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Comment Napoléon a grandement contribué au recul du français dans le monde


Au milieu du XVIIIe siècle, la langue française est au sommet de sa gloire. De Londres à Moscou en passant par Berlin, de nombreux aristocrates la jugent synonyme de culture et de raffinement et se font un devoir de la parler. Casanova et Leibniz la choisissent pour certains de leurs écrits. Les œuvres des Lumières, Voltaire et Rousseau en tête, rayonnent au-delà de nos frontières. Mais, comme souvent, la roche Tarpéienne est proche du Capitole. En quelques décennies, le français va chuter de son piédestal. Et les dirigeants du pays vont eux-mêmes contribuer à son déclin.

Tout commence à se dégrader sous la Révolution. On l’imagine aisément : la décapitation de Louis XVI n’enthousiasme pas vraiment les cours du Vieux Continent. La vogue du français en Europe s’en ressent, d’autant que la période de la Terreur déçoit aussi les amoureux de la liberté. Mais le pire est à venir et doit être mis au débit d’un homme connu pour sa petite taille, son chapeau bicorne et son génie militaire : un certain Napoléon Bonaparte.

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La première erreur du grand homme a consisté à dégrader l’image de notre pays en multipliant les conquêtes au moyen de méthodes violentes. “La brutalité des armées de Napoléon a créé dans plusieurs pays d’Europe un sentiment antifrançais”, souligne le linguiste Gilles Siouffi. Ainsi, en Espagne, des heurts éclatent un peu partout entre la population et les soldats. Goya peint sa célèbre toile Tres de Mayo pour dénoncer les exactions des militaires français, et les afrancesados qui, par conviction ou par intérêt, avaient soutenu l’occupation, sont mis au ban. En Italie, le poète Alfieri publie Le Misogallo (littéralement, “celui qui hait les Français”) pour critiquer les dérives de la Révolution et l’occupation du nord de la péninsule par nos armées. Résultat : alors qu’au XVIIIe siècle le français servait de passeport à toute une élite cultivée, “beaucoup, en Allemagne, en Autriche et en Russie, se “défrancisent”, souvent au profit de l’anglais”, écrit Gilles Siouffi dans son récent et remarquable ouvrage Paris-Babel*. Il n’est pas abusif d’établir un parallèle avec la situation actuelle en Ukraine, où la pratique du russe recule depuis l’invasion du pays par Vladimir Poutine.

La seconde erreur, plus décisive encore, intervient avec la vente de la Louisiane qui, à la notable exception du Québec et de l’Acadie, met un terme quasi définitif l’usage de notre langue en Amérique du Nord. Soyons honnêtes : la perte de ces territoires – bien plus vastes que l’Etat actuel du même nom – avait été largement amorcée sous la monarchie, mais une partie d’entre eux avait été rétrocédée à la France par l’Espagne en 1800 par le traité de San Ildefonso. Las, Napoléon les abandonne définitivement aux Etats-Unis dès 1803. Erreur fatale.

Pourtant, plusieurs “intellectuels” du XVIIIe siècle, comme on ne disait pas encore, avaient compris à quel point cette région du monde déterminerait la suprématie linguistique des temps à venir. Ainsi, Johann Christoph Schwab, vainqueur ex-aequo avec Rivarol d’un concours sur l’universalité de la langue française organisé en 1784, avait prédit que l’anglais, malgré “son manque d’attrait”, disposait d’un atout considérable : son “empire prodigieux” en Amérique. De même, le philosophe écossais David Hume avait annoncé qu’après la perte de ses possessions sur ce continent, la France serait écartée pour longtemps de la scène internationale.

Car c’est une règle bien connue de la linguistique : le rayonnement d’une langue ne doit rien à sa supposée clarté, mais tout à la puissance de son économie, de son armée et de sa démographie. Aussi ce qui devait arriver arriva : l’influence du français allait s’étioler à mesure que notre pays allait perdre de sa superbe dans le Nouveau monde.

Cent ans plus tard, c’est une autre figure de notre Panthéon national qui portera un nouveau coup terrible à notre langue. Depuis le traité de Rastatt, signé le 6 mars 1714, le français s’était imposé comme langue de la diplomatie ? Ce monopole sera abandonné en 1919 lors du traité de Versailles, consécutif à la Première Guerre mondiale, par… Clemenceau. Le président du Conseil, dont l’épouse était originaire du Wisconsin, se flattait de parler anglais et entendait le montrer. Aussi accéda-t-il à la demande de l’Américain Wilson et du Britannique Lloyd George d’adopter l’english comme langue de travail.

Ce jour-là, le Père la Victoire s’était transformé en Père la Défaite.

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