Il n’y a pas d’échappatoire. Pour tout écrivain, homme ou femme, arrive le jour où l’on écrit sur sa parentèle, mère, père voire grands-parents. En cette seule rentrée, Frédéric Beigbeder (Un homme seul, Grasset), Jean-Louis Ezine (La Chaise, Gallimard), Jean-Claude Grumberg (Quand la Terre était plate, Seuil), Sabri Louatah (Safari, Flammarion), Vanessa Springora (Patronyme, Grasset) ou encore Blandine Rinkel (La Faille, Stock) cèdent à cette ardente obligation. Tout comme, avec éclat, Marie Nimier. Vingt ans après son brillant prix Médicis, La Reine du silence (Gallimard), consacré à l’auteur du Hussard bleu mort en 1962 à 36 ans au volant de son Aston Martin, “visage marqué par les mots des autres” pour sa fille de 5 ans, la romancière s’attaque avec Le Côté obscur de la Reine (Mercure de France) à sa mère, Nadine, belle blonde, qui prit tant de place dans sa vie. Bien sûr, en racontant Nadine, Marie revient inévitablement sur son père, qu’elle appelle le plus souvent Roger Nimier, pas fait pour le mariage ni la paternité, mais pour “le droit de cuissage, les canulars, le baratin. La chair fraîche. Les figures de style.”
Cette mère, donc, avec ses plaintes, ses chantages et son agressivité déguisée en tendresse, contre lesquels Marie n’a jamais réussi à se blinder. A chacune des visites parisiennes de la romancière rue Jean-Mermoz, là où veuve Nadine (séparée de corps lors de la mort du hussard) éleva sans grands moyens ses trois enfants, sa mère déclare les hostilités – alors que dans le quartier, on apprécie le courage, l’humour et la générosité de cette femme double.
“Elle ne cherche pas à me capturer puisque je suis déjà captive […], écrit l’auteure, elle veut juste m’administrer régulièrement une petite piqûre de rappel.” Cette captivité provient de l’enfance, lorsque la petite Marie, submergée par l’amour pour cette mère providentielle, l’écoute en silence, spectatrice éperdue. Marie Nimier fouille sa mémoire et émet des doutes sur des gestes déplacés, des tripotages accentués, sait qu’il s’est passé quelque chose de grave, mais quoi ? Alors, le silence change de camp. On est confondus par sa quête d’une sincérité absolue.
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