L’ascension éclair d’Elon Musk au cœur de la bulle trumpiste ne se fait pas sans une montée en tension dans celle-ci. Initialement loué pour avoir promu la liberté d’expression sur X en assouplissant ses règles, l’entrepreneur multimilliardaire fait désormais face à des détracteurs qui l’accusent de “censurer les voix critiques”, et ce à des fins personnelles. D’autres encore estiment que le désormais ministre de “l’efficacité gouvernementale” trahit les valeurs trumpistes afin d’utiliser son pouvoir économique pour promouvoir ses intérêts. Au sein de la frange extrême du camp républicain, un groupe de figures politiques et militantes s’alarment désormais de l’influence grandissante d’Elon Musk sur le futur président… et sur la politique du pays.
Parmi ces personnalités, Laura Loomer, militante d’extrême droite autrefois partisane d’Elon Musk, dont le compte X a temporairement été suspendu le mois dernier pour “violation du règlement” après avoir critiqué le point de vue du patron de Tesla sur l’immigration. “En tant que fidèle partisane du président Trump, je le soutiens suffisamment pour tirer la sonnette d’alarme sur ce qui est en train de devenir un boulet”, déclarait-elle peu après dans une interview. “Vous n’êtes pas autorisé à remettre Elon en question, semble-t-il, et la question qui se pose est la suivante : Donald Trump va-t-il intervenir avant que cela ne crée une crise pour son administration ?”, interrogeait la militante, dans des propos rapportés par le New York Times.
Déchirement de fond autour du visa H-1B
Car avant de se jouer sur les réseaux, c’est de la question du visa H-1B qu’est issu le déchirement au sein du camp politique. Alors que la politique de Donald Trump va traditionnellement à l’encontre de toute ouverture à l’immigration, le président a surpris le mois dernier en défendant, peu après de véhémentes prises de paroles de son acolyte Elon Musk en faveur du H-1B, ce visa permettant notamment à la Silicon Valley de faire appel à des talents étrangers pour venir remplir des postes qualifiés – d’ingénieurs par exemple – aux Etats-Unis.
Une politique mal reçue par de nombreuses figures trumpistes de la première heure, comme Laura Loomer, mais aussi par le puissant Steve Banon, ancien conseiller de Donald Trump et figure influente de la droite conservatrice américaine, qui y voient une trahison des principes “Make America Great Again” de Donald Trump. Elon Musk, en réponse, avait défendu ces visas comme essentiels pour des entreprises comme Tesla.
Alors que la dispute s’intensifiait, Laura Loomer et Steve Bannon ont présenté le point de vue du milliardaire sur les travailleurs étrangers comme une insulte envers la base des électeurs trumpiste. Ils ont au passage questionné la légitimité d’une telle influence financière sur leur parti, et souligné “que M. Musk était redevable de ses intérêts commerciaux, notamment des liens de Tesla avec la Chine”, selon le New York Times. Plus grand contributeur de Donald Trump, Elon Musk a dépensé plus de 250 millions de dollars pour l’aider à remporter l’élection. Mais pour ces figures républicaines, comme Steve Bannon, il “est devenu accro à l’adoration que les rassemblements lui ont apportée pendant la période précédant le jour de l’élection”. “Restez dans votre voie”, suggérait aussi fin décembre Mike Davis, proche avocat de Donald Trump, sur X.
Dear Elon and Vivek:
I’m a big fan of yours.
Friendly suggestion:
Stay in your lane.
— 🇺🇸 Mike Davis 🇺🇸 (@mrddmia) December 27, 2024
Elon Musk accusé de censurer ses opposants
Gare néanmoins à ceux qui s’opposent publiquement au magnat des réseaux. Laura Loomer n’est pas la seule à avoir vu les portes de sa plateforme de prédilection se fermer. Le retrait, ces derniers mois, des marques de certification de plus de 50 comptes critiques a amplifié les accusations de censure, détaille le New York Times.
Certaines figures, comme la médecin dotée d’une large audience Anastasia Maria Loupis, ont annoncé envisager des actions légales contre X, après avoir vu son compte déclassé suite à son opposition aux visas H-1B. Fondateur de l’association économique d’extrême droite Turning Point USA, le jeune entrepreneur Charlie Kirk a lui aussi soulevé des préoccupations concernant la censure sur le réseau social, notamment en ce qui concerne la suspension temporaire de compte de personnalités conservatrices.
Pourtant loin de la politique américaine, le ténor de la droite européenne, Nigel Farage, leader du parti britannique Reform UK, a récemment critiqué Elon Musk pour son soutien à des figures controversées comme l’activiste d’extrême droite Tommy Robinson, condamné fin octobre à 18 mois de prison ferme pour avoir violé une décision de justice de 2021 qui lui interdisait de répéter des propos diffamatoires envers un réfugié syrien.
Cette divergence a conduit Musk à déclarer publiquement que Nigel Farage devrait démissionner de son poste de leader de Reform UK, affirmant qu’il “n’a pas ce qu’il faut” pour diriger le parti, et suggérant même le député du Brexit Rupert Lowe comme potentiel successeur. Une fracture qui a indigné certains conservateurs, comme Steve Bannon, qui continue de défendre Farage comme un leader populiste influent.
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