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Allemagne : “La France pose un gros problème en raison de sa situation financière”


Il se lance dans la bataille. Le chancelier allemand Olaf Scholz a été investi chef de file de son parti de centre gauche aux élections de février, lundi 25 novembre, dans une campagne électorale qui s’annonce périlleuse étant donné son impopularité.

“Nous voulons arriver en tête, être le premier parti” à l’issue du scrutin législatif du 23 février, a déclaré lors d’une conférence de presse l’imperturbable dirigeant de 66 ans. Les délégués devront encore valider la candidature lors d’un congrès le 11 janvier. Face à lui, Friedrich Merz (CDU) est le grand favori. Pour le spécialiste de l’Allemagne Eric-André Martin, la prochaine configuration politique pourrait être davantage favorable à la France. Jusqu’à un certain point…

L’Express : En septembre 2005, le social-démocrate Gerhard Schröder avait provoqué des élections anticipées après plusieurs revers électoraux. Son calcul, perdant, avait entraîné l’arrivée au pouvoir d’Angela Merkel (conservateurs). Ce scénario est bien parti pour se reproduire…

Eric-André Martin : Tout dépendra de la capacité d’Olaf Scholz à orienter sa campagne sur des thèmes qui le détachent du bilan de la coalition sortante, très largement décriée dans l’opinion allemande. Il faut créer une dynamique sur des sujets clivants. Olaf Scholz pourrait faire campagne sur le thème de la paix, en disant qu’il faut sortir du conflit en Ukraine et prendre des initiatives en ce sens. Il pourrait aussi annoncer des mesures de soutien aux catégories sociales les plus touchées par la récession et renouer avec l’électorat traditionnel du SPD.

Il est vrai que si l’on prend les sondages aujourd’hui, la tâche s’annonce difficile. La CDU est créditée de 32 %. Le SPD, de 16 à 17 %. Les Verts de 11 à 12 %. Et l’AfD (extrême droite) autour de 18 %. La CDU devrait essayer de former une coalition avec le SPD, ou tenter de s’allier avec les Verts – mais ce second scénario ne leur assurerait pas forcément la majorité.

Y aura-t-il un troisième partenaire de coalition ?

Le bilan de la coalition feu tricolore ne plaide pas en faveur de coalitions élargies, car les différences politiques finissent par entraver l’action du gouvernement.

Les conservateurs sont favoris pour remporter les élections du 23 février 2025. Mais une alliance potentielle avec les socio-démocrates ne risque-t-elle pas de neutraliser toute action ? Et quels seront les points de blocage ?

Si l’option d’une grande coalition s’imposait au lendemain des élections, ce serait normalement au leader du parti arrivé en tête, vraisemblablement Friedrich Merz, qu’incomberait la responsabilité de former une coalition. Dans la situation actuelle, la grande coalition peut être une chance pour l’Allemagne si la CDU et le SPD s’entendaient sur un agenda de modernisation du pays.

Les sujets ne manquent pas : est-ce que l’on déciderait, enfin, de réaliser des investissements – et donc de réformer la règle du frein de la dette ? Si oui, ces investissements se feraient-ils dans un cadre national ou, au contraire, européen ? Doit-on donner la priorité à la restauration de la compétitivité du site de production allemand, à la lutte contre le réchauffement climatique ou à la modernisation de la Bundeswehr ? Ensuite, une autre question va se poser, et elle est d’autant plus urgente avec le retour prochain de Donald Trump au pouvoir : quelle attitude l’Allemagne doit-elle adopter vis-à-vis de la Chine ? Donald Trump va mettre en place son programme en relevant les droits de douane et en appliquant une forme d’endiguement technologique à l’égard de la Chine. Les Allemands ne pourront pas à la fois jouer sur le marché américain, en maintenant un excédent commercial élevé, et continuer à investir sur le marché chinois.

Vient enfin la question – clivante – de la guerre en Ukraine. L’ex-ténor de la gauche radicale Sahra Wagenknecht complique les négociations de coalition dans trois nouveaux Länder (Saxe, Thuringe et Brandebourg) où elle est devenue incontournable après les élections de septembre dernier, en jouant précisément sur ce sujet. Elle n’a aucun intérêt à céder, surtout à l’approche des élections fédérales. Quel prix politique Friedrich Merz est-il prêt à payer pour le déploiement d’armes américaines, à savoir les missiles qui doivent être déployés d’ici deux ans ? Quel sera le niveau de la participation allemande à une stabilisation et reconstruction de l’Ukraine ?

Une grande coalition pourrait donc faciliter des avancées sur ces questions centrales et mettre en chantier de véritables réformes parce qu’ils en auront le pouvoir et le temps. A l’inverse, si les deux grands partis n’évoluent pas ou se bloquent mutuellement, ils vont entretenir la frustration dans leur électorat, ce qui accélérerait la recomposition du paysage politique. Rappelons qu’un quart des suffrages exprimés lors des élections européennes se sont portés sur l’AfD et Sahra Wagenknecht, qui est créditée de 6 à 8 % au niveau fédéral.

Revenons en arrière. Comment est-on arrivé à cette situation ?

D’une part, la coalition tricolore (qui est en train de quitter le pouvoir) était déjà une sorte d’exercice imposé pour trouver une alternance à la CDU d’Angela Merkel, en 2021. Soit les trois partis (SPD-Verts- Libéraux) s’alliaient pour former une majorité, soit la CDU restait aux affaires dans une nouvelle coalition. Cet “attelage” imposait toutefois aux trois partis d’harmoniser leurs différences, étant entendu qu’ils avaient des priorités différentes : les Verts voulaient réaliser rapidement la décarbonation de l’économie et l’arrêt des centrales nucléaires ; le SPD voulait remettre un peu de social – en augmentant notamment le salaire horaire minimum ; les libéraux voulaient moins d’Etat et une grande orthodoxie financière. Ce schéma pouvait fonctionner dans une période normale. Mais quelques semaines après avoir conclu le contrat de coalition, la guerre en Ukraine a débuté. Au fil du temps, elle a accentué les différences entre les agendas, car les priorités ont changé.

La perte du gaz russe bon marché a entraîné une augmentation très importante du coût de l’électricité, multiplié par trois au pire moment. Il y a eu deux dynamiques, sur laquelle la coalition n’a jamais pu vraiment retrouver la main. Déjà, parce que les entreprises, surtout celles qui ont besoin de beaucoup d’énergie – la chimie, la métallurgie, le verre, la sidérurgie – ont haussé le ton : “Si vous ne remettez pas rapidement des tarifs énergétiques acceptables, nous allons délocaliser.” Ensuite, parce qu’il y a eu un mouvement de mécontentement dans la population qui a atteint son paroxysme avec le projet de loi sur le chauffage domestique en 2023. De fait, il y a eu un vrai problème de crédibilité dans l’opinion autour de la capacité du gouvernement à prendre en compte les réalités. Les problèmes liés à l’immigration (attaques au couteau, sentiment d’insécurité, etc.), dans un contexte de saturation des capacités d’accueil, s’y sont ajoutés et ont servi de catalyseur au mécontentement latent.

Ensuite, il y a la question des responsabilités : Olaf Scholz a hérité d’une situation dont il n’est pas forcément responsable. Ce qui lui est reproché, ce sont ses hésitations et son manque de leadership face aux tiraillements incessants entre les partenaires de la coalition. Mais la situation qu’il a trouvée en 2021 était aussi le résultat des années Merkel et des choix portés par la CDU : le choix du gaz russe comme énergie de transition ; le choix de la rigueur financière à tout prix, y compris en sacrifiant le niveau opérationnel de la Bundeswehr ou encore les réseaux d’infrastructures publiques. Merz a une excuse, car il avait quitté la politique pour travailler dans le privé, en raison de ses désaccords avec Angela Merkel.

Friedrich Merz, chancelier, serait-ce une bonne nouvelle pour la France ?

Friedrich Merz est un Rhénan, il est plutôt dans un courant francophile et c’est un Européen. C’est déjà une bonne chose. En revanche, la France pose un gros problème aux Allemands en raison de sa situation financière. Cela fait déjà un moment que l’on entend ici et là des déclarations inquiètes sur le relâchement de la politique budgétaire française. Et aujourd’hui, c’est patent. Certes, les Allemands ont intérêt à avoir une France qui soit un partenaire et un pôle de stabilité en Europe. Friedrich Merz ne pourra pas l’ignorer, surtout dans ses choix sur l’investissement. Il aura un discours assez convenu, mais je pense que ça pourrait devenir un sérieux problème pour l’Allemagne et l’ensemble de la zone euro si les taux venaient à augmenter, que ce soit en raison de la politique de Donald Trump ou d’une escalade de la situation au Moyen-Orient. La situation pourrait alors devenir intenable.

Pour les Allemands, la priorité sera de remettre à flot leur industrie, le cœur du modèle allemand, tout en gardant le contrôle de leurs finances publiques. Aujourd’hui, il y a de sérieux risques de désindustrialisation qui vont s’amplifier parce que beaucoup d’industriels allemands vont vouloir investir aux Etats-Unis, et y seront d’ailleurs invités par l’administration Trump. La concurrence chinoise s’est durcie, comme en témoignent les importations massives de véhicules électriques de fabrication chinoise, et les mesures de rétorsion annoncées contre l’Europe. Face à ces tensions commerciales croissantes, il est essentiel de maintenir une forme d’unité européenne, et donc une entente franco-allemande.




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