Huit jours après avoir été renversé, l’ex-président syrien est sorti de son silence lundi, qualifiant les nouveaux dirigeants du pays de “terroristes”. Lâché par ses alliés, Bachar el-Assad a fui pour Moscou lorsqu’une coalition de groupes rebelles menée par des islamistes radicaux s’est emparée le 8 décembre de Damas.
L’heure est désormais à “l’aide massive” pour la Syrie, a déclaré le responsable de l’aide humanitaire de l’ONU, en déplacement à Damas. “Sept Syriens sur dix ont besoin d’aide maintenant”, a affirmé Tom Fletcher. Une chose est sûre, la Syrie devrait pouvoir compter sur la France, d’après les dires de son envoyé spécial, Jean-François Guillaume.
Les infos à retenir :
⇒ La France est “aux côtés des Syriens”, assure son envoyé spécial à Damas
⇒ L’ONU prévoit le retour d’un million de réfugiés entre janvier et juin 2025
⇒ Abou Mohammed al-Joulani demande une levée des sanctions
L’UE doit “intensifier” sa relation avec HTC, selon Ursula von der Leyen
L’Union européenne doit “intensifier” sa relation avec le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC) au pouvoir en Syrie depuis l’éviction de Bachar el-Assad, a déclaré ce mardi midi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. “Nous devons maintenant intensifier notre engagement direct avec HTC et d’autres factions”, a-t-elle déclaré à l’issue d’un entretien avec le président turc Recep Tayyip Erdogan à Ankara, jugeant par ailleurs que l’UE et ses alliés ne “peuvent pas permettre” la “résurgence” du groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie.
L’Union européenne va débloquer une nouvelle aide d’un milliard d’euros pour financer l’aide aux réfugiés en Turquie, a aussi la dirigeante. “Un milliard d’euros supplémentaire est en route pour 2024. Cette somme servira notamment à financer les soins de santé et l’éducation des réfugiés en Turquie et (…) contribuera à la gestion des migrations et des frontières, y compris au retour volontaire des réfugiés syriens”, a-t-elle détaillé.
À Damas, “la France se prépare à être aux côtés des Syriens”
“La France se prépare à être aux côtés des Syriens dans la durée”, a déclaré ce mardi à des journalistes l’envoyé spécial français pour la Syrie Jean-François Guillaume, après avoir indiqué être venu à Damas “dans un cadre de prise de contact avec les autorités”, exprimant l’espoir que “la période de transition” sera “pacifique”.
Peu avant son arrivée, des membres des forces de sécurité françaises ont accédé au bâtiment de l’ambassade par la cuisine et ont cassé le cadenas de la porte principale depuis l’intérieur. Le drapeau tricolore a ensuite été hissé sur le bâtiment.
Interrogé sur la date de réouverture de l’ambassade, Jean-François Guillaume a affirmé qu’il ne pouvait pas se prononcer “tant que les critères de sécurité ne sont pas remplis”. L’ambassade de France en Syrie avait fermé le 6 mars 2012, sur décision du président Nicolas Sarkozy, pour protester contre la répression violente par le pouvoir de Bachar el-Assad du soulèvement populaire pacifique.
Des diplomates allemands vont également rencontrer ce mardi des représentants du gouvernement de transition, tandis qu’une délégation britannique est arrivée lundi. L’Union européenne, pour sa part, s’est dite “prête” à rouvrir son ambassade à Damas. “Nous sommes prêts à rouvrir notre délégation, qui est l’ambassade européenne, et nous voulons qu’elle soit de nouveau pleinement opérationnelle”, a déclaré la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas devant le Parlement européen à Strasbourg. “Nous ne pouvons laisser un vide en Syrie. L’UE doit être présente”, a-t-elle ajouté sur X, précisant que le bloc avait déjà entamé, “avec prudence”, un dialogue avec le nouveau pouvoir en Syrie et avec la société civile.
L’ONU prévoit le retour d’un million de réfugiés entre janvier et juin 2025
L’ONU a estimé ce mardi qu’un million de réfugiés syriens pourraient rentrer au pays entre janvier et juin 2025, à la suite de l’éviction de Bachar el-Assad. “Nous prévoyons désormais […] de voir revenir environ un million de Syriens entre janvier et juin de l’année prochaine”, a déclaré Rema Jamous Imseis, directrice du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord, lors d’un point de presse à Genève.
L’Organisation s’est par ailleurs réjouie du “plein accès humanitaire” accordé par les nouvelles autorités syriennes. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a salué “l’engagement du gouvernement intérimaire à protéger les civils, y compris les travailleurs humanitaires” et “le fait qu’il ait accepté d’accorder un plein accès humanitaire à travers tous les points de passage frontaliers”, dans un communiqué diffusé mardi.
Après une rencontre avec Abou Mohammed al-Joulani, le chef de la coalition désormais au pouvoir, qui se fait appeler désormais par son vrai nom, Ahmad al-Chareh, le secrétaire adjoint des Nations unies, Tom Fletcher, a également affirmé que l’ONU pensait pouvoir fournir une “aide ambitieuse” en Syrie. “Moment d’espoir prudent en Syrie. Mes rencontres à Damas, y compris les discussions constructives avec le commandant de la nouvelle administration, Ahmed al-Chareh, sont encourageantes. Nous disposons d’une base pour un renforcement ambitieux de l’aide humanitaire vitale”, a-t-il indiqué sur le réseau social X.
Giorgia Meloni prête à dialoguer avec le nouveau pouvoir, mais appelle à la prudence
La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, s’est dite prête mardi à dialoguer avec les nouveaux dirigeants en Syrie tout en appelant à la “prudence maximale” vis-à-vis du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC) au pouvoir depuis l’éviction de Bachar el-Assad. L’Italie “est prête à dialoguer avec les nouveaux dirigeants syriens, évidemment dans le contexte d’évaluations et d’actions partagées avec les partenaires européens et internationaux”, a-t-elle déclaré lors d’un discours au Parlement à Rome. “Les premiers signes semblent encourageants, mais une prudence maximale s’impose”, a-t-elle ajouté. “Les paroles doivent être suivies d’actions, et nous jugerons les nouvelles autorités syriennes sur leurs actes.”
Selon Giorgia Meloni, “l’élément décisif sera l’attitude à l’égard des minorités ethniques et religieuses”. Je pense en particulier aux chrétiens, qui ont déjà payé un prix très élevé et ont trop souvent été l’objet de persécutions”, a-t-elle souligné. L’Italie avait rouvert son ambassade à Damas au début de l’été, devenant ainsi le premier pays du G7 à le faire.
L’Iran rouvrira son ambassade en Syrie quand les conditions “seront réunies”
L’Iran ne rouvrira pas dans l’immédiat son ambassade en Syrie, a affirmé mardi la diplomatie iranienne, après le saccage de sa représentation à Damas lors de la chute du président Bachar el-Assad. “La réouverture de l’ambassade à Damas nécessite des préparatifs […] Nous poursuivrons ce travail dès que les conditions nécessaires seront réunies en termes de sécurité”, a indiqué Esmaïl Baghaï, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. “Le plus important est d’assurer la sécurité de l’ambassade et de son personnel”, a-t-il ajouté.
La Syrie et l’Iran ont entretenu de longue date des liens amicaux, à la faveur d’un rapprochement opéré dans les années 1970 par Hafez al-Assad, le père de Bachar, bien avant l’avènement de la République islamique d’Iran. Mais la prise du pouvoir à Damas par les rebelles menace de changer la donne. Début décembre, l’ambassade d’Iran en Syrie avait ainsi été saccagée, un acte jusque-là inimaginable dans un pays allié.
Abou Mohammed al-Joulani demande une levée des sanctions
Le chef de la coalition dominée par des islamistes qui a pris le pouvoir en Syrie a annoncé lundi soir que les factions combattantes seraient “dissoutes” dans l’armée, et a jugé nécessaire une levée des sanctions internationales visant Damas pour un retour des réfugiés après 13 ans de conflit.
La prise de Damas le 8 décembre par une coalition de groupes rebelles menés par les islamistes radicaux d’HTC, au terme d’une offensive éclair, a fait tomber Bachar al-essad, mettant fin à un plus d’un demi-siècle de règne sans partage. Ces groupes “seront dissous et leurs combattants préparés à rejoindre les rangs du ministère de la Défense, et tous seront sous le coup de la loi”, a affirmé Abou Mohammed al-Joulani, qui se fait appeler désormais par son vrai nom, Ahmed al-Chareh, dans des propos rapportés par la chaîne Telegram de la coalition menée par le groupe sunnite radical Hayat Tahrir al-Cham (HTC).
Après la chute de Bachar el-Assad qui se posait en protecteur des minorités dans un pays majorité sunnite, HTC, ex-branche d’Al-Qaïda, et le gouvernement transitoire ont insisté sur le respect des droits de tous les Syriens. Ahmed al-Chareh a tenu ces propos lors d’une rencontre lundi avec des membres de la communauté druze, branche de l’islam chiite, estimée à environ 3 % de la population syrienne d’avant-guerre. “La Syrie doit rester unie, et il faut qu’il y ait un contrat social entre l’Etat et l’ensemble des confessions pour garantir une justice sociale”, a-t-il dit devant les dignitaires druzes.
Lors d’un second entretien avec une délégation de diplomates britanniques, Ahmed al-Chareh a en outre “évoqué l’importance de rétablir les relations” avec Londres et “souligné la nécessité de lever toutes les sanctions imposées à la Syrie afin de permettre le retour des réfugiés syriens dans leur pays”, dans des propos rapportés sur Telegram.
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