Face aux accusations d’ingérence d’Elon Musk sur le Vieux Continent, un front européen serait-il en train de se dresser ? Les premières pierres ont été posées par le couple franco-allemand. Peu après s’être fait traiter de “fou” puis de “d’imbécile incompétent” par le milliardaire, le chancelier Olaf Scholz s’est fendu d’une mise en garde lors de ses vœux à la nation pour la nouvelle année : “Vous, les citoyens, décidez (du résultat du vote). Ce ne sont pas les propriétaires des réseaux sociaux qui en décident.”
Quelques jours plus tard, c’est au tour d’Emmanuel Macron, dont les relations avec le chef du gouvernement allemand ne sont pas au beau fixe, de montrer les muscles au patron de X qui tout en multipliant les provocations tente d’accroître son influence en Europe. Ainsi, lors de la traditionnelle conférence annuelle des ambassadeurs lundi 6 janvier, le locataire de l’Elysée a étrillé sans jamais le nommer l’homme le plus riche du monde, porte-voix, selon lui, “d’une nouvelle internationale réactionnaire”.
Et le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre d’emboîter le pas au chef d’Etat français en faisant lui aussi montre de son inquiétude. “Je trouve préoccupant qu’un homme avec un accès considérable aux réseaux sociaux et d’importantes ressources économiques s’implique de manière si directe dans les affaires internes d’autres pays”. Parmi lesquels, le Royaume-Uni, dont le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a fustigé lundi “ceux qui propagent mensonges et désinformations”.
Une volonté manifeste d’influencer les scrutins européens
Une réponse à la série de messages d’Elon Musk postée sur son réseau social X en fin de semaine dernière. Le patron de Tesla a déterré un dossier vieux d’une dizaine d’années : une vaste affaire de viols et d’exploitation sexuelle de plus de 1 500 femmes dans le nord de l’Angleterre pendant plusieurs décennies. Dans ses tweets, le quadragénaire à mi-chemin entre le monde des affaires et la politique pointe du doigt la responsabilité de Keir Starmer alors à la tête du service du procureur dans la mauvaise gestion de la résolution de l’affaire qui impliquait plusieurs hommes originaires du Pakistan.
Aussi, celui qui chuchote désormais à l’oreille de Donald Trump, enjoint-il le gouvernement travailliste à la démission afin que de nouvelles élections législatives aient lieu. Un scénario qui lui permettrait de répliquer la stratégie enclenchée en Allemagne où un renouvellement du Bundestag est attendu pour la fin février. Depuis quelques semaines, Elon Musk multiplie les appuis à l’AfD, dont la classification à l’extrême droite de l’échiquier politique est “clairement fausse”, notait-il samedi récemment dans les colonnes du quotidien Welt, assurant que seul l’AfD était en mesure de “sauver l’Allemagne”.
Une Commission européenne timorée
Dernier fait d’armes d’Elon Musk outre-Rhin, l’organisation d’un live sur X le 9 janvier prochain avec Alice Weidel, candidate AfD au poste de chancelier aux élections législatives du 23 février. Un format qui fait écho à celui qui avait été proposé au candidat républicain à trois mois de l’élection présidentielle américaine de 2024. Et alors que d’aucuns s’inquiètent de l’usage de X comme une plateforme au service de l’extrême droite, la réponse de la Commission européenne, considérée comme le régulateur du numérique, demeure pour l’heure, quelque peu timorée.
Si Bruxelles promet de poursuivre sa mission de surveillance des pratiques de X engagée avec l’ouverture d’une enquête fin 2023, “rien dans le DSA n’interdit au propriétaire d’une plateforme ou à quiconque d’héberger un live stream et d’exprimer ses opinions personnelles”, a déclaré le porte-parole de la Commission pour le numérique, Thomas Regnier, interrogé lors d’une conférence de presse sur l’utilisation par Elon Musk de son réseau social pour soutenir les droites dures en Europe. Une réaction en demi-teinte qui n’est pas sans rappeler l’épisode qui avait opposé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et l’ancien commissaire européen au marché intérieur en août dernier, Thierry Breton.
Après avoir pris connaissance de l’échange organisé sur X entre le propriétaire de la plateforme et Donald Trump, Thierry Breton avait alors adressé une lettre à “Monsieur Musk” : “De grandes audiences impliquent de grandes responsabilités.” Une initiative épistolaire qui avait irrité Bruxelles. “Le timing et la formulation de la lettre n’ont été ni coordonnés ni approuvés par la présidente [Ursula von der Leyen, NDLR] ni par les [commissaires]”, a fait savoir Bruxelles qui avait alors vertement désavoué son commissaire au Marché intérieur.
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