œuvre. Mais aussi pour continuer de faire la promotion de potions miracles et autres remèdes n’ayant jamais fait la preuve de leur efficacité.
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