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Corée du Sud : après la destitution du président, quel avenir politique pour le pays ?


Le Parlement de Corée du Sud a destitué samedi 14 décembre le président Yoon Suk-yeol, qui a payé sa tentative ratée d’imposer la loi martiale 11 jours plus tôt. Coup d’oeil sur ce qui attend maintenant cette jeune démocratie, en plein chaos politique.

Qui dirige le pays ?

Le Premier ministre Han Duck-soo a hérité de la présidence par intérim et pourra gouverner pendant huit mois au maximum, la Cour constitutionnelle ayant 180 jours pour se prononcer sur la validité de la destitution du président, une nouvelle élection devant, en cas de confirmation, être organisée dans les deux mois suivants. À l’occasion de sa première déclaration en tant que dirigeant temporaire, Han Duck-soo, 75 ans, a promis de faire tout son possible pour “assurer une gouvernance stable”.

Combien de temps peut prendre la validation de la destitution ?

La motion de destitution contre Yoon Suk-yeol a été adoptée par le Parlement à 204 voix pour et 85 contre. La Cour constitutionnelle a désormais six mois pour la valider ou non. La dernière fois qu’une telle destitution avait été votée, la Cour avait remis son jugement 92 jours après le vote des députés, entérinant en 2017 la destitution de l’ex-présidente Park Geun-hye, tombée pour corruption. Si la Cour fait de même pour Yoon Suk-yeol, une élection présidentielle devra être tenue dans les 60 jours. Le vainqueur entrerait dans ses fonctions le jour suivant, sans l’habituelle période de transition.

Ce dimanche, le chef de l’opposition a appelé la Cour constitutionnelle à sceller rapidement le sort du président déchu, afin de “limiter le trouble national et d’alléger les souffrances de la population”. Le président de la Cour constitutionnelle, Moon Hyung-bae, a promis dès samedi soir “une procédure rapide et juste”. Il a convoqué les autres juges pour une première réunion sur cette affaire lundi matin.

La Cour compte normalement neuf juges mais trois ont pris leur retraite en octobre et n’ont pas été remplacés. Six voix étant requises pour valider une destitution, une décision unanime sera nécessaire pour démettre Yoon Suk-yeol. Selon les experts, cette issue est “très probable”, étant donné que le président déchu s’est rendu coupable de violations claires de la Constitution en proclamant sa loi martiale. Il est évident que le président “a tenté de paralyser les fonctions d’Etat […] même les universitaires les plus conservateurs ont reconnu que cela avait provoqué une crise dans l’ordre constitutionnel”, relève auprès de l’AFP Kim Hyun-jung, chercheuse à l’Institut de droit de l’Université de Corée. Samedi, le président déchu a refusé de se présenter à une convocation face à la justice.

Les manifestations vont-elles continuer ?

C’est bien possible, estiment les analystes. “Ceux qui sont pour le départ de Yoon Suk-yeol vont probablement se rassembler sur la place de Gwanghwamun, près de la Cour constitutionnelle”, pour faire pression, déclare Bae Kang-hoon, du groupe de réflexion politique Valid.

Des protestataires des deux camps ont affirmé à l’AFP qu’ils redescendraient dans les rues jusqu’à la décision de la Cour. “Je vais assurément manifester devant la Cour pour exiger qu’elle rejette la destitution”, a assuré Cho Hee-sun, qui a pris part à un rassemblement pro-Yoon samedi avant le vote du Parlement. Kim Cho-rong, en faveur de la destitution, a elle dit qu’elle continuerait de se mobiliser “ces prochaines semaines pour faire entendre (sa) voix aux juges”.

Quel favori en cas d’élection ?

Dans les rangs du Parti du pouvoir au peuple (PPP) de Yoon Suk-yeol, le chef de la formation Han Dong-hoon et le maire de Séoul Oh Se-hoon semblent se démarquer. Mais c’est le chef de l’opposition, Lee Jae-myung, qui est vu comme le grand favori par les spécialistes. “Lee a fait montre d’un fort leadership durant les jours de troubles depuis la déclaration de la loi martiale et joué un rôle-clé dans l’adoption de la motion de destitution”, estime l’avocat et chroniqueur politique Yoo Jung-hoon. Selon un sondage publié la semaine dernière, plus de 52 % des électeurs voient Lee Jae-myung comme le meilleur candidat, les autres étant relégués loin derrière, en dessous des 10 %.

D’extraction populaire, ayant quitté l’école jeune pour aider sa famille, Lee Jae-myung a connu une ascension sociale fulgurante jusqu’à devenir une vedette de la politique. Il a frôlé la mort en janvier dernier, après avoir été poignardé au cou dans une rue de Busan (Sud) par un individu qui se faisait passer pour un de ses partisans. A l’élection présidentielle de 2022, il a perdu contre Yoon Suk-yeol, avec le plus faible écart de toute l’histoire de la Corée du Sud. Le chef de l’opposition est cependant au coeur de plusieurs scandales. En novembre, un tribunal l’a reconnu coupable de violation des lois électorales mais le verdict a été suspendu. S’il était condamné, il serait déclaré inéligible à la présidence. Néanmoins, Lee Jae-myung “reste loin devant” ses potentiels concurrents, pense Yoo Jung-hoon, rappelant que les poursuites contre lui seraient en plus interrompues s’il gagnait l’élection, du fait de l’immunité présidentielle.




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