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Managers : comment un simple e-mail peut ruiner votre carrière


Le carcan des messageries professionnelles a encore de beaux jours devant lui. En effet, la vie d’un manager français, c’est en moyenne : 205 mails reçus chaque semaine, 64 envoyés (74 % vers l’interne) et une interaction avec au moins 52 personnes différentes. En outre, une réponse sur deux est envoyée dans l’heure suivant la réception du mail, 18 % dans les cinq minutes. Les chiffres explosent à l’étage du dirigeant : 342 mails reçus, 100 envoyés, 81 contacts et si 56 % des réponses sont faites en moins d’une heure, une sur cinq l’est en moins de cinq minutes. Enfin, un manager sur quatre se reconnecte entre 50 et 150 soirs par an (Infobésité et Collaboration Numérique-ICN, octobre 2024). Cette exposition à l’hyperconnexion entraîne un risque d’erreur : 46 % des salariés ont déjà envoyé un mail professionnel à la mauvaise personne avec des conséquences très embarrassantes pour les émetteurs dans 16 % des cas, selon une enquête Flashs pour Hostinger publiée en novembre 2024.

Cette hyperconnexion cache aussi une réalité plus inquiétante, pour les femmes surtout : 20 % des salariées et 40 % des dirigeantes ont déjà reçu des mails professionnels dont le contenu relevait de l’intimité ou de la séduction (Flashs/Hostinger). Cela touche notamment les 18-24 ans (45 %) et les 25-34 ans (41 %). Elles sont 39 % à dire que ces courriels contenaient des demandes d’informations personnelles ou intimes et 38 % des propositions de rendez-vous en dehors du cadre du travail (une femme sur deux âgée de 18 à 24 ans).

“L’intrusion de contenus inappropriés dans la messagerie professionnelle reflète des inégalités de genre persistantes dans l’espace de travail numérique, où des violences (parfois subtiles) continuent d’imprégner les interactions professionnelles”, analyse Léa Paolacci, chargée d’études Flashs. Une femme sur cinq affirme avoir reçu des mails professionnels à caractère explicitement sexuel et 13 % des sondées déclarent avoir subi des critiques sur leur physique ou leur caractère. Salaces, potaches, grivois, de drague lourde ou carrément pornographiques, ces contenus n’ont rien à faire dans les mails professionnels. “Même dans une sphère privée, il ne faut plus aller dans cette direction car ils peuvent alimenter un dossier”, alerte Françoise de Saint-Sernin, avocate en droit du travail. Attention également aux 124 messages envoyés chaque semaine en moyenne par salarié, et même 144 par manager (ICN), via Slack ou Teams : rien de plus simple qu’une copie d’écran qu’on fait remonter à la DRH.

Gare à l’envoi répété de mails trop “secs”

Pourtant, il serait faux de croire que l’on ne peut rien dire par mail. “D’une manière générale, la Cour de cassation est actuellement extrêmement favorable à la liberté d’expression. En effet, un salarié comme un manager qui est au Comité de direction peuvent donner leur avis car la liberté d’expression, à condition de ne pas commettre d’abus, est un droit fondamental : on ne peut donc pas être sanctionné ou licencié pour en avoir usé”, précise maître de Saint-Sernin. “Si la juridiction prud’homale juge que le licenciement est lié à cette liberté d’expression, cela emporte la nullité du licenciement, et c’est “contaminant”, c’est-à-dire que l’on ne peut pas opposer un autre grief au salarié.

Derrière, il y a la question de la réintégration et du paiement du salaire de la personne, qui conserve ses éventuels revenus de substitution : l’employeur peut être condamné à des années de salaire”, souligne l’avocate. Toutefois, “il y a également beaucoup de managers qui sont actuellement licenciés pour harcèlement moral”, constate-t-elle. “Parmi les preuves que peut apporter l’employeur, figure l’envoi de mails qui seraient trop ‘secs’, avec des reproches ‘ciblés’. Les managers ne peuvent plus se permettre d’être spontanés ou directs”, insiste-t-elle. Or, selon l’enquête Flashs pour Hostinger (Ibid), 38 % des femmes sondées déclarent avoir vu leurs compétences remises en cause par mail en raison du genre. “La justice peut être très sévère vis-à-vis de harceleurs ou considérés comme tels”.

Généralement, l’anonymat complet est requis pour les victimes qui témoignent : que le harcèlement soit vrai ou faux, impossible donc de se défendre pour le salarié harceleur présumé. “Je recommande aux managers d’être extrêmement prudents, de vérifier chaque mot, pour que ces mails ne puissent pas alimenter un dossier de harcèlement moral”, conclut Françoise de Saint-Sernin.




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