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Conseil de l’UE : pourquoi la présidence de la Pologne sera particulièrement scrutée


“Les poignées de main avec les Donald sont souvent un véritable défi…”. Sous ce titre ironique, une vidéo de trois secondes mise en ligne mi-décembre par le Premier ministre polonais le montre en train de serrer vigoureusement la main d’Emmanuel Macron, alors en visite à Varsovie. Adepte d’une communication au second degré, Donald Tusk fait ici allusion aux longues poignées de main entre le président français et Donald Trump, qui ont parfois tourné au bras de fer. Au passage, Tusk, “l’autre Donald”, en profite pour valoriser sa propre énergie et sa familiarité avec Emmanuel Macron.

Depuis son retour au pouvoir à l’automne 2023, le libéral conservateur de 67 ans est décidé à ce que son pays assume son rang parmi les puissances européennes. La présidence tournante du Conseil de l’Union européenne va lui offrir à partir du 1er janvier l’opportunité de passer à la vitesse supérieure. La Pologne succède à la Hongrie de Viktor Orbán, au grand soulagement de la plupart des autres capitales. “Cette présidence est la bienvenue, souligne Sébastien Maillard, conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors. On est en droit d’en attendre beaucoup car la Pologne est l’un des rares pays en situation d’exercer un véritable leadership.”

Moment polonais

Alors que la France et l’Allemagne se débattent avec leurs difficultés intérieures, les circonstances paraissent effectivement propices à un “moment polonais”. L’europhilie de l’ancien président du Conseil européen (entre 2014 et 2019) est incontestable et il appartient au Parti populaire européen (PPE), la famille de droite qui domine l’agenda et la vie politique à Bruxelles. Donald Tusk a d’ailleurs placé Piotr Serafin, son ancien bras droit, à la Commission européenne, où ce dernier a obtenu le dossier stratégique du budget. Sa victoire sur les ultraconservateurs populistes du parti Droit et justice (PiS) a renforcé son statut, d’autant plus que, depuis la guerre en Ukraine, la voix de la Pologne porte bien davantage. Enfin, le montant élevé des dépenses militaires (4,2 % du PIB en 2024, 4,7 % prévus en 2025) renforce sa crédibilité au moment où un nouveau locataire arrive à la Maison-Blanche.

“La priorité de notre présidence, c’est Donald Trump, qu’on le veuille ou non”, confie un proche du Premier ministre. Le 47e président des Etats-Unis prendra ses fonctions alors que la Pologne pilotera depuis seulement trois semaines les rencontres des Etats-membres de l’UE. Des décisions abruptes de l’Américain sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine ou sur les relations économiques avec le Vieux Continent risquent de bouleverser l’ordre du jour de la présidence… En anticipation et en ces temps “d’incertitudes et d’inquiétudes”, les Polonais ont donc fait de la sécurité leur grande priorité. Un terme qu’ils déclinent en sept chapitres, au premier rang desquels la défense, la protection des frontières, la lutte contre les ingérences étrangères et l’énergie. “L’Europe vit un temps d’épreuves et de décisions”, peut-on lire sur le site qui présente leur programme en détail.

Fermeté face à Moscou

Favorable comme Paris à plus d’autonomie stratégique de l’Union européenne, Varsovie cherche à renforcer la résilience des 27, notamment face à la Russie. Et si le triangle de Weimar avec la France et l’Allemagne a été réactivé, Donald Tusk a également multiplié les contacts avec ses homologues baltes et nordiques, partisans comme lui d’une ligne très ferme face à Moscou. Il a peu apprécié les déclarations publiques d’Emmanuel Macron sur l’envoi de troupes européennes en Ukraine après un éventuel cessez-le-feu, qu’il a jugées prématurées. De leur côté, les Français restent méfiants face à l’atlantisme supposé des Polonais. “Nous voulons une action ambitieuse sur la défense, qui complète l’action de l’Otan”, écrivent ceux-ci dans leur programme européen, en préambule de leur chapitre consacré aux affaires militaires. Leur suggestion d’acheter davantage de matériel américain pour amadouer Donald Trump n’enchante guère Paris.

“Ils ont le choix entre prendre la tête du groupe des pays qui sont en première ligne face à la Russie ou rejoindre la France, l’Allemagne et l’Italie, les adultes dans la salle, qui cherchent des compromis, décrypte un diplomate. Donald Tusk veut rejoindre les adultes, mais les Polonais gardent un ADN de militants et de martyrs.” Jusqu’ici, Varsovie a souvent défendu bec et ongles ses propres intérêts, sans nécessairement tenir compte de l’intérêt général européen. Ainsi, la Pologne a exigé à l’automne de pouvoir suspendre les règles communes du droit d’asile pour refouler les migrants instrumentalisés à sa frontière par la Biélorussie.

Ses partenaires attendent donc de voir si, à partir de janvier, Varsovie jouera plus collectif, par exemple sur l’exonération de droits de douane pour les céréales ukrainiennes, à laquelle les fermiers polonais sont très hostiles. “Ils ont des élections présidentielles en mai, cela risque de pervertir leur semestre”, s’inquiète un diplomate européen. Au printemps, les libéraux veulent en effet vaincre le candidat du PiS, afin de pouvoir gouverner sans menace de veto présidentiel.

Prophète ou feu de paille ?

Un œil à Bruxelles, l’autre sur la campagne électorale à Varsovie, Donald Tusk saura-t-il forger l’unité européenne dans des mois qui s’annoncent cruciaux ? “La presse cherche toujours un prophète, mais cela risque d’être un feu de paille !” cingle l’un de ceux qui côtoient le Polonais depuis des années dans les arcanes européens. “Les Polonais ne sont pas des ‘eurobéats’. Comme tous les grands pays, ils défendent leurs intérêts. Ce qui n’empêche pas que, désormais, ils jouent dans la cour des grands”, tempère Sébastien Maillard. La responsabilité sur leurs épaules sera en tout cas conséquente.





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