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Retraites, censure et Jean-Luc Mélenchon : face à François Bayrou, les socialistes pris au piège


Lundi 13 janvier. L’épiphanie socialiste, sans frangipane ni fève. Olivier Faure prend conscience qu’Eric Lombard n’est pas François Bayrou. Les promesses du ministre de l’Economie, tout “ami” qu’il est, tout ancien socialiste rocardien qu’il fut, n’engagent que ceux qui y ont cru ; à commencer par cette suspension de la réforme des retraites. Celui qui décide, c’est le Premier ministre. Et il n’y aura donc ni suspension ni gel de la loi Borne. C’est ce que rappellent doctement Lombard et son homologue ministre de la Santé Catherine Vautrin. Les négociations qui se tenaient depuis deux semaines virent au fiasco. Le premier secrétaire a beau insister sur la prise de risque qui est celle des socialistes, eux qui sont désormais les seuls membres du NFP à accepter la discussion alors que les écologistes et les communistes ont claqué la porte, rien n’y fait. Ils devront faire avec les quelques gages donnés sur le budget de l’hôpital, la justice fiscale ou encore la non-suppression des 4000 postes dans l’Education nationale. “On ne se contente pas de hochets”, s’agace Boris Vallaud devant les plénipotentiaires. Il est 18h30 ce lundi-là, et les socialistes se préparent tout compte fait à censurer le gouvernement, dès le discours de politique générale que Bayrou doit prononcer le lendemain.

Mais la nuit, tous les chats sont gris. Les socialistes aussi. Le Premier ministre a repris le fil des discussions. Craint-il la menace de la censure ? Quand Olivier Faure quitte Matignon après de longues heures d’ultimes tractations, il se convainc d’avoir récupéré l’avantage. Il y a les victoires qu’il juge “remarquables” déjà acquises et que Bayrou doit lister dans son discours. Il y a aussi son joker. Cette carte qu’il a tirée de sa manche au dernier moment devant le chef du gouvernement : une conférence sociale pour corriger la réforme, dès vendredi 17 janvier. Il a eu Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, un peu plus tôt au téléphone, qui a donné son accord de principe. Sophie Binet, celle de la CGT, se dit hésitante mais partante. Faure dévoile son jeu : la réforme tant décriée, et notamment la mesure d’âge, serait remise à la discussion des partenaires sociaux (ce qui n’avait jusque-là pas eu lieu). L’accord qui s’ensuivrait serait alors débattu par les parlementaires, et soumis au vote. Concertations, démocratie parlementaire… Des mots sucrés à l’oreille de tout MoDem qui se respecte. Bayrou, bien que pris au dépourvu, semble séduit par la proposition.

Le SMS de Castets

Mardi 14 janvier au petit matin, le coup d’Olivier Faure ne fait pas mouche chez ses camarades. Dans un SMS révélé par Libération, Lucie Castets, l’ancienne candidate du NFP à Matignon, met en garde le chef des roses : “Je suis bien sûr preneuse d’une conférence sociale sur les retraites […] mais est-ce que cela vaut la non-censure sur une DPG ? Je ne le crois pas. […] Si vous bradez le NFP, l’électorat de gauche vous en voudra à mort.” La cégétiste Sophie Binet freine des quatre fers elle aussi. D’autant qu’au même moment, le Premier ministre assure devant les parlementaires du bloc central macroniste qu’il n’y aura aucune suspension de la réforme. “François Bayrou refuse la suspension de la réforme des retraites. Qui aurait pu le prédire ?”, ironise l’écologiste Marine Tondelier qui négociait pourtant quelques jours plus tôt avec le gouvernement, emboîtant désormais le pas des Insoumis et de la censure coûte que coûte.

Les socialistes marchent sur un fil, mais Olivier Faure reste droit dans ses bottes. En réunion de groupe mardi matin toujours, il assure que la censure a “un coût”. Si Bayrou cède à la conférence sociale, le ver de l’abrogation est dans le fruit de la réforme. “La censure pour la censure, c’est le plus confortable politiquement”, justifie un cadre du PS. Mardi matin, les députés socialistes décident, devant les avancées obtenues, de ne plus censurer, ni maintenant lors du discours de politique générale ni plus tard lors des discussions budgétaires.

Divisions socialistes

Il n’empêche qu’au parti, l’affaire est loin d’être entendue. Le midi, réunis en bureau national, les socialistes affichent leurs divisions… Comme une mini-fronde, menée par des soutiens d’Olivier Faure, dont le député Arthur Delaporte, les secrétaires nationaux Sarah Kerriche et Clovis Cassan, ou encore l’eurodéputé et présidente des MJS Emma Rafowicz. Visages de la nouvelle génération socialistes, eux réclament la censure. Leurs aînés socialistes, dont Olivier Faure, soutenu, une fois n’est pas coutume, par François Hollande, considèrent que “la censure a un coût politique”. Ces derniers jours, les remontées de terrain ont refroidi les ardeurs de bien des députés. “On enchaîne les cérémonies des vœux, on voit les maires, on parle aux gens… Une partie non négligeable de notre électorat nous demande de ne pas censurer, de trouver des solutions de stabilité. On ne l’invente pas ça, et il faut en tenir compte”, explique le député PS Laurent Baumel. “La stabilité pour la stabilité, ça ne sert à rien”, affirme un député socialiste partisan de la censure.

16h30, le Premier ministre achève son discours de politique générale. C’est la douche froide pour Olivier Faure et ses socialistes. A la conférence sociale suivie d’une discussion parlementaire, François Bayrou préfère l’ouverture d’un “chantier” pour une durée de trois mois. Et si d’aventure les partenaires sociaux ne parvenaient à se mettre d’accord, alors la réforme Borne serait bel et bien appliquée. “Dire cela, c’est donner un droit de veto au patronat”, s’étrangle Laurent Baumel en sortant de l’hémicycle. Pire encore, une partie des autres engagements sur les postes dans l’Education nationale notamment ont disparu du texte du chef du gouvernement. “On n’a même pas eu 10 % de ce qu’on demandait. Ça pose question sur la solidité des engagements ministériels”, s’étrangle le député Philippe Brun qui est devenu désormais partisan d’une censure.

Censurer immédiatement ? Censurer plus tard ? Ne pas censurer du tout ? Les socialistes ne savent plus sur quel pied danser. Sur le plateau du 20 Heures de TF1, Olivier Faure s’évertue à dire que “le compte n’y est pas”. “Nous censurerons sauf si nous avons une réponse claire sur les retraites”, avertit-il. Tous ses députés ne sont pas de son avis, et d’autres encore plaident pour sanctionner le gouvernement. Une réunion à huis clos se tient mercredi matin entre les parlementaires à la rose.

Isolés, divisés, voilà les socialistes pris au piège entre un gouvernement qui a fini par les éconduire, et les Insoumis qui, eux, se délectent de l’embarras du PS. Devant quelques journalistes à l’Assemblée mardi, Jean-Luc Mélenchon ne pouvait cacher sa joie. “Les socialistes sont tellement grotesques […]. Je jubile : Faure a tenté d’imposer son cadre, mais il a raté. Pendant ce temps-là, on récolte les signatures (NDLR : pour la présidentielle)”, se gargarisait-il. Et de menacer les socialistes de leur opposer un candidat aux prochaines législatives : “Tous ceux qui ne votent pas la censure sortent du NFP. On met une option sur leur circonscription.” Les socialistes rêvaient de s’émanciper de son carcan, retour à la case départ.




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