Comment faire pour arrêter Yoon Suk-yeol ? Le président sud-coréen déchu n’a toujours pas été interpellé par la police du pays. Sous le coup d’un mandat d’arrêt pour avoir imposé brièvement une loi martiale en Corée du Sud début décembre, le dirigeant est le premier chef d’État en exercice de l’histoire à être visé par une telle procédure. Il avait aussi envoyé l’armée au sein du Parlement national pour tenter de le museler, un épisode rappelant les heures sombres de la dictature dans la région.
Finalement, le président de 64 ans avait été destitué le 14 décembre par les députés. Mais Yoon Suk-yeol n’a pour autant manifesté aucun regret quant à ses actes, promettant même à ses partisans de “se battre jusqu’à la fin”. Alors que le secrétaire d’État américain Antony Blinken est attendu en début de semaine en Corée du Sud, le pays vit au rythme de cette intense crise politique. Toujours officiellement président dans l’attente de la confirmation de sa destitution par la Cour constitutionnelle, Yoon Suk-yeol reste cloîtré chez lui, dans le centre de Séoul. Ce vendredi 3 janvier, les enquêteurs ont une première fois manqué son arrestation… Ce qui ouvre la voie à plusieurs scénarios pour la suite.
Une nouvelle tentative d’arrestation
Le mandat émis à l’encontre de Yoon Suk-yeol court jusqu’à ce lundi 6 janvier. Les enquêteurs peuvent donc réessayer d’arrêter le président déchu, après l’échec d’une première opération en raison de la présence d’environ 200 soldats et agents de la garde présidentielle devant le logement du dirigeant. Plusieurs altercations “mineures et majeures” ont eu lieu entre ces forces de protection et les services de sécurité venus interpeller ce dernier. La tentative avait finalement été abandonnée à la mi-journée, vendredi.
Si Yoon Suk-yeol, visé notamment pour “rébellion”, était arrêté, il pourrait être ensuite maintenu en détention pendant 48 heures. Les enquêteurs auraient ensuite le choix entre demander un autre mandat, dit formel, pour le garder à vue plus longtemps, ou le relâcher. L’actuel document est qualifié d’”illégal” par les avocats du président déchu, qui promettent de le contester en justice. Un nouveau mandat peut par ailleurs être délivré à l’expiration du précédent.
Un mandat d’arrêt plus contraignant
Seconde option possible, toujours sur le plan judiciaire : essayer d’obtenir un mandat d’arrêt formel plus contraignant au lieu de l’ordre classique. Cela pourrait permettre au Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO), qui centralise les investigations, de placer Yoon Suk-yeol en détention pendant plus de 48 heures.
D’après les spécialistes, ce scénario n’est pas improbable. La raison avancée ? Yoon Suk-yeol a repoussé trois convocations pour un interrogatoire avant d’être finalement ciblé par le mandat actuel, qu’il rejette aussi. Or un mandat d’arrêt formel est généralement émis quand “un suspect refuse de coopérer à l’enquête”, explique le commentateur politique Park Sang-byung, selon des propos rapportés par l’AFP. Yoon Suk-yeol a par ailleurs “encouragé ses partisans” à le soutenir, ce qui pourrait être perçu par les tribunaux comme une “reconnaissance des accusations criminelles portées contre lui”.
Un appui du président par intérim
Face à leur obstruction, le CIO et la principale force de l’opposition, le Parti démocrate, ont demandé au président intérimaire Choi Sang-mok d’obliger les gardes du dirigeant déchu à coopérer. “Il est, dans la pratique, impossible d’exécuter le mandat d’arrêt tant que les responsables de la sécurité […] continuent leur protection” de Yoon Suk-yeol, a déploré le CIO dans un communiqué.
Cette requête semble difficilement acceptable pour le président par intérim. Choi Sang-mok se trouve déjà dans une situation politique délicate et n’a pas encore réagi à l’échec de la première tentative d’arrestation de Yoon Suk-yeol. Le nouveau chef d’État provisoire est ainsi critiqué par le PPP, le parti de son prédécesseur, pour avoir nommé deux nouveaux juges à la Cour constitutionnelle, qui comptait jusqu’alors trois sièges vacants sur neuf.
La majorité des deux tiers au sein de la juridiction est requise pour entériner une destitution. Ainsi, l’arrivée de ces nouveaux magistrats pourrait donc constituer une chance plus importante de voir la destitution de Yoon Suk-yeol bel et bien confirmée. Sans ces nominations, la Cour constitutionnelle aurait donc dû valider cette décision à l’unanimité des juges.
L’attente du verdict de la Cour constitutionnelle
Dernière possibilité : il s’agit simplement d’attendre que la Cour constitutionnelle confirme ou infirme d’ici à la mi-juin la destitution de Yoon Suk-yeol. Seulement suspendu pour le moment, celui-ci est toujours officiellement président titulaire de la Corée du Sud. Selon les experts, les enquêteurs auraient beaucoup moins de mal à l’arrêter si son titre lui était retiré.
Le premier jour d’audience est fixé au 14 janvier prochain. Mais le délai jusqu’au verdict pourrait être long et il est possible que les procédures impliquant le président déchu traînent, même si la Cour entend mener un procès rapide, au vu de la gravité du dossier. Pour les avocats de l’intéressé, les juges doivent au contraire absolument utiliser tout le temps qui leur est imparti, les appelant à examiner en détail “les circonstances qui ont conduit à la déclaration de la loi martiale”.
Source