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Michel Barnier défié jusque dans son gouvernement : l’épisode qui en dit long sur cette fragile coalition


La dissolution de l’Assemblée nationale a transformé la Ve République. En caverne d’Ali Baba ou musée des horreurs ? En tout cas, on y trouve de tout. Un président de groupe parlementaire, Laurent Wauquiez, s’invite au 20 heures de TF1 pour annoncer une revalorisation partielle des retraites. Le ministre de l’Economie Antoine Armand s’oppose dans un entretien au Parisien à Michel Barnier sur les suppressions d’allègements de cotisations patronales dans le budget de la sécurité sociale, censées dégager quatre milliards d’euros d’économies. Le tout sans avertir Matignon de son initiative : le cabinet du Premier ministre n’a été informé ni de la prise de parole, ni de son contenu, contrairement à ses instructions données lors de la constitution du gouvernement.

Le calendrier fait bien les choses. Le Premier ministre rencontre ce jeudi soir l’élu de Haute-Savoie lors d’une réunion budgétaire. Il compte lui dire tout le bien qu’il pense de sa démarche. Du fond comme de la forme…

La coalition bouleverse les pratiques. Un ministre, ça ouvre sa “gueule” et ne démissionne même plus. Elle trouble les identités, aussi. “Je suis ministre de Michel Barnier et surtout j’appartiens à la famille Ensemble pour la République”, assume Antoine Armand. Un conflit de loyauté habite ce participant régulier aux réunions hebdomadaires du groupe EPR. Il l’a tranché. “Il sent que tout cela sent le pâté, il préfère coller à ses copains”, sourit un pilier du socle commun. Ainsi, le ministre se pose en porte-parole de son camp. Après avoir avalé tant de couleuvres, les députés macronistes érigent la hausse des cotisations patronales en ligne rouge. Elle serait une insulte à leur ADN, autant qu’une menace sur l’emploi. Les inquiétudes sur la conjoncture économique renforcent leur intransigeance.

“Cela ressemble à du service commandé”

“Position courageuse, “rappels salutaires”… Sitôt l’entretien publié, les compliments affluent sur la boucle Telegram des députés EPR. Le patron du groupe Gabriel Attal appelle ses troupes à “relayer son interview” sur leurs “réseaux”. “Cela ressemble à du service commandé”, sourit un conseiller ministériel. Le bras de fer se poursuit. Le gouvernement a proposé de diviser par deux la réduction des allègements de charges en la ramenant à deux milliards. Gabriel Attal refuse cette ristourne. Il souhaite l’abandon de la mesure en contrepartie d’autres économies.

La menace s’invite dans la négociation. Après son examen au Sénat, le budget de la sécurité sociale sera débattu la semaine prochaine lors d’une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs. Cette instance sera chargée de trouver un compromis sur le texte promis au 49.3 lors de son ultime passage à l’Assemblée. Gabriel Attal envisage de rendre cette CMP “non conclusive” si aucun accord n’était trouvé d’ici là sur les charges. La voix de la représentante du groupe, Stéphanie Rist, y sera en effet décisive. Il compte soumettre cette stratégie au vote des députés EPR mardi 26 novembre. “Nous sommes dans notre rôle, défend le député de Moselle Ludovic Mendes. Il est hors de question de créer une explosion du chômage dans le pays.” Michel Barnier est un homme raide. Autour du Savoyard, on juge la tactique peu adaptée à la personnalité du Premier ministre. Du genre à le braquer un peu plus. Avant même l’épisode, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin avait averti un député : si on veut amadouer le Premier ministre, il ne faut surtout pas le griffer. Tout recul de sa part deviendrait alors un aveu de faiblesse.

“Le 49.3 protégera ce compromis de la CMP”

Menace sincère ? Coup de pression d’usage ? Matignon n’exclut pas un échec de la CMP, et promet déjà d’en faire porter la responsabilité à l’ex-majorité présidentielle. Il serait en revanche préjudiciable au gouvernement, qui tente de donner une teinte démocratique à l’inévitable passage en force. “Le 49.3 protégera ce compromis de la CMP”, assurait une ministre en début de semaine. A défaut de compromis, l’article serait déshabillé de cette vertu.

L’épisode dit tout de la fragile coalition gouvernementale, mélange de verticalité et faiblesse. Cet attelage, bâti dans l’urgence, ne repose sur aucun projet négocié par les forces politiques. Les ministres sont tenus d’appliquer une feuille de route fixée par Michel Barnier, comme aux grandes heures de la majorité absolue. Mais ils ont en parallèle une liberté d’expression inédite, fruit de la situation politique. Ne portent-ils pas la voix de groupes parlementaires indispensables à la réussite de l’aventure ? Ainsi, Michel Barnier n’exerce pas d’autorité nette sur ses troupes. L’ancien président Nicolas Sarkozy juge en privé que le négociateur du Brexit devrait parfois sévir, quitte à faire tomber une tête. Il n’est pas dit qu’il puisse se payer ce luxe.




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