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Cyclone Chido à Mayotte : “Le risque d’épidémie est bien plus important qu’à Saint-Martin après Irma”


Une situation “chaotique ” et un bilan humain qui va continuer de “s’alourdir”. Ambdilwahedou Soumaila, maire de Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, a fait ce mardi 17 décembre un état des lieux sombre, trois jours après le passage du cyclone Chido qui a ravagé l’île ce samedi 14 décembre. Si le bilan officiel fait état de 22 morts et 1373 blessés, la réalité pourrait être encore plus sombre. Dimanche dernier, le préfet François-Xavier Bieuville a évoqué la possibilité de “centaines” voire de “milliers” de victimes. La situation pourrait bien empirer dans les jours qui viennent, car les autorités craignent des déclenchements d’épidémies. Les réseaux de distribution et d’assainissement de l’eau sont hors service. Impropre, l’eau consommée pourrait contenir des virus pouvant entraîner, dans les cas les plus bénins, des gastro-entérites, mais aussi la leptospirose, la fièvre typhoïde, ou même le choléra. Cette maladie avait d’ailleurs affecté jusqu’à 200 personnes entre février et juin.

Ces affections graves, qui demandent une prise en charge rapide et importante, risquent d’être difficilement soignables dans une Mayotte aux infrastructures ravagées. “Vingt-cinq premières évacuations sanitaires de patients en situation urgente” ont déjà été effectuées lundi entre Mayotte et La Réunion, a déclaré la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq. Ces opérations “devraient se poursuivre dans les jours qui viennent”, a-t-elle expliqué. En parallèle, un hôpital de campagne va être déployé sur place. Les secours devront répondre à l’afflux de blessés, au risque de développement de maladies, mais aussi à des chaleurs tropicales. Ces dernières, et les moustiques qui les accompagnent, pourraient entraîner l’arrivée de virus du chikungunya ou la dengue. Une situation cauchemardesque, que Christophe Blanchard connaît de près. Actuel directeur délégué du centre hospitalier de Kourou, en Guyane, il a été directeur adjoint et par intérim de celui de Mayotte. En poste à Saint-Martin, il a également vécu la pression de l’ouragan Irma sur le système de santé de l’île.

L’Express : Vous avez vécu l’ouragan Irma à Saint-Martin en 2017. Les scènes de désolation à Mayotte sont-elles comparables ?

Christophe Blanchard : Saint-Martin, Mayotte, c’est la même situation. On a l’impression qu’une bombe est passée là et que tout est rasé. Ce n’est pas l’événement en lui-même qui fait peur : on se calfeutre, on attend. Mais c’est le jour d’après, avec la sidération qu’il entraîne. Dans mon cas, par exemple, ma maison a explosé. J’ai dû aller vivre chez une collègue. Les soignants de Mayotte vivent des instants similaires, voire encore pires, dans la mesure où l’île est moins développée, a moins d’infrastructures. Au-delà des soignants, il y aura des centaines de morts, voire des milliers. Des dizaines de gens sont restées dans leurs habitats insalubres pendant le cyclone. En commençant à ramasser les tôles, on risque de retrouver des corps, malheureusement.

Avez-vous des craintes spécifiques pour le centre hospitalier de Mayotte ?

L’hôpital a également été fortement malmené – mais il tourne. Je fais un nouveau parallèle avec Irma : à Saint-Martin, les soignants étaient restés sur place la nuit de l’ouragan. Ils ne savaient pas ce qu’était devenue leur maison parce qu’ils étaient de garde avec moi cette nuit-là. Au petit matin, l’hôpital a pu accueillir des patients au pied levé, parce que les équipes étaient là. Ils sont restés sur place pour accueillir le flux de patients. Le même principe s’applique à Mayotte, avec plusieurs difficultés : leur service d’urgence a été complètement inondé. Celui de réanimation, un peu aussi. Il faut remettre les unités de soin en ordre de marche très rapidement. Cela passe évidemment par évacuer l’eau, mais aussi calfeutrer les fenêtres pour éviter que l’eau ne re-rentre. Ensuite, il faudra déterminer les opérations les plus viables à réaliser sur les patients dans les conditions actuelles. Les premiers jours sont toujours ceux du système D.

Pensez-vous que toutes les précautions aient été prises avant l’arrivée du cyclone ?

Je pense que Mayotte est moins familière de la culture du risque que ne l’étaient les habitants de Saint-Martin. En 2019, quand les premières alertes avaient été données sur l’île à propos du cyclone Belna, personne ne s’était réellement affolé, arguant que ce type d’événement évitait en général l’île, que Madagascar faisait écran et protégeait Mayotte. C’était vrai. Mais il suffit d’un cyclone à la trajectoire comme celle de Chido pour contredire ce raisonnement. Je pense que les gens n’étaient pas suffisamment acculturés au risque chez les soignants – et c’est probablement encore plus vrai dans la population générale.

Choléra, dengue, chikungunya… Le risque d’épidémie est-il important ?

Le risque d’épidémie est beaucoup plus important à Mayotte qu’à Saint-Martin à l’époque. Mais le risque était tout de même présent : quand nous avions commencé à faire des tas pour ramasser les déchets, les rats et les mouches avaient été attirés. Il faudra prêter attention à cette question sanitaire-là. D’autant que Mayotte a un terrain beaucoup plus propice, notamment sur la question du choléra, maladie qui les a déjà touchés cette année. Le réseau d’eau ne joue pas en leur faveur. Nous parlons d’une île occupée par l’habitat insalubre sur des dizaines d’hectares. Cela signifie des réseaux en mauvais état, mais aussi des personnes qui ne savent pas – ou qui ne peuvent pas faire autrement – et qui consomment directement au tuyau, sans que l’eau n’ait été traitée au préalable. Ces conditions favorisent l’émergence d’épidémies.

Ajoutez à cela que Mayotte est un département à la densité particulièrement élevée : 320 000 kilomètres carrés pour autant d’habitants officiellement. Certains décomptes affirment qu’il y aurait plutôt 450 000 personnes sur l’île, non comptabilisés car sans papiers. Cette donnée va aussi compliquer la situation. Quand j’étais sur place, je me rappelle de longues queues dès 4 heures du matin devant le centre de santé de Jacaranda. Une centaine de patients attendaient déjà devant les portes. C’était le quotidien, pas une situation de catastrophe naturelle.

Quelles seront les premières difficultés des soignants ?

Probablement la récolte d’informations. Puis la coordination des aides. A Mayotte, le centre hospitalier est le cœur du système de santé. Il exerce 90 % des soins généralistes. Il faut aussi savoir qu’il n’y a qu’un seul hôpital sur l’île. La question des accouchements se pose également avec acuité à Mayotte. A Saint-Martin, nous étions à 600 accouchements par an. Nous n’avions pas été confrontés au même problème que les collègues de Mayotte, avec des femmes accouchant chez elles, dans des conditions très difficiles aujourd’hui pour certaines.

Certaines personnes, pas crainte d’être expulsées car sans-papiers, ne se sont pas rendues dans les centres d’hébergement. Pensez-vous qu’une telle barrière existe toujours, notamment en matière de soin aujourd’hui ?

Qu’une chose soit claire : l’hôpital de Mayotte soigne tout le monde. Il a été relevé que beaucoup de personnes ne se sont probablement pas rendues dans les centres d’hébergement au moment du passage du cyclone. Plusieurs explications ont été avancées, mais il faut en rappeler une, simple : la barrière de la langue. Beaucoup, à Mayotte, ne parlent pas, ou pas bien français. Il y a pu y avoir un problème de compréhension, qui risque de se poser dans les semaines qui viennent. L’hôpital est toutefois bien doté de ce côté. Il y a quelques mois, un service de traducteurs et d’interprètes de plusieurs dizaines de personnes a été installé.




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