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Au Mac Val de Vitry-sur-Seine, les artistes à l’épreuve du fait divers

“Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse” : son sous-titre nous prévient d’emblée, l’exposition présentée au Mac Val de Vitry-sur-Seine ne résout rien. Ça tombe bien puisqu’il est ici question de faits divers. Meurtres, sang, disparitions, suicides, enquêtes… Autant d’ingrédients convoqués par les artistes pour appréhender ces événements qui bousculent le quotidien, ce “grain de sable qui grippe la morne routine des choses”, selon les termes de Nicolas Surlapierre et Vincent Lavoie, les hommes orchestre d’un parcours riche de plus d’une centaine d’œuvres pluridisciplinaires. En dépit de l’appétit grandissant du public pour le genre, aucune exposition en France n’avait été jusqu’alors consacrée à son analyse artistique. On se souvient de Crime et châtiment au musée d’Orsay en 2010, mais la démonstration, brillante, restait circonscrite à la sphère criminelle.

Au Mac Val, en guise de préambule, une enfilade de monotypes signés Didier Paquignon pour son ouvrage Le Coup du lapin, qui illustrent des brèves extravagantes glanées dans la presse sur le thème du bestiaire – comme en écho à l’ancestrale rubrique des “chiens écrasés” –, vient nous rappeler que le fait divers est d’abord ce “frère bâtard de l’information” disséqué en son temps par Roland Barthes. Dans la lignée du Dictionnaire amoureux des faits divers commis par Didier Decoin (Plon, 2022), les commissaires proposent un abécédaire, de A (Assassinat) à Z (Zoom), en passant par H (Hémoglobine), I (Indice), R (Reconstitution) ou encore U (Usurpation), pour souligner la diversité des formes et des pratiques constituant le corpus artistique contemporain de la thématique qui puise dans la peinture, la photographie, la vidéo, l’installation.

Didier Paquignon, “L’Orvillecopter”, 2018.

A Vitry, les 26 lettres sont déroulées, en autant d’approches et sans respect de l’ordre alphabétique, dans les fameuses équations à une, deux, trois, quatre et cinq inconnues, chacune porteuse d’un univers ou d’un archétype “fait-diversier” : Au nom de la loi, Scénario catastrophe, Faire violence, Ouvrir l’œil, L’Ombre d’un doute. Tout cela vous paraît bien mathématique ? Ça l’est mais uniquement côté concept. Sur les cimaises, c’est une autre histoire qui se joue, celle de l’éternel fantasme que trimballent les faits divers, notamment quand ils sont de nature criminelle, sur lesquels plane parfois l’ombre de l’erreur judiciaire, le mystère de l’énigme irrésolue, propre à réveiller l’enquêteur qui dort en chacun de nous, ou, à jamais insoluble, l’effacement volontaire.

Parmi d’autres artistes convoquant l’acte suicidaire, comme Philippe Ramette ou Alain Séchas, Sylvain Fraysse reprend, dans une série de gravures, les images du rapport de police relatant la perquisition de l’appartement californien de Kurt Cobain après son suicide le 5 avril 1994 à Seattle, qu’il intitule Rust Never Sleeps (“la rouille ne dort jamais”) en référence à l’album du même nom.

A partir de captures d’écran accumulées, Julien Audebert, lui, a compressé en une seule photographie la première partie du film M le Maudit de Fritz Lang, réunissant sur le même instantané tous les témoins du meurtre de la fillette à leur place respective, chaque protagoniste devenant de la sorte un suspect potentiel. Quant à Sophie Calle, la reine de la filature artistique qui travaille autour de l’absence, de la disparition et des traces, elle est bien sûr de la réunion, ici avec une œuvre-texte de 2023, On a trop déconné : “Hier, un homme, sa femme et leurs deux enfants ont été découverts pendus dans leur maison. Ils n’ont laissé derrière eux que cette formule énigmatique ‘On a trop déconné. Pardon.'”.




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