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La scission de Vivendi, l’opération qui risque de secouer la Bourse de Paris


A moins d’un coup de théâtre aux Folies Bergère, la dislocation aura bien lieu. C’est dans cette salle mythique du IXe arrondissement de Paris, propriété de Lagardère, que se jouera le destin du groupe Vivendi, lundi 9 décembre, à l’occasion d’une Assemblée générale extraordinaire. A l’ordre du jour, rien de moins que la scission en quatre entités du conglomérat dont le groupe Bolloré est le premier actionnaire. Ambition clamée par la direction : réduire la décote – c’est-à-dire doper le cours de Bourse pour qu’il soit plus en phase avec la valeur réelle des actifs, à savoir Canal +, Havas et Louis Hachette – qui abrite Lagardère et Prisma. Riche idée à première vue.

Sauf que pour la place de Paris, cet éclatement est un coup dur. Car le groupe a fait le choix d’exporter deux de ses sociétés à l’international. Canal +, le gros morceau, sera coté à la bourse de Londres. Le publicitaire Havas, quant à lui, s’envolera pour Amsterdam. Louis Hachette demeurera à Paris, mais sur un segment moins contraignant, Euronext Growth. Ne resteront plus, sur le marché réglementé d’Euronext Paris, que les morceaux résiduels de Vivendi : un portefeuille d’actions estimé entre 6 et 7 milliards d’euros (UMG, Telecom Italia, Banijay…) et l’éditeur de jeux vidéo Gameloft. Adieu le CAC 40. Il est fort probable que le comité scientifique – les sages, indépendants, qui décident de la composition des grands indices d’Euronext – boute Vivendi à l’occasion de sa prochaine revue trimestrielle, le 12 décembre.

Le groupe fait son “shopping” dans les réglementations boursières

Pourtant complexe, cette opération de scission a été rondement menée. La première communication autour du projet date de décembre 2023 – elle avait d’ailleurs été bien accueillie par le marché. “Je pense qu’ils ont accéléré les travaux après la dissolution. Le calendrier annoncé évoquait au départ un horizon de 12 à 18 mois. Un an aura finalement suffi”, note Andrzej Kawalec, directeur général de la société de gestion Moneta AM. L’incertitude politique et fiscale dans l’Hexagone aura précipité les choses. Le 16 décembre, sauf surprise donc, le projet sera mis à exécution. Et restera en travers de la gorge de certains actionnaires, peu convaincus par l’argumentaire de l’entreprise. Un gérant d’actifs résume ainsi la manœuvre : “Cette opération, sous couvert de créer de la valeur pour les actionnaires minoritaires de Vivendi, profite en fait au groupe Bolloré et à ses actionnaires. Les places de cotation choisies vont provoquer des ventes massives de titres. Le groupe Bolloré pourra en profiter pour renforcer sa participation à moindre coût et en prendre le contrôle, sans OPA.”

De son côté, Vivendi fait valoir que le choix de Londres pour Canal + est pertinent, car “ses concurrents sont anglo-saxons”. Et ajoute que le groupe de médias est en train de racheter le sud-africain MultiChoice, un opérateur de télé payante. “Canal + envisage une cotation à Johannesburg et les process sont similaires à ceux de Londres”, plaide un porte-parole. Au sujet d’Havas, les intentions sont bien différentes. Vivendi entend ici vouloir “protéger” la société présidée par Yannick Bolloré d’une OPA hostile, qui ferait fuir clients et “talents”. Or, la place financière d’Amsterdam prévoit un statut de fondation permettant de servir cet objectif défensif. “Vivendi procède à un véritable shopping en matière de réglementations boursières”, résume un bon connaisseur du groupe. La loi Holroyd votée il y a quelques mois, censée raviver l’attractivité financière de la France, n’aura donc pas suffi à retenir ce locataire de longue date du CAC 40.

Des frondeurs impuissants

“C’est un lourd précédent pour la place de Paris que de laisser une société contourner la réglementation et aller se coter ailleurs, au moment où ça l’arrange”, pointe Catherine Berjal. La cofondatrice de Ciam, meneuse de la rébellion des minoritaires, aura porté le combat aussi loin que possible. Le fonds activiste a saisi l’AMF, fait appel de la décision qui lui était défavorable, et déposé une demande au fond, auprès du tribunal de commerce, arguant d’une fraude à la loi et d’un abus de droit. Un ajournement de l’AG a même été demandé, en vain, Ciam écopant au passage d’une amende de 100 000 euros. Sa conviction ? Le groupe Bolloré contrôle de fait Vivendi, bien qu’il se soit arrêté à une détention de 29,9 %. Autrement dit, à un cheveu du seuil des 30 % qui l’aurait obligé à lancer une OPA sur l’ensemble du capital. Le discours de Ciam a trouvé de l’écho auprès d’une autre société de gestion, Phitrust. Il est aussi appuyé par une agence de conseils de vote, le français Proxinvest. En revanche, à la surprise de certains frondeurs, ses équivalents américains ISS et Glass Lewis, très suivis par les investisseurs, ont recommandé d’approuver l’opération. Avec pour argument une sorte de “mieux vaut tenir que courir” : “En l’absence d’une alternative supérieure, […] pour les actionnaires minoritaires, un vote POUR le plan de scission proposé, avec toutes ses lacunes en matière de gouvernance, semble offrir une meilleure option […] que le statu quo”, écrit ainsi ISS.

En Bourse, le titre Vivendi fait grise mine. Et pour cause : les fonds indiciels – qui répliquent le CAC 40 – et les fonds européens – qui n’investissent pas dans des valeurs britanniques – ont commencé à se délester. Le cours s’est effondré de près de 14 % en trois mois, quand l’indice phare de la place parisienne n’a concédé que 1 % sur la même période. Une baisse qui réjouit son principal actionnaire. Dans cette affaire qui n’en manque pas, ce n’est pas le moindre des paradoxes.




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